Ariane 5, ‘un vrai succès d’intégration européenne’ : le dernier lancement est reporté à mercredi

Il poursuit : « Ariane 5 a été vraiment le grand succès européen qui a permis de faire en sorte que l’Europe soit vraiment à une place de pilote, de leader dans tout ce qui est la mise en orbite, la commercialisation de lanceurs, surtout dans un contexte dans lequel, par rapport aux grandes puissances américaines, russes, chinoises, l’Europe a des moyens assez limités, puisqu’il n’y a pas ce grand soutien militaire, comme aux États-Unis par exemple, qui fait en sorte qu’il y a déjà un marché captif gigantesque. Donc là, vraiment, c’est une belle aventure économique européenne qui a permis de faire en sorte qu’Ariane et Arianespace (le fournisseur de services de lancement), soient un des leaders dans le marché ».

Les sociétés européennes qui travaillent pour le programme Ariane 5 enregistrent de nombreuses retombées économiques : « La création de valeurs, de connaissances et de développements technologiques qui peuvent être déployés dans d’autres marchés. Il faut savoir qu’un lanceur, c’est vraiment une arme stratégique, géopolitique, parce que c’est une infrastructure stratégique qui permet de mettre en orbite des satellites. Donc ce n’est pas que pour le développement scientifique et l’exploration spatiale, c’est aussi par exemple un vecteur de compétitivité, mais surtout vecteur d’autonomie, de souveraineté pour l’Europe qui permet non seulement de soutenir le développement sociétal économique (puisque mettre des satellites permet de faire en sorte qu’on ait l’infrastructure pour le développement de tout ce qui est l’économie digitale, qui est quand même un grand vecteur de croissance économique en Europe) mais surtout dans le contexte géopolitique qu’on connaît tout ce qui est surveillance de frontières, protection des frontières, mais aussi protection de l’environnement. Donc, outre l’aspect exploratoire, scientifique, spatial, c’est vraiment une infrastructure stratégique publique qui permet de défendre une souveraineté européenne et qui est importante comme on le sait ».

« Pour l’instant, on peut dire les lanceurs européens sont en crise puisqu’Ariane 6 n’est pas encore prêt et les prévisions du premier lancement, ce sera fin d’année 2023 ou début 2024. Et puis, à cause de la guerre en Ukraine, nous n’avons plus accès aux fusées Soyouz. Et la fusée Vega-C qui vient d’entrer en service, non seulement a quelques petits problèmes techniques pour l’instant, mais surtout elle n’a pas non plus la capacité d’emport nécessaire. Donc on a vraiment un grand trou pour l’instant dans nos capacités à fournir le marché, alors que pour l’instant Ariane 6 a un nombre de commandes record : il y a déjà plus de 28 lanceurs commandés, mais malheureusement pas encore de fusée disponible », dit-il encore.

L’arrivée d’Elon Musk et de sa société SpaceX a changé la donne spatiale, ajoute-t-il : Ils « raflent tout le marché. D’ailleurs maintenant, l’Europe est même obligée d’utiliser Falcon (une des fusées de SpaceX) pour lancer ses propres satellites européens. Cela montre bien la situation et le drame dans lequel on est. SpaceX a bien évidemment redéfini le modèle non seulement au niveau technologique (parce que c’est quand même une prouesse assez incroyable d’avoir des lanceurs qui sont réutilisables), mais surtout le modèle économique. Par contre, il ne faut pas être trop naïf parce que ce n’est pas juste une aventure commerciale avec une compétitivité accrue. Ce sont aussi des éléments géopolitiques et géostratégiques puisque derrière ça, il y a évidemment un marché captif américain et surtout des prix de vente sur le marché commercial que SpaceX peut utiliser, qui sont indirectement complètement subsidiés et supportés par le gouvernement américain. Les mêmes lancements vendus au gouvernement américain sont deux fois plus chers que sur le marché commercial. Donc ça montre bien de nouveau l’aspect stratégique des lanceurs et que ce n’est pas juste une activité purement commerciale, mais c’est une activité qui a une importance fondamentale pour la souveraineté et l’autonomie des civilisations et des pays ».