Justine Masika Bihamba : « Pourquoi vous nous oubliez ? »

Elle a beau ne pas avoir changé, il y a désormais chez Justine
Masika Bihamba une forme de lassitude, la fatigue des
années sans doute. Lorsque je la retrouve dans un café à
Paris, elle revient tout juste de France Inter où, face à Sonia
Devillers, elle a redit ce qu’elle répète depuis 30 ans.
« Dans le Kivu, dans l’est de la République démocratique
du Congo, le viol n’a rien à voir avec la sexualité, même
déviante ; il est devenu une arme de destruction
massive. » Ses paroles ont ému, déstabilisé la
journaliste, qui en a perdu ses mots.

Mais pourquoi s’émeut-on des témoignages des femmes martyres du
Kivu en République démocratique du Congo (RDC) comme si on les
découvrait ? Régulièrement, leurs mots nous bouleversent et
nous révoltent. Puis nous passons à autre chose.
« Pourquoi vous nous oubliez ? », demande
Justine, en plantant son regard dans le mien. Pour que les victimes
des viols soient enfin entendues, elle vient de publier un livre,
Femme debout face à la guerre (l’Aube).

Nettoyage ethnique

Il y a 16 ans, Justine Masika Bihamba m’avait
emmenée visiter les champs communautaires de Bulengo, où des
femmes, dont certaines avaient été victimes de viole