Celui qui a fait danser toute l’Afrique pendant des décennies, l’Afrique des espoirs, des indépendances et des révolutions reste dans l’histoire de la musique africaine comme l’un des créateurs de la rumba congolaise, l’un des rois de cette musique née sur les rives du fleuve Congo et désormais inscrite à l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Ensemble, suivons la voix reconnaissable entre mille du grand créateur de la rumba congolaise.
Légende parmi les légendes
Tabu Ley Rochereau est une légende parce qu’il a inspiré beaucoup d’artistes. Pionnier, il a contribué à la création de la rumba congolaise, mais il a aussi su être précurseur par sa polyvalence, maniant aussi bien la rumba congolaise que le soukous ou encore le rythm and blues. Légendes des légendes puisque Koffi Olomidé et Papa Wemba, eux-mêmes légendaires, se réclament du Seigneur Congo. Cyril Atef se souvient que, lorsqu’il était étudiant à Boston en 1989, il découvre un disque de Tabu Ley Rochereau et vit un choc, choc décuplé quand il le voit, un soir en concert dans un club. Et pourtant, sa musique est, pour beaucoup, celle des dimanches en famille, mais elle est aussi celle des années d’indépendance de la décennie 1950. Sa vision internationale l’amène à être le premier artiste africain à jouer à l’Olympia mais aussi parmi les précurseurs qui vont puiser dans la soul américaine et son côté showman.
Mais tout showman commence petit garçon, et le petit Pascal Emmanuel Sinamoyi Tabu voit le jour le 13 novembre 1940 à Bagata, à l’ouest de la République démocratique du Congo. Enfant, il emménage à Léopoldville (Kinshasa aujourd’hui) avec ses parents et intègre la chorale de la paroisse Saint-Pierre. A cette époque, il découvre aussi le premier titre de la rumba congolaise, Marie-Louise. Adolescent timide, le jeune Pascal Tabu Ley est surnommé Rochereau par ses camarades : en classe, il était le seul à avoir su répondre à une question posée par son professeur d’Histoire sur le colonel Denfert Rochereau. Un surnom qu’il gardera et deviendra son nom de scène.
Les débuts du Seigneur Rochereau
En 1955, Tabu Ley Rochereau fait sa première apparition sur scène, au Stade du 20 mai à Léopoldville. Une représentation qui lui vaut d’être sacré lauréat de la chanson congolaise, bien qu’il ne soit encore qu’un amateur dans ce Congo belge qui pratique, sans le nommer, une politique ségrégationniste. En effet, sous la colonisation belge, les Noirs n’ont pas le droit politique de s’occuper de leur propre pays. Ils sont refoulés dans les banlieues souvent organisées en cités indigènes qu’ils n’ont pas le droit de quitter, tandis que les centres villes sont réserver au seul blanc. Souvent, ils ne sont que la main d’œuvre de l’administration coloniale, et c’est dans ce contexte que Tabu Ley Rochereau décide, en 1959, de devenir chanteur alors qu’il avait entamé une carrière de fonctionnaire.
Il commence sa carrière au côté de l’orchestre de Joseph Kabasele, son idole, aussi connu sous le nom de Grand Kalle. Rochereau s’affirme et commence à composer ses propres titres qui s’inscrivent comme l’essentiel du répertoire du Grand Kalle. Ses premiers titres, Kelya, Adios Tété et Bonbon sucré, font connaître son sens de la mélodie du grand public qui l’impose déjà comme un grand compositeur. Cependant, à la fin des années 1950 et dans le contexte politique tourmenté de son pays, Tabu Ley Rochereau est de plus en plus happé par la politique et il se rapproche du Mouvement national congolais de Patrice Lumumba, futur père de l’indépendance du pays.
Naissance d’un genre : la rumba musicale
L’heure n’est pas encore à embrasser une carrière politique mais à faire chavirer le cœur de ses dames avec ses chansons, ou à chanter ses inquiétudes, la mort sur ses rythmes chaloupés qui empruntent aux sonorités cubaines. Les charmes de la rumba congolaise qui est née dans les années 1930 sur les rives du fleuve Congo tiennent à ses origines cubaines. Au XVIe siècle, les esclaves africains arrivent à Cuba et leurs racines musicales se mélangent aux sonorités des colons espagnols. Au XVIIe siècle, une musique créole cubaine voit le jour et retraverse l’océan, direction l’Afrique. En 1930, les notes sont gravées sur des 78 tours et répandues par les marins qui sillonnent le fleuve Congo, au point d’établir son cœur battant dans à Léopoldville et à Brazzaville. Cette musique va véritablement devenir la rumba congolaise en embrassant le lingala, langue très rythmique et chaloupée. Cette musique a bercé celles et ceux qui, aujourd’hui, dominent avec leur style dit urbain les tops musicaux.
