Ancien capitaine de l’équipe nationale de Guinée, Ibrahima Traoré continue de vivre sa passion
du football en sa qualité de consultant pour la chaîne
cryptée Canal+. L’ancien ailier du Borussia
Mönchengladbach a accordé une interview exclusive à
Afrik-Foot.com. Entretien au cours duquel il s’est
prononcé sur les chances du Syli National à la CAN
2023. Sans jambages, Traoré a partagé son regard sur le bilan
mitigé de son ancien coéquipier en sélection, Kaba Diawara. Il
s’est également prononcé favorablement sur le choix de Fousseni
Diawara comme adjoint dans le staff guinéen.
Interview réalisée par Yoro
Mangara,
Nous sommes à moins de trois semaines du début de la
CAN. Qui est selon vous le favori de cette édition en Côte d’Ivoire ?
Il n’y a pas vraiment de favori qui se détache. Cela dit, il y
aura toujours au rendez-vous les habitués, le Sénégal, tenant du titre. Ensuite,
il y a forcément la Côte d’Ivoire qui joue à domicile, le Maroc après son parcours à la
dernière Coupe du monde. Ces trois équipes seront pour moi
attendues mais je n’ai pas de favori pour cette CAN.
Vous êtes ancien capitaine de la Guinée. Le Syli a une
belle équipe sur le papier avec Naby Keita, Guirassy, Diakhaby…
Doit-on attendre le Syli dans le tournoi cette année
?
Le Syli, c’est toujours un peu l’interrogation. On sait qu’il y
a toujours de bons joueurs, qui jouent bien la plupart du temps.
Mais il y a toujours ce plafond de verre des quarts de finale. On
attend depuis des années de passer enfin ce cap. On a des joueurs
de haut niveau même s’il y a l’incertitude sur le niveau de forme
de Naby Keita qui a passé toute la première partie de saison
blessé. Il faudra voir comment il va arriver à la CAN et surtout
comment il va pouvoir mettre dans de bonnes conditions Serhou
Guirassy qui marche sur l’eau en ce moment.
« Guirassy ? Surpris par le nombre de buts, mais pas par ses
performances »
Parlons justement des Africains du championnat d’Allemagne. Vous avez brillé en Bundesliga après
des joueurs comme Anthony Yeboah. Comment voyez-vous ces Africains
de Bundesliga aujourd’hui ?
Je vois surtout le changement de la Bundesliga par rapport aux
joueurs africains où maintenant ils sont beaucoup mieux considérés.
Avant, on a eu Anthony Yeboah, Samuel Kuffour, Jay-Jay Okocha, qui
ont marqué ce championnat de leurs pattes. Ensuite on a eu un creux
et derrière j’ai été l’un des premiers Africains à revenir dans
cette Bundesliga et faire de belles choses. Sauf que maintenant
l’Africain est considéré au même niveau que le joueur européen ou
sud-américain. On constate aujourd’hui que quasiment toutes les
équipes ont 4 ou 5 joueurs africains dans leurs rangs. C’est le cas
de Leverkusen, leader du championnat à mi-saison et qui a 5 joueurs africains qui vont
partir à la CAN et dans les 5 il y en a 4 qui sont
titulaires. Il y a un changement de la Bundesliga par rapport aux
joueurs africains parce qu’on a décidé de l’évaluer à sa juste
valeur.
Comment appréciez-vous la saison de Victor Boniface,
l’attaquant nigérian de cette formation de Leverkusen
?
Je dois avouer que c’est une belle surprise pour moi parce que
je ne le connaissais pas avant. C’est un de mes amis, Thorgan
Hazard, qui m’en a parlé le premier. Comme il est belge, il suit le
championnat belge, il m’en a parlé quand Boniface a débarqué en me
disant que c’est une machine qui arrive en Bundesliga. J’ai alors
commencé à le suivre. Au-delà de ça, ce qui m’impressionne c’est
qu’on pense que c’est juste un attaquant grand et costaud qui va
bousculer les défenses. Non, c’est un joueur fin techniquement,
c’est un joueur très adroit. C’est vraiment un attaquant de très
haut niveau.
