le nouveau mécanisme financier européen peine à convaincre – EURACTIV.fr

Le comité du mécanisme pour l’intégration en Europe (MIE) s’est réuni lundi (16 octobre) pour approuver l’allocation de fonds européens pour des projets de câbles sous-marins, à la suite d’une deuxième série d’appels à propositions. Toutefois, le manque de clarté concernant la distribution des fonds semble inquiéter certains États membres.

Le MIE est un instrument financier visant à injecter de l’argent dans des projets privés possédant une dimension européenne tels que la construction de parcs éoliens en mer, de réseaux de transport ou encore d’infrastructures numériques.

En ce qui concerne les infrastructures Internet, le sabotage du gazoduc Nord Stream l’année dernière a redirigé une grande partie de l’attention de l’Europe sur la sécurité des câbles sous-marins.

En juillet, Euractiv dévoilait la stratégie ambitieuse de financement des câbles de communication sous-marins de la Commission européenne pour établir des liens stratégiques avec le Sud, réduire la latence des données et éviter une dépendance excessive vis-à-vis de fournisseurs étrangers.

L’exécutif européen cherche également à accroître la résilience des infrastructures sous-marines et devrait formuler une recommandation aux États membres concernant une « infrastructure sous-marine sécurisée pour l’Europe » dans le cadre d’un paquet sur l’avenir de la connectivité au début de l’année prochaine.

Début 2024, la Commission devrait également adopter son deuxième programme de travail pluriannuel pour 2024-2027 afin d’injecter des fonds dans les câbles de communication, dans le cadre d’un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC).

La stratégie ambitieuse de la Commission est toutefois limitée par une capacité financière restreinte, tant le budget de l’UE a déjà été mis à rude épreuve, notamment par la pandémie de Covid, l’aide militaire à l’Ukraine ou encore la pénurie de microprocesseurs.

Les contraintes financières et le manque de transparence suscitent la frustration des États membres participant aux projets, tandis que seule une poignée d’entre eux est géographiquement bien située pour réellement tirer parti des projets.

Et la situation s’est encore détériorée avec l’annonce par le MIE du nouveau financement de l’UE accordé à des projets de câbles sous-marins. La critique principale qui est émise est que la répartition des fonds ne reflète pas la qualité intrinsèque des projets.

Le MIE a évalué chaque projet sur la base de cinq critères : la priorité et l’urgence, la maturité, la qualité, l’impact et l’« effet catalyseur », c’est-à-dire la capacité de l’argent public à stimuler l’investissement privé.

Selon une évaluation des projets consultée par Euractiv, celui qui a obtenu le meilleur score est Atlantic CAM, proposé par le Portugal pour renforcer la connexion avec l’archipel des Açores, une rampe de lancement pour la connexion avec les continents africain et américain.

Le projet soit arrivé en tête, mais il n’a reçu que 40,5 millions d’euros sur les 96,2 millions d’euros initialement demandés, soit 42 % de la subvention attendue. De même, les projets classés en deuxième et troisième position, menés par la Finlande et l’Irlande et qui s’inscrivent dans le cadre de la stratégie « Digital Global Gateway », n’ont reçu respectivement que 60 % et 51 % des subventions voulues.

En revanche, certains projets ayant obtenu une note beaucoup plus faible ont reçu la totalité des fonds demandés. Par exemple, un projet français visant à augmenter la bande passante des régions ultrapériphériques françaises de la Caraïbe a reçu la quasi-totalité de la subvention demandée alors qu’il se trouvait en bas de la liste.

« Ce qui est amusant, c’est que le classement ne correspond pas à l’argent accordé », a déclaré un responsable politique européen à Euractiv de manière anonyme, déplorant que l’allocation soit « en réalité une décision politique » et que le « processus n’ait pas été aussi transparent qu’il aurait dû l’être ».

Il semblerait que la Commission a décidé de financer autant de projets que possible de manière significative plutôt que de se concentrer sur seulement quelques projets coûteux, ce qui aurait pu décourager la participation des États membres à l’avenir.

Les subventions demandées ne couvrent pas la totalité du coût des projets, qui sont généralement beaucoup plus onéreux, car la pose de milliers de kilomètres de câbles en fibre optique au fond de l’océan est une entreprise titanesque et donc particulièrement coûteuse. Toutefois, les règles autorisent les consortiums à demander des fonds publics pour couvrir plus de la moitié de l’investissement total.

« Il aurait été absurde de ne financer que deux projets à 70 %, » a déclaré un second responsable à Euractiv, affirmant que si un investissement privé a besoin d’un soutien public aussi important, il pourrait ne pas être financièrement viable.

Néanmoins, lors de la réunion du comité du MIE, certains représentants nationaux ont remis en question les critères de distribution des financements. La Commission a répondu qu’elle avait mené une consultation interne avec d’autres départements afin d’évaluer leurs priorités ainsi que les projets à venir.

Les cas les plus représentatifs sont sans doute deux projets liés à EllaLink, un câble qui relie l’Europe à l’Amérique du Sud. Aucun des deux projets ne figurait parmi les cinq premiers, mais ils ont tout de même reçu l’intégralité de la subvention demandée, car la Commission prévoit d’étendre le câble vers d’autres pays d’Amérique latine.

Toutefois, cette distribution en apparence erratique de ressources déjà limitées alimente les frustrations préexistantes chez certains États membres, dont le soutien est pourtant fondamental pour faire avancer ces projets.

Le montant de cette deuxième série d’appels à projets s’élevait à 228 millions d’euros et a été atteint en partie grâce aux services de la Commission qui ont rassemblé des fonds européens non dépensés.

Le prochain appel d’offres du MIE pour les câbles sous-marins ne représente qu’un maigre montant de 90 millions d’euros, ce qui rend plutôt hypothétique l’objectif déclaré de l’UE de devenir un acteur de premier plan dans la géopolitique des câbles de communication.

Câbles sous-marins : les projets de l’UE critiqués

Alors que l’on s’inquiète de plus en plus de la volonté d’acteurs malveillants de paralyser ou d’interférer avec cette infrastructure critique, l’UE a mis en place un certain nombre de projets qui s’appuient sur des dynamiques politiques cachées.

[Édité par Anne-Sophie Gayet & Théo Bourgery-Gonse]


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