EuroMillions : les premières actions de « Guy », le grand gagnant du pactole, en faveur de la planète
« Le bois Saint-André est facile à trouver, à 100 m du RER, après le rond-point », indiquait le SMS. À l’est de la Seine-Saint-Denis, s’étale sur 280 ha une improbable et très belle forêt qui a appartenu à la fille de Louis XIV. On y retrouve, loin du faste de Versailles, Franz Veillé. Godillots et chemise à carreaux, il vante les mérites du lierre : « le mal-aimé qu’on veut toujours arracher en France », souffle ce technicien forestier de Cœur de forêt, association qui aide les particuliers à mieux gérer leurs bois.
Dans le petit groupe qui boit ses paroles, les représentants d’Anyama, discrète fondation créée par un grand gagnant de l’EuroMillions. En ce beau jour de décembre 2020, ce Français avait remporté 200 millions d’euros, le plus important pactole remporté par un compatriote à cette date. La Française des jeux l’avait baptisé « Guy ». Au Parisien, nous avions révélé son intention de donner progressivement son gain pour aider la nature et en particulier la forêt, et soutenir aussi des projets de santé.
« Cet argent est bien plus utile ainsi »
Une année plus tard, aucun regret, il se dit « très satisfait » : « Il me semble évident que cet argent est bien plus utile ainsi, que si je m’en étais servi uniquement à des fins personnelles », écrit celui qui n’a accepté de nous répondre que protégé par l’anonymat des e-mails. Le chanceux reste très secret et continue d’appliquer le dicton « pour vivre heureux, vivons caché ».
Parmi la trentaine d’associations soutenues par le grand gagnant, Cœur de forêt donc. « Quand on sait qu’en France 75 % des massifs sont détenus par des petits propriétaires qui ne savent pas toujours bien que faire de ce trésor, le travail d’accompagnement de ces bénévoles est formidable ! » décrit, chaussures de randonnées bien ancrées dans l’humus, Jonathan Guyot, employé d’Anyama, lui-même ingénieur forestier.
Côté bureau, le directeur général Max Thillaye du Boullay, en chemise impeccable, s’amuse rétrospectivement des débuts « un peu délicats » : comment par exemple convaincre les experts des comités d’investissement et d’orientation stratégique, sans leur dire dans quoi ils s’embarquaient ? Il avait ainsi alpagué Lucie Pinson, la patronne de l’ONG Reclaim Finance qui milite pour que l’argent des banques n’alimente plus les énergies fossiles. « Je ne savais pas qui avait gagné quoi mais j’ai compris qu’il s’agissait d’une importante fondation. C’est aussi l’opportunité d’avoir beaucoup d’impact », s’amuse a posteriori la militante, décorée du prestigieux prix Goldman de l’environnement.
Une avalanche de message d’encouragements
Le directeur d’Anyama se rappelle aussi la folie quand le lien entre la fondation et le grand gagnant du loto avait été rendu public : « Plus de 1 000 mails en deux jours, plus de 800 demandes d’ajouts sur LinkedIn, des messages de félicitations et d’encouragements, mais aussi des gens qui se sont pointés au bureau, un peu effrayants. Il y avait des choses plutôt rigolotes aussi comme ce message expliquant doctement : Vous voulez aider la biodiversité, je suis un être humain, je fais donc partie de la biodiversité, aidez-moi. »
« En France, on n’a pas le droit, même si on le souhaite et que l’on a un très gros patrimoine, de limiter la part d’héritage qui revient à ses enfants pour faire des dons, sauf s’ils vous donnent cette autorisation devant deux notaires. Cela freine la grande philanthropie ! » se désole Max Thillaye du Boullay. Sans compter que par sa forme juridique (un fonds de dotation), Anyama ne peut utiliser que les revenus générés par le jackpot de la Française des jeux, sans toucher au capital : « Une rigidité qui nous empêche de réaliser beaucoup de choses… », regrette Max Thillaye du Boullay.
C’est en juillet 2022 que les premières associations ont pu être sélectionnées. « Guy » participe-t-il au choix ? « Bien sûr, lui et sa famille épluchent les dossiers et sont décisionnaires. Ils se passionnent pour les associations et celles et ceux qui les portent », rapporte le directeur. « Ce sont des Français normaux, qui comprennent nos préoccupations », répètent tous ceux qui les ont approchés. L’argent du grand gagnant aide désormais des projets un peu partout en métropole et depuis cet été en Guyane (plus de la moitié de la biodiversité et un tiers de la surface forestière française) comme les « Gardiens du Haut Maroni », porté par le WWF et les autorités coutumières du peuple Wayana pour surveiller l’orpaillage illégal qui détruit le fleuve et la forêt.
Plus d’un million déjà distribué
Près d’1,5 million d’euros ont déjà été distribués. Utile ? « Je l’espère ! répond le super chanceux. Avec toute l’équipe d’Anyama, nous faisons tout notre possible pour identifier des organisations ayant un réel impact et pour les aider au mieux que ce soit financièrement ou par du conseil. » Quitte à payer pour un poste de chargé de mission. « Il est tentant d’aller à la facilité en finançant de la replantation d’arbres. Mais ce n’est absolument pas l’enjeu de préservation des forêts en France », plaide Jonathan Guyot. La fondation a par exemple permis de recruter un directeur chez Pro Silva France. « Nous fonctionnons depuis une trentaine d’années grâce au bénévolat. Or nous sommes tous surbookés dans nos métiers respectifs », décrit Evrard de Turckheim, le président de cette association sollicitée de toute part, du ministère aux plus petits centres de formation.
La fondation prévoit désormais de tester sa vision dans une forêt dont elle serait propriétaire. « Je suis ouvert à la coconstruction concernant cette idée et j’invite d’ailleurs les propriétaires forestiers qui y seraient sensibles à nous contacter », explique le donateur mystère. Et d’ajouter : « Ce projet me tient à cœur et je suis convaincu qu’il peut parler à beaucoup d’autres personnes. » Anyama voudrait ainsi acquérir 500 à 1 000 ha. Son modèle n’est pas la « libre évolution » totale c’est-à-dire laisser la forêt sans aucune intervention humaine. La future forêt d’Anyama doit faire la promo « d’une sylviculture douce, basée sur la régénération naturelle », sans rangées d’arbre clones, très vulnérables. Tous de même essence, tous du même âge.
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