Serhou Guirassy marche sur l’eau cette saison. Est-ce
que vous attendiez l’ancien Rennais à un tel niveau en Bundesliga
?
Je ne suis pas surpris du fait qu’il connaît déjà ce championnat
après son passage à Cologne même si ça a été mitigé. Il ne vient
pas en terre inconnue. Ensuite, il sortait d’une belle deuxième
partie de saison dernière où il finit avec 12 buts. Il poursuit en
quelque sorte sur cette dynamique. Même s’il faut dire que les
chiffres sont quand même exceptionnels : 19 buts pour 16 matchs
joués. Ce sont des statistiques stratosphériques dans une équipe de
Stuttgart qui, même si elle joue bien, on sait que Serhou sera
moins bien servi que des joueurs comme Harry Kane, Boniface,
Openda. Surpris sur le nombre de buts oui, mais sur les
performances en tant que telles, non. Le voir devenir ce redoutable
buteur, ça ne me surprend pas du tout.
📊 SERHOU GUIRASSY EN BUNDESLIGA CETTE SAISON
C’EST :• 14 MATCHS
• 17 BUTS
• 1 PASSE DÉCISIVEQuel joueur 💥🔥 pic.twitter.com/q5Dbe5bH3C
— 𝗝𝗼𝘂𝗲𝘂𝗿𝘀 𝗚𝘂𝗶𝗻𝗲́𝗲𝗻𝘀 🇬🇳🐘 (@Joueurs_GN) December 20, 2023
« C’est sur cette CAN qu’on pourra juger le travail de Kaba
Diawara »
En Europa League, on aura un duel entre clubs de
Ligue 1 française et de Bundesliga. Parlez-nous
de Fribourg, adversaire du RC
Lens…
Déjà, bonne chance au club français parce que les clubs
allemands ont la culture de la coupe. Quand on regarde la Coupe
d’Allemagne, une compétition très importante et qui n’est pas prise
à la légère ici en Allemagne. Cette culture de la Coupe rejaillit à
l’international. Fribourg est le club que tout le monde aime bien
en Allemagne. C’est un club très familial, qui ne fait pas de
bruit, qui travaille bien avec ses propres moyens et qui parvient à
se surpasser chaque saison. On les voit toujours au début jouer le
maintien pour finalement jouer l’Europe avec des parcours
intéressants. C’est un club bien structuré et surtout une équipe
très dure à jouer chez elle.
Donc le RC Lens n’a pas ses chances…
Ah si… Lens a complètement ses chances. Justement, Lens c’est un
peu le même penchant en France : un club familial, un club que tout
le monde aime, qui avec ses moyens travaille bien et qui est aussi
très difficile à jouer à domicile. Ce sont deux clubs qui se
ressemblent beaucoup. Ce que je veux dire, c’est que Fribourg n’est
pas très connu du foot français alors qu’ici en Allemagne, Lens est
un peu plus connu. Il faudra faire attention.
Revenons à l’équipe nationale de Guinée. À sa tête
Kaba Diawara dont le bilan est
plutôt mitigé jusqu’ici…
Oui, ce n’est pas qu’une impression, ce sont les faits. Les
résultats sont quand même un peu mitigés. Quand on voit la qualité du
groupe, on s’attend forcément à mieux. Après, il y a
eu deux grandes compétitions pour lui. Il y a la CAN avec cette
élimination en huitièmes de finale face à la Gambie qui
était une déception. Ensuite, on a eu la campagne de qualifications
à la CAN où l’on s’est qualifié. J’ai envie de dire que maintenant
pour juger le travail de Kaba depuis ces années c’est sur cette CAN
avec notamment ce groupe C très très relevé.
« Fousseni Diawara, un choix cohérent et
pertinent »
Kaba Diawara a fait appel au Malien Fousseni Diawara dans son staff.
Comment jugez-vous ce choix ?
