Éducation du public, formation des équipes, événements non-mixtes… Alors que 60 % des femmes ont déjà été victimes de harcèlement ou d’agression en soirées, des acteurs de la fête tentent de la rendre plus sûre.
Le Petit Bain a rédigé une charte qui liste les comportements non tolérés dans l’enceinte de l’établissement Photo Janai Trejo
Publié le 30 novembre 2023 à 17h00
Les VHSS (violences et harcèlement sexistes et sexuels) sont encore présentes dans les clubs et salles de concerts, souvent favorisées par la consommation de désinhibants (alcool, drogue, gaz…). D’après l’association Consentis qui milite au sein des milieux festifs, 60 % des femmes ont déjà été victimes de harcèlement ou d’agression dans ces espaces, rendant nécessaire la mise en place de dispositifs pour protéger les publics, équipes et artistes. Des soirées ont donc émergé sous l’étiquette « safer » (« plus sûres »).
Plusieurs salles ont mis en place des moyens de lutte contre les VHSS ou la soumission chimique (« administration à des fins criminelles (viols) ou délictuelles (violences, vols) de substances psychoactives à l’insu de la victime ou sous la menace » – définition de l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). L’espace culturel le Petit Bain est exemplaire dans son engagement pour la sécurité. Cette barge créée en 2011 fait partie des organismes labellisés par l’association Act Right, qui répertorie les salles de concerts, clubs et festivals les plus sûrs. Le Petit Bain a rédigé une charte qui liste les comportements non tolérés (sexisme, homophobie, racisme, validisme…) dans l’enceinte de l’établissement. Les équipes sont formées à la prise en charge des victimes et un numéro d’urgence est affiché à plusieurs endroits dans l’espace.
On se dit “safer” et pas juste “safe”, car le risque zéro n’existe pas.
Anaïs Condado, directrice artistique de la Machine du Moulin Rouge
Pour Marine Idir, chargée des actions culturelles et de la médiation, le but est de limiter les débordements, sans aller jusqu’à la répression : « Si quelqu’un se sent mal après avoir pris de la drogue, on ne va pas le jeter dehors, mais plutôt l’accompagner et l’aider ». Le Petit Bain, mais aussi la Station — Gare des Mines ou la Machine du Moulin Rouge, participent également à des groupes de réflexion entre lieux culturels pour trouver des moyens pour faire la fête sans danger.
« On ne va pas se mentir, plus il y a de mecs, plus il y a de problèmes ! », Patrick, physionomiste qui veille sur les entrées à la Machine du Moulin Rouge. Photo Infininegatif
La Machine du Moulin Rouge est d’ailleurs pionnière dans la prise en compte de ces risques en soirée : « On se dit « safer » et pas juste « safe », car le risque zéro n’existe pas » confie Anaïs Condado, responsable du lieu et directrice artistique. Sur place, les équipes se réunissent avant chaque soirée pour un point sur les enjeux de l’évènement et ses potentiels risques pour le public et les équipes. « Les artistes et le staff aussi doivent être en sécurité ». La cabine de DJ est, comme le bar, équipée d’un bouton d’alerte. Un groupe formé à la prise en charge des victimes maraude dans la salle et un médecin est toujours sur place. Pour Patrick, physionomiste qui veille sur les entrées depuis des années, le public de la Machine est sensible aux questions de sécurité, même si certaines soirées, souvent les plus grandes, restent difficiles à cadrer : « On ne va pas se mentir, plus il y a de mecs, plus il y a de problèmes ! »
Exclure les hommes est-il une solution ?
Bien que les violences soient présentes partout, les associations, physionomistes et organisateurs de soirées semblent unanimes : les hommes sont souvent les principaux fauteurs de troubles en soirée. Un évènement plus sécurisant serait-il simplement une soirée sans eux ? Certains collectifs choisissent de les exclure de leurs soirées comme La Bringue, qui, pour réduire le harcèlement, organise des fêtes non mixtes, réservée aux femmes, dans plusieurs métropoles.
La DJ Louise Pétrouchka et la stand-uppeuse Camille Lorente, ont été confrontées à cette question lorsqu’elles ont créé La Chatte en Feu il y a plus d’un an. Cette soirée en « mixité heureuse » interdit les photos et vidéos, accepte tous les genres, mais est très attentive au moindre débordement. Sous des mix de reggae dancehall et d’afrobeat, chacun est invité à libérer son corps par ses tenues ou ses danses et à respecter l’autre. Pour Louise, « il est important que des espaces non mixtes existent. Mais comme certains mecs ont compris, ce qui m’intéresse avec La Chatte en Feu est de montrer que si on est curieux et respectueux, on peut tous faire la fête ensemble ».
À lire aussi :
Piqûres sauvages, GHB, violences sexuelles : comment protéger les fêtards ?
Les lieux de la nuit ont été encouragés, par le ministère de la Culture via le Centre national de la musique – qui a établi un protocole de prévention des violences sexistes et sexuelles en 2021 – à mettre en place des actions. Le ministère conditionne les aides financières du CNM. En outre, un budget de 1 650 millions d’euros, qui prend en compte les questions de sécurité dans les salles, a été alloué en 2022 et en 2023 pour l’égalité femmes-hommes. La Mairie de Paris a, quant à elle, mis à disposition une carte interactive répertoriant les salles dont les employés ont suivi une formation auprès des principales associations de sensibilisation (Consentis, Act Right et Fêtez Clairs).
Aujourd’hui, Act Right est la seule association à pouvoir délivrer un label de qualité aux espaces les plus sécurisants. Pour Marion Delpech, cocréatrice de l’association, « les violences en club sont le reflet des violences de la société ». Les choses ne changeront réellement qu’en éduquant le public sur le respect d’autrui, notamment grâce aux affiches, flyers, cours et formations que dispense l’association.
J’ai bon espoir que plus tard, on retirera l’étiquette “safer”, car tous les évènements le seront.
Marion Delpech, cocréatrice de l’association Act Right
Si les soirées « safer » deviennent fréquentes à Paris, elles se développent aussi de plus en plus en région. Lisa Billiard a créé Cagole Nomade à Marseille, événement « LGBTQIA friendly » qui invite son public à danser ou performer sur scène sans jugement. « Quand tu arrives à la Cagole Nomade, tu signes obligatoirement le mur du consentement qui interdit tout harcèlement. Si tu n’es pas d’accord, tu sors ». La Cagole Nomade organise aussi un système de marrainage, où des « cagoles mother » accompagnent les femmes venant seules à la soirée, afin qu’elles s’amusent sur place sans être isolées.
Pour Marion d’Act Right, les choses changent. Elle sent déjà que la jeune génération est plus alerte sur ces risques : « J’ai bon espoir que plus tard, on retirera “safer”, car tous les évènements le seront ». Louise Pétrouchka, elle, conclut : « L’étiquette safer, veut surtout dire que s’il y a un problème, la victime ne sera pas seule ; elle sera écoutée et aidée ».
Promesses, 1er déc., Petit Bain | Ma soeur, j’ai raté Mercure en rétrograde, 2 déc., Station – Gare des mines | La Bringue, 7 déc. , 211 Paris | La Chatte en Feu, 15 déc., Machine du Moulin Rouge | La Cagole Nomade, 31 déc., Hasard Ludique.
Crédit: Lien source


Les commentaires sont fermés.