29 décembre 2023 à 15h06
Mis à jour le 3 janvier 2024 à 19h49
Durée de lecture : 4 minutes
Conakry (Guinée), correspondance
Dans la nuit du 17 au 18 décembre, aux environs de minuit, une puissante explosion a détruit le plus grand dépôt pétrolier de Guinée, à Conakry. L’onde de choc a été ressentie dans toute la capitale et jusqu’aux préfectures environnantes Coyah et Dubreka. Bilan : 24 morts et 454 blessés, 800 bâtiments endommagés…
Deux semaines plus tard, l’incendie du dépôt de la Société guinéenne de pétrole (SGP) continue d’affecter les habitants. Une épaisse fumée noire s’était échappée du dépôt de carburant, recouvrant la ville et dégradant la qualité de l’air. Des relevés d’experts révèlent la persistance de particules en suspension créant des troubles respiratoires, des maux de tête. « La toxicité de ces particules provient à la fois de leur composition et de leur taille. Plus les particules sont fines, plus elles sont capables de pénétrer profondément dans l’organisme », explique à Reporterre le pneumologue Alpha-Saliou Barry. En plus du port du masque, il recommande aux habitants de Kaloum — quartier où s’est produit l’explosion — et à ceux du grand Conakry en général de porter des lunettes et des habits qui couvrent la peau pour éviter les risques d’allergies. Le ministre porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, recommande lui aussi le port du masque tout en assurant que les relevés s’améliorent.
L’agriculture et la pêche artisanale affectées
Au lendemain du drame, le gouvernement guinéen avait fermé toutes les stations services du pays pour éviter la spéculation. La mesure avait paralysé les activités dans tout le pays. Depuis, le gouvernement a rétabli la distribution de l’essence mais en la rationnant à 25 litres par véhicule et 5 litres par moto avec l’interdiction de vendre des bidons. Résultat : les pêcheurs manquent de carburant. Cette dernière mesure affecte en effet la pêche artisanale motorisée sachant qu’après le riz, le poisson est l’aliment le plus consommé en Guinée. La pêche artisanale maritime représente d’ailleurs 80 % des produits halieutiques présents sur les étals des marchés guinéens. « S’il n’y a pas des poissons, ça peut créer des remous sociaux dans le pays », avertit Idrissa Kallo, de la Fédération guinéenne de la pêche artisanale. Les agriculteurs, eux, n’arrivent plus à arroser leurs cultures. « Il faut 8 litres d’essence pour mettre le motoculteur en marche et arroser 1 hectare », explique Boubacar Barry, producteur de pommes de terre à Mamou, à plus d’une centaine de kilomètres de la capitale.
Alors que les activités tournent toujours au ralenti, le gouvernement a, dans un communiqué publié le 26 décembre, tenté de rassurer la population guinéenne. Selon le porte-parole Ousmane Gaoual Diallo, l’incendie du dépôt de carburant est complètement éteint. Les opérations de refroidissement de tous les segments de l’installation pétrolière se poursuivent. La zone du sinistre reste néanmoins fermée au public à des fins d’investigation. La chaîne de solidarité nationale et internationale envers les sinistrés se poursuit.
« Silence intolérable des multinationales »
Mercredi 27 décembre, dans un communiqué lu à la télévision ivoirienne, la Côte d’Ivoire — qui partage une frontière commune avec la Guinée — a annoncé qu’elle livrerait 50 millions de litres d’essence par mois à son voisin. L’annonce a été faite alors que le ministre guinéen de l’Économie et des Finances séjourne depuis quelques jours à Abidjan, la capitale ivoirienne. L’essence promise par le gouvernement d’Alassane Ouattara sera stockée dans les dépôts de certaines sociétés minières réquisitionnés par l’État guinéen au lendemain de l’incendie du principal dépôt du pays.
Reste à savoir si l’incendie est d’origine accidentelle ou criminelle — l’enquête est en cours. Déjà, des voix s’élèvent : dans un communiqué, les forces sociales de Guinée (FSG) « regrettent le silence intolérable des multinationales ou compagnies actionnaires du dépôt et coresponsables de sa gestion, alors que des défaillances de gestion sont indexées comme causes par le porte-parole du gouvernement ».
Dans un éditorial diffusé sur les médias d’État, la cellule de communication de la présidence de la République explique que « l’incendie fait partie de ces tristes et douloureux événements que l’on pourrait loger à la même enseigne des catastrophes industrielles inhérentes au cheminement de développement de toute nation. Qu’il s’agisse de centre de stockage d’hydrocarbures ou des plateformes pétrolières, l’Afrique, notamment la Guinée, n’est pas un cas isolé des risques de sécurité liés aux incendies ».
Cette communication de crise a choqué certains Guinéens, qui se sont exprimés notamment sur les réseaux sociaux. Un responsable d’un média en ligne a ainsi réagi : « Sans aucune forme de cynisme, la cellule de com’ de la présidence estime que l’incendie est dans l’ordre normal des choses. »
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