Pourquoi la pétanque, si emblématique en France, sera la grande oubliée des Jeux olympiques de Paris – Edition du soir Ouest-France
Sport typiquement français, la pétanque a pourtant été laissée de côté pour les Jeux olympiques de Paris (26 juillet – 11 août) par le comité d’organisation. Une décision qui frustre les acteurs même s’ils ont conscience que l’image de la discipline doit encore évoluer.
La pétanque souffre-t-elle encore de son image de sport-apéro ? Toujours est-il que la discipline, qui fait partie de la tradition française, a été retoquée des Jeux olympiques de Paris. Le comité d’organisation de Paris 2024 (Cojo) a préféré miser sur des sports plus modernes et dynamiques, à savoir l’escalade, le surf, le skateboard et le breakdance « qui ont en commun leur jeunesse, l’appel à la créativité et sont spectaculaires et exigeants ! » lançait en 2019 Tony Estanguet, président du Cojo. Comme le karaté ou le squash, la pétanque est donc resté à quai.
De quoi laisser amer les principaux acteurs. « La pétanque est un sport français, né en France, et à Paris on pensait avoir nos chances. C’est dommage, c’était le moment ou jamais », regrette Dylan Rocher, sept fois champion du monde, qui se sent « un peu déconsidéré ». La discipline avait pourtant des arguments à faire valoir. Malgré son berceau français, elle est présente sur tous les continents, pratiqués par 200 millions de personnes, accessible à tous, peu importe l’âge ou le sexe et a un impact environnemental quasi nul.
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Une communication qui laisse à désirer ?
Signe de la dimension internationale prise par le sport de boules depuis plusieurs années, le « Mondial la Marseillaise », événement emblématique, a rassemblé 15 000 joueurs en 2017, venus de 36 pays différents. En France, on compte 300 000 licenciés, ce qui en fait le 11e sport dans l’Hexagone, et les audiences sur la chaîne L’Équipe sont bonnes. La pétanque semblait donc avoir le vent en poupe…
« ll ne faut pas voir ce choix comme un manque de reconnaissance, estime pourtant Michel Le Bot, président de la Fédération française de sport de boules depuis 2021 et président d’un comité départemental au moment de l’attribution des sports aux JO. C’est une question politique, de lobby. Il faut avoir un réseau, être connu et reconnu par ses pairs… Est-ce que, malgré tout le travail effectué, tout le monde a pris sa part dans la promotion de la pétanque ? », interroge-t-il. Pour Dylan Rocher, la réponse est nette : tout n’a pas été mis en œuvre pour mettre en avant la discipline. « La communication a laissé à désirer. La pétanque demande peu d’installations, on peut mettre des barrières, du gravier sur du goudron, et on a jamais été appelé pour faire la promotion aux Jeux devant des personnalités », affirme-t-il.
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« Je fais 70 000 km par an »
L’image encore parfois vieillotte de la pétanque a donc subi de plein fouet la volonté du Cojo de toucher les plus jeunes à travers des sports dynamiques. « Ces images d’Épinal nous collent à la peau, déplore Michel Le Bot tout en faisant preuve d’autocritique. On doit aussi acquérir une autre mentalité et franchir des étapes en crédibilité. » L’application d’une tenue réglementaire, autour de l’année 2015, a en effet été une petite révolution dans le milieu et il faut toujours faire preuve de tact pour la faire accepter.
En compétition, il est par exemple interdit de jouer torse nu ou en débardeur, interdit de fumer, d’utiliser son portable, tout comme porter un bermuda ou un short à un certain niveau. Les chaussures fermées sont, elles, obligatoires. Une codification qui trouve encore des réfractaires parmi les licenciés et qui, indirectement, nuisent à la promotion de la pétanque pour les Jeux. « Il faut voir le combat que c’est encore pour imposer des tenues sportives lors de nos compétitions. Il y a donc aussi chez nous une mentalité à acquérir. »
Des dérives qui agacent les têtes d’affiche de la discipline. « Nous, au haut niveau, on fait tout comme un sport. On a des contrôles d’alcoolémie, antidopage, on fait attention à tout ça », pointe Dylan Rocher. Si l’image d’un sport-loisir peu exigeant habite parfois encore les esprits, les meilleurs joueurs et joueuses s’attellent effectivement à une préparation physique, une journée de compétition s’avérant exigeante. Les jambes, le dos, les épaules, le cou ou les poignets sont très sollicités et l’apparition de tendinites monnaie courante. Lors d’une journée de compétition, 12 kilomètres sont parcourus et l’équivalent de 120 kilos sont lancés.
L’implication est donc forte au quotidien. « Je fais 70 000 km par an pour la pétanque, ça me prend tous les week-ends de l’année, de mai à octobre, je suis en compétition presque tous les deux jours… La vie de famille n’est pas forcément facile. C’est dommage qu’on ne soit pas un peu plus considéré là-dessus par rapport à d’autres sports », regrette Dylan Rocher.
Des chances de médailles qui s’envolent
La pétanque mise de côté, ce sont aussi de bonnes chances de médailles qui s’envolent. La France a remporté 12 des 14 derniers titres mondiaux en triplette seulement battue par Madagascar (en 2016) et la Thaïlande (en 2023), deux nations qui montent. Un bilan non négligeable quand on sait l’objectif élevé fixé à Paris par le président de la République. « Avoir une médaille, en termes de résonance, ça n’a rien à voir avec un championnat du monde. Derrière, c’est une économie qui se crée avec peut-être une possibilité de devenir pleinement professionnel », argue le septuple champion du monde. L’apport financier de la compétition, direct ou indirect, aurait en effet permis un développement plus rapide. « Nous sommes en cours de réflexion pour la construction d’un centre national de pétanque qui comprendrait le siège administratif de la Fédération, un centre de formation et de haute performance. Avec les Jeux, cela aurait certainement accéléré le mouvement », abonde Michel Le Bot.
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Le comité d’organisation de Los Angeles, ville hôte des Jeux olympiques de 2028, a proposé cinq sports additionnels (baseball, cricket, flag-football, cross et squash), en attente de l’approbation du CIO. La pétanque n’y figure pas. « Je ne désespère pas qu’un jour, par le biais de JO dans un pays asiatique, on puisse être de nouveau candidat. Ces pays jouent énormément et sont très bons », affirme Michel Le Bot. Dylan Rocher est plus pessimiste : « Ça va être compliqué, il y a du boulot quand même… »
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