la vaccination infantile en routine a débuté au Cameroun grâce à deux nouveaux vaccins

Genève, Suisse — Lundi 22 janvier a débuté en Afrique une première campagne de vaccination en routine contre le paludisme grâce à la mise à disposition des deux vaccins autorisés ces derniers mois par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

« Le Cameroun est le premier pays à vacciner des enfants contre le paludisme en routine », se réjouit Aurélia Nguyen, directrice de programme à Gavi, l’alliance mondiale des vaccins, un partenariat public-privé visant à faciliter l’accès aux vaccins dans les pays en développement.  Ce programme constitue le début d’une phase de progrès très attendue dans la lutte contre le paludisme.

 

La prévention contre le paludisme bénéficie de plusieurs tournants
Olivier Silvie

 



Olivier Silvie

Le premier de ces vaccins est RTS,S ou Mosquirix développé par les laboratoires britanniques GSK. Il cible l’antigène CSP, une protéine de surface de la forme sporozoïte de Plasmodium falciparum, principal parasite responsable du paludisme. Cette forme sporozoïte initie le cycle parasitaire. C’est la phase durant laquelle les cellules humaines sont infectées.

« Ce vaccin cible le début du cycle de reproduction du parasite chez l’humain, le moment où il passe de la circulation sanguine aux cellules du foie. A ce stade asymptomatique, très peu de cellules sont infectées. C’est pour cela que cet antigène a été choisi, pour espérer éradiquer le parasite dès le début et prévenir l’infection », explique Olivier Silvie, spécialiste du paludisme au sein du Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses à Paris, interrogé par Medscape édition française.

RTS,S est un vaccin à base de protéines recombinantes associées à un adjuvant, AS01. « Il induit une bonne réponse immunogène au départ, mais les premiers essais cliniques ont montré une baisse rapide de la protection, même après 4 doses. Quatre à sept ans après la vaccination, les enfants n’ont plus de protection », nuance l’immunologiste.

Un deuxième vaccin a rapidement été autorisé par l’OMS. Il s’agit du R21, développé par l’Université Oxford et associé à l’adjuvant Matrix-M. « C’est aussi un vaccin à base de protéines recombinantes, il cible le même antigène et l’adjuvant est plus récent », précise Olivier Silvie. Sa formule est légèrement différente, il contient davantage de substance actives. « Les données cliniques montrent qu’il induit une forte réponse immunogène lorsqu’il est administré juste avant la saison de prolifération des moustiques vecteurs. Mais on manque encore de recul pour évaluer son efficacité à long terme », complète-t-il. 

 

Ces vaccins sont des outils additionnels à la prévention, qui ne doivent pas remplacer les autres solutions, comme les moustiquaires

 

Les résultats de l’essai de phase 3 sur le vaccin R21//Matrix-M ont été publiés jeudi 1er février dans The Lancet . Dans cet essai mené auprès de 4 800 enfants dans quatre pays africains, le vaccin a été bien toléré et a permis de prévenir 75 % des cas de paludisme chez les enfants âgés de 5 à 36 mois, dans les régions où les trois doses initiales ont été administrées avant le pic de la saison du paludisme. Il a permis de prévenir 68 % des cas dans les régions où la transmission a lieu toute l’année. L’efficacité s’est maintenu avec un rappel un an plus tard, bien que la protection semble s’estomper avec le temps. L’essai est toujours en cours.

Globalement, les deux vaccins présentent de bons profils de sécurité et ils permettent d’éviter de 66 à 75 % des formes les plus graves de paludisme induits par P. falciparum chez les enfants d’après les données de l’OMS.

Le schéma vaccinal proposé par l’autorité sanitaire consiste à vacciner les enfants à partir l’âge de 5 mois, avec 4 doses, de préférence avant la saison de prolifération des vecteurs. Puis, un an après la quatrième dose, une cinquième dose sera proposée dans les zones les plus à risque.

« Ces vaccins sont des outils additionnels à la prévention, qui ne doivent pas remplacer les autres solutions, comme les moustiquaires », prévient Kate O’Brien, directrice du Département Vaccination, vaccins et produits biologiques de l’OMS « Ils ne protègent que contre P. falciparum, responsable de la forme la plus meurtrière et la plus fréquente de paludisme en Afrique. »

Ces vaccins ne sont pas efficaces contre les autres agents du paludisme, P. vivax, dominant dans la plupart des pays en dehors de l’Afrique subsaharienne, ni P. malariae, P. ovale et P. knowlesi. Bien qu’enthousiasmant ces progrès ne permettront donc pas d’éradiquer la maladie

Pour les acteurs de la santé mondiale, ces vaccins n’en restent pas moins une étape historique pour le contrôle de la maladie. « Plus de 2 millions d’enfants au Ghana, au Kenya et au Malawi les ont déjà reçus dans le cadre du projet pilote, démontrant une réduction significative des cas graves de paludisme et des hospitalisations », explique Marie-Ange Saraka-Yao, directrice générale de Gavi pour la mobilisation des ressources.

Des progrès à venir grâce aux anticorps monoclonaux

« La prévention contre le paludisme bénéficie de plusieurs tournants », poursuit Olivier Silvie. Cette première génération de vaccin se développe en parallèle d’anticorps monoclonaux. Ceux-ci sont isolés des premières personnes ayant été vaccinées. De plus en plus d’essais cliniques, comme les travaux menés par la société américaine biopharmaceutique Atreca ou ceux du Centre de recherche sur les vaccins américain, évaluent leur utilisation prophylactique. « On peut imaginer qu’ils serviront un jour de traitements pour les voyageurs, des soldats ou des personnes très vulnérables », espère Olivier Silvie car ces indications ne sont pas encore à l’ordre du jour.

« A l’heure actuelle, il s’agit surtout de tester et valider le pouvoir protecteurs d’antigènes en particulier. C’est un aller-retour très intéressant entre la clinique et la recherche », précise le spécialiste.  Le coût de ces molécules semble incompatible avec un programme de contrôle du paludisme. Leurs études produisent des informations cruciales pour améliorer la compréhension des mécanismes de protection qui peuvent être développés. En s’appuyant sur ces résultats, d’autres vaccins arriveront rapidement à maturité. L’entreprise allemande BioNTech mène d’ailleurs actuellement un essai clinique de phase 1 pour un vaccin à ARN messager ciblant plusieurs épitopes du P. falciparum. « Ces futurs vaccins vont rapidement s’enrichir des cibles identifiées par les anticorps monoclonaux », explique Olivier Silvie.

Andrew Jones, de Unicef, abonde : « Nous ne sommes qu’aux débuts de cette histoire et nous sommes également très intéressés par les prochaines générations de vaccins contre le paludisme. »

 

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