Le 30 juin 1960, l’indépendance du Congo belge est proclamée et avec le titre de Grand Kalle, Independance Chacha, la rumba congolaise devient le son des mouvements anticolonialistes, la voix du peuple, la mélodie de l’émancipation et du combat. Une musique internationale qui a touché tout le monde au point que Tabu Ley Rochereau soit connecté avec les Beatles. Le 12 décembre 1970, il est d’ailleurs le premier chanteur africain à se produire à l’Olympia, une consécration qui le sacre show man avec des « les Rocherettes », son groupe de danseuses. En 1974, un concert fait date : il se produit lors du concert promotionnel du Festival Zaïre 74, au côté de Miriam Makeba, Manu Dibango, ou encore James Brown avant le combat de boxe mythique entre Mohamed Ali et George Foreman, et dont Ali triomphe, au même titre que Rochereau qui vole la vedette à toutes les autres artistes.
Une influence musicale et politique
Si dans les années 1980, Tabu Ley Rochereau voit la rumba congolaise s’émanciper avec la nouvelle génération, il est surtout préoccupé par la situation politique de son pays qui le préoccupe. Il prend ses distances avec Mobutu dont les dérives meurtrières et la paranoïa plonge le Zaïre dans une dictature. Rochereau s’exile aux Etats-Unis puis en Belgique d’où il dénonce l’autoritarisme de Mobutu. Après la chute du régime, il revient au Congo et s’investit dans la vie politique de son pays. Il cofonde le rassemblement congolais pour la démocratie et devient ministre, puis député. En 2005, le président Joseph Kabila le nomme vice-gouverneur de la ville de Kinshasa pour défendre la culture.
Tabu Ley Rochereau continue en parallèle d’enregistrer quelques disques. Son fils, Youssoupha sort en 2011 un album dont certains titres sonnent comme un hommage, Les disques de mon père. Tabu Ley Rochereau décède le samedi 30 novembre 2013 à Bruxelles et un hommage lui sera rendu par toutes les stars à qui il a ouvert la voie tels que Papa Wemba. Sous l’influence conjointe de deux artistes, la rumba congolaise s’accélère et se mue quelque peu en soukous, un nouveau style plus frénétique et plus syncopé où les synthés et les effets prennent le pas sur les cuivres. Arrive ensuite Koffi Olomidé, qui mixe le soukous au zouk des Antilles ! Ces dernières années, la rumba congolaise a été remise à l’honneur par Fally Ipupa. En 46 ans de carrière, Tabu Ley a composé plus de 3 000 chansons et vendu plusieurs milliers de disques.
Intervenants
- Elvis Adidiema, directeur du label Sony Music Afrique
- Cyril Atef, batteur et membre Bumcello
- DjeuhDjoah, chanteur et membre du duo avec Lieutenant Nicholson
Équipe
- Production : Aline Afanoukoé
- Auteur et intervenant permanent : Richard Minier
- Réalisation : Félix Levacher
- Assistance de production : Laura Dumez
- Documentation sonore : Vincent Clément
- Prise de son : Cédric Chatelus
- Mixage et sound design : Corentin Rouchy
Musiques
- Tabu Ley Rochereau – Monsieur Malonga,
- Tabu Ley Rochereau – Sey Sey
- Pamelo Mounk’a – L’argent appelle l’argent
- Tabu Ley Rochereau – Maze,
- Tabu Ley Rochereau – Pitié
- Tabu Ley Rochereau – Congo avenir
- Wendo Kolosoy – Marie Louise
- Grand Kalle – Bonbon mere
- Tabu Ley Rochereau – Mokolo Nakokufa
- Franco Luambo Makiadi & OK JAZZ – Ninie Cherie
- Grand Kallé, Independance Chacha
- Tabu Ley Rochereau – Lal’a by
- Tabu Ley Rochereau – Pitié
- Zaire 1974 : The African Artists – Introduction
- Papa Wemba – Yolele
- Koffi Olomide – Loi
- Fally Ipupa – Bakalos
- Tabu Ley Rochereau – Le glas a sonné
- Tabu Ley Rochereau – Tempelo
- Youssoupha – Les disques de mon pèr
Archives
- Là-bas si j’y suis, 17/09/1991
- Extrait du discours de Patrice Lumumba, “Les indépendances : Indépendance du Congo belge : Discours du 30/06/1960 »
- Extrait de “Couleurs Tropicales”, Radio France Internationale, 20/12/2001
Reprise du titre
- « En amour y’a pas de calcul » par Cyril Atef et DjeuhDjoah
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