Au Congo, qui sont les sept acteurs d’une guerre vieille de vingt ans ?

Le conflit dans l’est de la République démocratique du Congo entre la rébellion du M23 ( Mouvement du 23 mars ) et les forces gouvernementales s’intensifie. La capitale du Nord-Kivu est de nouveau menacée par les rebelles qui ont menacé la ville de Sake, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest, provoquant un exode massif de civils sur Goma.

Le M23, incontestablement appuyé par des unités de l’armée rwandaise (RDF), affronte l’armée congolaise (FARDC) qui est, elle, associée à des groupes armés d’auto-défense, aux mercenaires de deux sociétés militaires privés étrangères et aux Casques bleus de la Monusco, la mission onusienne qui est sur le départ.

Le M23

En 20 ans, les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) ont déstabilisé les deux provinces du Kivu et permis le pillage des ressources naturelles locales.

Le M23 a été créé à la suite des guerres du Kivu à partir de 2004. Il est composé d’ex-rebelles du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) réintégrés dans l’armée congolaise à la suite d’un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec Kinshasa.

Une partie de ces ex-rebelles se sont mutinés en avril 2012. Ils ont même réussi à prendre brièvement, en novembre, le contrôle de Goma, la capitale du Nord-Kivu. Défaits, au début de l’année 2013, par l’armée congolaise (FARDC) et une brigade d’intervention de la mission onusienne en RDC (la Monusco), ils ont cessé le combat en novembre de la même année.

Mais le M23 a repris les armes en 2021, reprochant à Kinshasa de ne pas avoir respecté des accords sur la démobilisation et la réinsertion de ses combattants. En 2022, les rebelles ont réussi à prendre la ville de Bunagana, frontalière de l’Ouganda et à contrôler les échanges commerciaux au poste frontière local.

Récemment, les rebelles se sont emparés de larges portions du territoire au nord de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, provoquant d’importants déplacements de population.

Près de 150 000 nouveaux déplacés ont été recensés depuis le lancement de la nouvelle offensive des rebelles. La semaine dernière, les routes menant à Goma ont été bloquées par des déplacés en quête de sécurité. | EPA-EFE/MOSES KASEREKA

Près de 150 000 nouveaux déplacés ont été recensés depuis le lancement de la nouvelle offensive des rebelles. La semaine dernière, les routes menant à Goma ont été bloquées par des déplacés en quête de sécurité. | EPA-EFE/MOSES KASEREKA

Le Rwanda

Le Mouvement du 23 mars (M23) est considéré par Kinshasa et l’Onu comme soutenu activement par le Rwanda, qui dément. En particulier, la RDC accuse le Rwanda et ses  supplétifs  du M23 de vouloir faire main basse sur les minerais de l’Est congolais. Les rebelles affirment de leur côté défendre une frange menacée de la population et réclament des négociations, que Kinshasa refuse puisque le régime congolais exclut de discuter avec des  terroristes .

L’implication rwandaise est un secret de polichinelle. La RDC a publié en décembre 2022 un Livre blanc qui détaille et documente  l’agression avérée de la RDC par le Rwanda  et sur les « crimes internationaux commis dans ce contexte par le Rwanda Defence Force et le M23 ». Le conflit dans l’Est de la RDC aurait fait plus de 2,39 millions de déplacés, selon Kinshasa.

Un autre document, onusien, révèle qu’un  missile sol-air présumé des Forces de défense rwandaises (RDF)  a visé le mercredi 7 février, sans l’atteindre, un drone d’observation des Nations unies. Ce missile aurait été tiré depuis un véhicule blindé dans une zone contrôlée par le M23. « Des renseignements externes provenant de France confirment que le véhicule blindé de type WZ551 , équipé d’un système de missile sol-air, est rwandais », ajoute ce document, dans lequel la mission des Nations unies en RDC (Monusco) pointe une  escalade des forces conventionnelles engagées dans le conflit .

