Dora Tchakounté, championne d’haltérophilie : « Il n’y a pas de sports réservés aux filles et des sports réservés aux garçons »

Dora Tchakounté (©E.Legrand/CD94)

Femme, mère, athlète de haut niveau… Dora Tchakounté est sur tous les fronts. A l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, ce 8 mars, la championne d’haltérophilie évoque ses différentes casquettes avec nous.

 

ValdeMarne : Comment avez-vous débuté dans l’haltérophilie ?
Dora Tchakounté : J’ai découvert ce sport au centre de loisirs du Blanc-Mesnil où j’allais tous les mercredis. J’avais 10 ans et j’ai tout de suite accroché. Le président du centre était en relation avec l’entraîneur du club d’haltérophilie qui venait d’ouvrir et il lui a parlé de moi. 

A-t-on essayé de vous dissuader de faire ce sport ?
Ma famille était un peu réticente au début. On me disait : « Tu ressembleras à un garçon » ! Ma mère aussi était inquiète, mais elle m’a laissé continuer. Elle n’était pas du genre à s’opposer à mon épanouissement. Mon entraîneur de l’époque l’a tout de suite rassurée en expliquant que l’haltérophilie n’a rien à voir avec le body-building par exemple.

Quand j’ai annoncé ma grossesse, ça été vécu comme une trahison.

Avez-vous essuyé des remarques misogynes au cours de votre carrière ?
C’est plutôt à l’adolescence que l’on me faisait des remarques sur mon physique, sur mes muscles, etc. J’étais un peu crainte, un peu mise à l’écart au collège, mais ça ne me dérangeait pas plus que ça. 

Vous avez un enfant de 6 ans. Que s’est-il passé lorsque vous avez annoncé votre grossesse ?
Ça été vécu comme une trahison, comme une barrière qui allait tout arrêter. Je me suis mis en retrait et j’ai vécu ma grossesse de mon côté. 

Avez-vous interrompu votre carrière durant votre grossesse ?
Oui, et à l’époque, j’avais des petites primes en fonction de mes résultats. Donc sans compétions, je n’avais plus de revenus. J’ai dû retourner vivre chez ma mère et travailler dans des fast-foods quand j’étais enceinte.

La reprise de l’entraînement a été vraiment difficile car je gardais des enfants le soir pour payer l’assistante maternelle qui gardait mon fils, tout en poursuivant mes études la journée. Aujourd’hui, je suis agente du Département du Val-de-Marne, ce qui me permet d’avoir une stabilité et de continuer à m’entraîner. 

Plus il y aura d’exemples qui montrent que c’est possible, plus on fera évoluer les mentalités.

Comment faire évoluer les mentalités ?
Heureusement, il y a de plus en plus de sportives qui montrent que c’est possible de revenir à un bon niveau après avoir eu un enfant. À l’époque, je ne savais pas si j’étais capable de retrouver mon niveau, je n’avais jamais côtoyé de sportive de retour à l’entraînement après une grossesse. C’était un challenge ! Les personnes qui m’ont jugées à l’époque, ont dû être surprises de me voir réussir.  Le problème c’est l’ignorance. Plus il y aura d’exemples qui montrent que c’est possible, plus on fera évoluer les mentalités.

Quel message souhaitez-vous adresser aux femmes ?
Il n’y a pas de sports réservés aux filles et des sports réservés aux garçons. Dans l’haltérophilie, ça se passe vraiment bien, je n’ai pas vécu de discriminations. Si j’ai un message à faire passer, c’est qu’elles n’hésitent pas à pratiquer le sport qui leur plaît !

Championne et agente !

Espoir français en haltérophilie (catégorie moins de 59 kg), Dora Tchakounté fait la fierté du Val-de-Marne. Licenciée dans le club de la VGA Saint-Maur, la sportive fait aussi partie du personnel du Conseil départemental. Elle bénéficie en effet d’une convention d’insertion professionnelle (CIP), un contrat spécial qui lui permet de combiner entraînements intensifs et stabilité professionnelle. 

 

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