Brésil : inquiétude autour d’un projet pétrolier au large de l’embouchure de l’Amazone

Publié le 27 juil. 2023 à 10:15

A première vue, il s’agit d’une simple parcelle d’océan, d’un carré sur une carte, situé près de la frontière avec la Guyane française, à environ 540 km de l’embouchure du fleuve Amazone. FZA-M-59, c’est son nom, est pourtant au coeur d’importants enjeux environnementaux et économiques, souligne la revue « Nature ».

Cette parcelle, qui pourrait contenir d’importantes réserves d’hydrocarbures, se situe dans une zone de 2.200 km s’étendant le long de la côte nord du Brésil, dont Aloizio Mercadante, président de la Banque brésilienne de développement, estime qu’elle pourrait produire entre 10 et 30 milliards de barils de pétrole.

Un vaste écosystème sensible

FZA-M-59 attise donc les convoitises, et Petrobras a formulé une demande pour l’explorer. Mais le géant pétrolier brésilien se heurte à l’opposition de scientifiques qui jugent ce projet dangereux pour l’environnement. La parcelle se trouve en effet à quelque 50 km d’un vaste système de récifs.

Si le Great Amazon Reef System reste relativement méconnu, des études y ont démontré la présence d’un écosystème aussi florissant que sensible. « Et nous ne connaissons même pas 5 % de ce qu’il y a là-bas », précise à « Nature » Ronaldo Francini-Filho, chercheur en écosystèmes marins à l’université de Sao Paulo. Les scientifiques craignent que des forages, même exploratoires, entraînent des fuites de pétrole, voire des marées noires. De plus, une autorisation dans ce dossier pourrait, selon eux, ouvrir la porte à des forages dans quinze autres sites à proximité.

L’Institut brésilien pour l’environnement et les ressources naturelles renouvelables (Ibama) a rejeté en mai une première demande d’autorisation de Petrobras, jugeant insuffisants son évaluation des impacts environnementaux et son plan d’urgence en cas de fuite. Le groupe a fait appel et déposé une seconde requête.

Un dossier pas comme les autres

Il défend son projet en brandissant les résultats de ses modélisations, qui indiquent qu’« il n’y a aucune probabilité que [le pétrole] touche la côte » brésilienne en cas de fuite. Et tant pis si elles montrent aussi qu’elles pourraient atteindre la Guyane, le Guyana, le Suriname et les Caraïbes, souligne le biologiste marin Carlos Rezende. Il ajoute que les modèles utilisés par Petrobras « ne tiennent pas compte des vagues générées par le vent, qui […] tireraient certainement du pétrole vers la côte » brésilienne. Or celle-ci abrite « la deuxième plus grande zone de mangrove continue au monde », explique Ronaldo Francini-Filho.

Le géant pétrolier argue enfin de son expérience, avec près de 3.000 puits forés sur des sites en haute mer sans aucune complication. Mais le dossier FZA-M-59 est sensible. Total s’en était déjà rétracté en 2020, face à la controverse qu’il engendrait. Le groupe français renonçait ainsi à mener le projet d’exploitation de la parcelle, tout en restant son actionnaire principal.

L’élection de Lula sur un programme accordant une large part à l’environnement et aux énergies vertes pourrait par ailleurs constituer un frein supplémentaire au projet. D’un autre côté, l’Etat est le principal actionnaire de Petrobras, qui entretient d’étroits liens avec le pouvoir. Le sort de cette parcelle permettra donc de juger si le vent a véritablement tourné pour l’industrie pétrolière au Brésil.

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