Quand le vouvoiement était interdit en France


Pour Jean Raspail, le vouvoiement symbolise « le charme et l’équilibre de la France et le plaisir d’être Français ». Rien que cela. Mais bien malin celui qui prétend détenir la règle du vouvoiement. Faut-il vouvoyer son patron, ses aïeuls ou ses collègues ? C’est souvent un casse-tête. L’emploi du « vous » ou du « tu » dépend de règles implicites dont les conditions sont bien souvent obscures.

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Il y a pourtant eu une période où la question ne se posait plus : le tutoiement était de rigueur. Retournons en France sous le régime de la Convention (1792-1795).

Pour les révolutionnaires, le vouvoiement est perçu comme inégalitaire, symbole de l’Ancien Régime. C’est pourquoi, le 8 novembre 1793, l’usage du vouvoiement devient purement et simplement interdit dans l’administration : le décret sur le tutoiement obligatoire est publié.

Un climat de paranoïa

Dans l’administration donc, tous les Français doivent désormais se tutoyer, peu importe leur statut. Ceux qui ne respectent pas cette règle apparaissent comme des traîtres de la Révolution et risquent a minima l’emprisonnement, voire pire, la guillotine. Durant la Terreur, la Loi des suspects est en vigueur. Cette loi permet de faire arrêter à peu près n’importe qui, sur le fondement de simples suppositions. Un climat de paranoïa règne dans le pays. Tout le monde peut être suspecté d’être un traître. Et malheur au fonctionnaire qui vouvoie son patron !

« En moins de huit jours, le tutoiement était généralement adopté, et bien qu’aucune loi ne l’eût rendu obligatoire [hors de l’administration, NDLR], on risquait gros à se servir devant témoin du « vous » aristocratique. Si par inattention, habitude, le vocable proscrit échappait à quelques distraits, il se trouvait toujours de solides patriotes pour le rabrouer vertement », écrit l’historien Gosselin Lenotre, dans son ouvrage Paris révolutionnaire, publié en 1900.

Pas d’interdiction dans la vie civile

Hors des murs de l’administration, aucune obligation légale n’impose officiellement le tutoiement, même si, en réalité, peu de gens osent utiliser le pronom « vous ». En 1793, le député Claude Basire, avec le soutien de Robespierre, veut alors graver cette interdiction dans le marbre et propose qu’une loi impose définitivement le tutoiement en France, quel que soit le cadre où l’on s’exprime – y compris dans la vie civile donc. Le député Jacques Alexis Thuriot y voit une menace pour la liberté des citoyens et s’y oppose farouchement. Il parvient à convaincre ses collègues de ne pas voter le texte. La proposition de loi est refusée, Claude Basire essuie un camouflet. Une autre formule de politesse subit aussi les foudres des révolutionnaires. Le 31 octobre 1793, les appellations de Monsieur et Madame sont remplacées par celles de citoyens et citoyennes.

Mais à la mort de Robespierre, en 1794, toutes ces mesures tombent rapidement dans l’oubli : les bonnes manières – et l’utilisation du vouvoiement – reprennent alors leur droit.


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