Le livre est partout. Dans toutes les librairies, tous les hypermarchés, toutes les gares, tous les aéroports, toutes les stations-service. La mise en place d’un livre de Guillaume Musso, c’est toujours du travail pour les manutentionnaires chargés du réassort – les piles diminuent à vue d’œil et il faut sans cesse alimenter le rayon. Comme souvent chez Musso, Quelqu’un d’autre (tiré à 500.000 exemplaires) est construit sur un pitch séduisant: une héritière italienne très riche demande à une employée d’hôtel de prendre sa place après sa mort. On n’en dira pas plus…
Comme toujours chez Musso, le lecteur embarque dans un trip qui n’a aucune autre ambition que de le délasser. La promesse? Fournir une dose de plaisir en flux continu avec dénouement de l’intrigue au dernier mot de la dernière ligne. Pilier central de la littérature de divertissement, traduit en quarante-sept langues, dans le peloton de tête des auteurs les plus lus en France et en Belgique, Guillaume Musso a connu un sursaut de notoriété depuis son transfert très commenté (en 2018) de XO Éditions, la maison qui l’a mis sur orbite dans la liste des best-sellers, à Calmann-Lévy qui a voulu recentrer son image hors du segment dit de “la ménagère de moins de cinquante ans”. Même s’il continue de penser que “la littérature de divertissement est mal vue”, Musso continue de croire que “le divertissement est pourtant ce qui nous arrache à notre triste finitude”.
Des histoires et des carnets
Mais comment en vient-on à occuper le moindre espace de vente avec un simple livre? Où naît un livre de Guillaume Musso? La réponse, l’auteur la livre en fouillant dans son sac à dos et en tentant de mettre la main sur un carnet – “je l’ai peut-être oublié à l’hôtel” – dans lequel il consigne idées et réflexions. C’est là, dans ce petit cahier, que commence la grande aventure d’un roman de Guillaume Musso, l’une des entreprises commerciales les plus enviables du secteur de l’édition avec 1,383 million d’exemplaires vendus en 2022, un peu moins en 2023 où il n’a livré aucun nouveau titre, ne basant son bilan annuel que sur les ventes en format poche.
Dans le carnet qu’il ouvre devant nous, on voit des notes manuscrites, l’ébauche peut-être de son prochain best-seller.
“Une sorte d’hommage à Agatha Christie, commente Guillaume Musso. Ça fait six ans que j’essaie d’écrire un whodunit – et là, j’ai trouvé une idée peut-être exploitable.” Et la suite? D’où ça vient? Comment ça marche? “Si l’histoire se tient, poursuit le romancier, j’en parle à mon éditrice. Si c’est bon, pendant trois ou quatre mois, je m’attaque à la tuyauterie, c’est-à-dire à un plan détaillé du récit. Et puis, entre huit et dix mois, j’écris.” On a presque envie de dire “Et voilà!”, notant que Musso avoue ne pas connaître l’angoisse de la page blanche. Sauf que son prochain livre ne sera peut-être pas cet hommage à la reine du crime puisque des idées d’intrigues, il en a en pagaille. “J’ai des dizaines de carnets qui contiennent une trentaine d’histoires”, confie-t-il. Celle qu’il raconte dans Quelqu’un d’autre, il l’avait en tête depuis 2016…
Guillaume Musso se trouve bien là où il est, autant dire dans beaucoup de foyers, mais aussi loin des bals et des mondanités. Il travaille en employé modèle, séparant consciencieusement sa vie professionnelle de sa vie familiale. “Je n’écris jamais chez moi, raconte-t-il. Chez moi, c’est le territoire du couple et des enfants (il en a deux – NDLR); dehors, c’est le territoire du travail. Tous les matins, j’accompagne mes enfants à l’école et puis je vais travailler dans mon ancien appartement que j’ai reconfiguré en bureau.” Les journées de labeur se passent au rythme des enregistrements de Philip Glass, Keith Jarrett et Schubert, sans jamais penser qu’il a un phénomène à sa table et une réputation à tenir. “Je n’écris pas dans l’idée de compétition, poursuit-il. Je n’écris pas pour être numéro un des ventes, j’écris car il y a des gens qui attendent mes histoires et que ça me donne de l’énergie. Je n’oublie jamais que mon premier livre (Skidamarink en 2001 – NDLR) n’a pas eu de succès, j’en ai vendu 3.000.”
De Philip Glass à Picasso
À 49 ans, cet homme que le succès n’a pas rendu moins timide, ancien prof de sciences éco qui a déjà une école à son nom à Juan-les-Pins (“une grande fierté”), avance sans s’arrêter aux critiques, conscient que ses scores de vente en agacent plus d’un. “Pour moi, c’est un honneur, réplique-t-il. Il n’y a pas tant de gens qui arrivent à fédérer autant de lecteurs d’âges différents, de nationalités différentes, de milieux sociaux différents.” Il évoque un savoir-faire, “un talent qui ne consiste pas à faire mieux que les autres, mais différemment des autres – ce qui vous singularise”.
Une reconnaissance et une modestie qui s’évanouissent dans le processus d’élaboration d’un livre car, si le personnage de Quelqu’un d’autre contrôle son existence au point de vouloir continuer à vivre après sa mort, il avoue partager ce désir de démiurge: “Dieu, c’est qui je suis quand j’écris, j’ai pouvoir de vie et de mort sur mes personnages”. Et quand, suivant la propre mécanique de son intrigue, on lui demande de qui il aurait aimé prendre la place, sa réponse fuse: “J’aurais aimé être Picasso. En dehors de ses rapports avec les femmes, j’admire cette faculté de se réinventer tout le temps, d’évoluer à travers les périodes”. Le temps dira dans quelle période de l’œuvre de Musso il faudra classer son dernier livre. En attendant, il est en tête des ventes.
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