Les FARDC

Les forces régulières congolaises ne parviennent pas à juguler l’insécurité dans l’est de la RDC. Dans les Kivu, elles s’avèrent même incapables de contenir les avancées du M23 dont les effectifs sont mal connus mais généralement estimés à quelques milliers d’hommes, incapables de l’emporter sans un soutien extérieur.

Des renforts des FARDC ont été envoyés au Kivu en fin de semaine dernière. | DR

Des renforts des FARDC ont été envoyés au Kivu en fin de semaine dernière. | DR

Le problème, c’est que les FARDC sont dans la même situation et font preuve d’un manque d’efficacité chronique et d’une volonté offensive pour le moins réduite. C’est pourquoi Kinshasa a dû se résoudre à des aides extérieures. En 2022 et 2023, Kinshasa avait reçu le secours d’une force envoyée par les États d’Afrique de l’Est (Kenya, Burundi, Soudan du Sud et Angola). Cette force régionale s’était déployée à Goma en novembre 2022 mais la RDC n’a pas renouvelé pas le mandat de la force régionale, qui s’est retirée du territoire congolais en décembre 2023.

La force de la Communauté économique des États d’Afrique australe

La force est-africaine a été remplacée par la SAMIDRC (Southern African Development Community Mission in the DRC). Cette force d’Afrique australe (avec des contingents venant d’Afrique du Sud, du Malawi et de Tanzanie) a commencé son déploiement à la mi-décembre, après un sommet de la SADC (la communauté des États d’Afrique australe) en mai dernier.

Théoriquement jusqu’à 7 000 soldats en feront partie mais pour l’instant seulement quelques centaines de militaires de la SADC sont arrivés au Kivu. Dont des Sud-Africains qui ont fait mouvement, la semaine dernière, vers Sake, à l’ouest de Goma pour y renforcer les FARDC.

Les milices d’auto-défense

Plusieurs groupes armés supplétifs baptisés wazalendo (les  patriotes ) combattent les rebelles. Il s’agit de groupes informels composés de villageois qui tentent de défendre leurs proches et leurs biens face aux exactions des rebelles. Mal armés, ces groupes auraient récupéré des équipements abandonnés par des unités des FARDC en fuite. Des rumeurs font aussi état de matériels onusiens saisis par les wazalendo.

Les SMP

Au moins deux sociétés militaires privées (SMP) déploient actuellement du personnel dans la zone des combats. Il s’agit d’Agemira et Congo Protection. Ces deux sociétés militaires privées de droit congolais, sont dirigées par le Roumain Horatiu Potra, un ancien de la Légion étrangère française.

Initialement, les personnels de Congo Protection étaient chargés de l’instruction des FARDC, ainsi que la sécurisation de l’aéroport de Goma. Mais leur engagement direct sur le front à l’ouest de Goma a été confirmé par des sources congolaises. Mercredi 7 février, au moins deux contractors appartenant à ces SMP ont perdu la vie lors des combats à Sake.

Les Casques bleus

La force de l’Onu, présente en RDC depuis près de 25 ans, est accusée d’inefficacité dans la lutte contre les groupes armés, y compris par le gouvernement qui a demandé son départ  accéléré . Depuis la semaine dernière, des manifestations ont même lieu à Kinshasa et Lubumbashi (sud-est) contre l’Onu, des ambassades ou représentations consulaires accusées d’un supposé soutien au Rwanda.

Pour autant, les Casques bleus du Kivu ne semblent pas avoir failli à leur mission puisque certains d’entre eux ont bien été engagés contre les rebelles à Sake. Selon la mission onusienne,  en réponse à une attaque du M23 contre les FARDC, les Casques bleus ont engagé le combat avec le M23 à partir de leurs positions de blocage aux alentours de Sake et les ont repoussés. 

Dans le Nord-Kivu, des Casques bleus indiens ont aussi été déployés pour sécuriser un corridor et permettre le départ de réfugiés vers des sones plus sûres.

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