Je ne peux le juger qu’avec un regard extérieur. Fousseni c’est
quelqu’un que je connais bien, avec qui j’ai de longues discussions
sur le football. C’est quelqu’un qui est passionné par le football,
qui a réalisé un bon travail du côté de la sélection dans ce même
rôle d’adjoint. Mais surtout qui a une très grande connaissance du
football africain. Il faut vous asseoir avec Fousseni, pour savoir
à quel point il connaît le football africain dans sa globalité.
Quelqu’un qui connaît ce poste, qui a une telle connaissance du
continent, des joueurs, des clubs, des sélections nationales, qui a
vécu ce genre de situations, qui lui, est arrivé un peu plus loin
que le Syli n’a pu aller ces dernières années…
En plus de sa proximité avec Kaba, ce sont deux très bons amis,
qui se connaissent très bien, qui pourront travailler ensemble et
cohabiter sans qu’il n’y ait de problèmes d’égos. En mettant tous
ces éléments sur la table, je trouve que c’est plutôt cohérent et
pertinent surtout par rapport au timing. Si on change maintenant,
avec une compétition à l’horizon, on a besoin de quelqu’un qui a de
grandes connaissances pour vite s’adapter à ce rôle.
Y a-t-il de la géopolitique dans le rapprochement entre
les deux pays voisins ?
Non, je ne pense pas. Je ne pense pas que ce soit dû à la
géopolitique. Je pense juste que c’était un profil qui était
recherché, un peu dans l’urgence. Ce profil colle parfaitement et
est compatible avec Kaba, sachant qu’ils ont une relation très
forte hors du terrain. Je trouve que dans les circonstances
actuelles, la personne qui peut vraiment aider, avec un tel profil,
c’est Fousseni Diawara.
Pourquoi pas un ancien joueur du Syli comme
vous…
Moi je suis exclu, je n’ai pas les diplômes d’entraîneur, ce
n’est pas la vocation à laquelle j’aspire. Donc non, je ne postule
pas. C’est une question qu’il faudra poser à Kaba Diawara. Mais on
l’aurait accueilli avec un grand enthousiasme qu’il fasse appel à
un ancien du Syli pour remplacer Morlaye Cissé qui a fait un bon
travail avec les U23. Après, ça reste le choix du coach. Si on veut
que la Guinée aille loin, il faut aussi laisser une certaine
liberté de décider avec qui il souhaite s’entourer. À l’avenir on
aura d’autres occasions de voir d’autres entraîneurs guinéens dans
le staff et je l’espère aussi, dans le staff de Kaba.
Peut-on s’attendre un jour à vous voir comme dirigeant
du Syli ?
(Hésitant) C’est possible. Pour l’instant, je suis concentré sur
d’autres choses qui sont évidemment liées au football. Mais
pourquoi pas. C’est une question de compétences. Si j’ai les
compétences ou qu’on estime que j’ai les compétences, pour mon pays
à qui j’ai beaucoup donné, venir aider si j’en ai la capacité, oui.
Si évidemment l’équipe autour accepte parce qu’on sait que pour
bien travailler, montrer sa vision dans sa pleine mesure, il faut
une bonne entente entre toutes les parties et un but commun :
élever le niveau du football guinéen.
Le niveau du football guinéen justement avec cette
histoire autour du report de l’assemblée générale élective de la
Fédération guinéenne. Quel ressenti avez-vous de toute cette
histoire ?
Je dirais du dépit. Un peu de tristesse. Cela fait deux ans
voire même plus qu’on a le comité de normalisation. Des élections
qui doivent être faites. Je trouve que ça ne donne pas une bonne
image de la Guinée, de voir des dirigeants de la FIFA se
déplacer jusqu’en Guinée et que malgré cela il n’y ait
toujours pas de consensus. La seule chose que j’en dis et ça fait
longtemps que je le répète : c’est de mettre les égos de côté,
d’arrêter de mettre en avant ses intérêts personnels mais de penser
d’abord au football guinéen. Pour cela, il faut qu’il y ait des
élections, il faut un président qui soit élu démocratiquement et
qu’on le laisse ensuite travailler. Et j’espère que lui aussi ne
sera là que dans le seul but que le football guinéen aille de
l’avant.
Yoro Mangara
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