« On se relèvera mais l’État hébreu ne sera plus jamais le même »

« Je ne sais pas si le monde comprend, mais depuis la Shoah, on n’a jamais vu ça. » « Ça », c’est cette attaque sans précédent que le Hamas a déclenché le 7 octobre au petit matin dans le sud d’Israël, sur les territoires frontaliers de la bande de Gaza. « Ça », ce sont ces quelque 1 300 personnes, la grande majorité israélienne, abattues en quelques heures, dans un déchaînement de barbarie sans limites. De « ça », Valérie Aloush parle d’une voix claire, la tête haute. Médecin-chef à l’hôpital Ichilov de Tel Aviv, elle est installée à une trentaine de kilomètres au nord, dans une banlieue située à – presque – bonne distance des roquettes du Hamas tirées chaque jour depuis le sud et des frappes du Hezbollah venant du Liban. Depuis bientôt trente ans, cette Bordelaise…

« Je ne sais pas si le monde comprend, mais depuis la Shoah, on n’a jamais vu ça. » « Ça », c’est cette attaque sans précédent que le Hamas a déclenché le 7 octobre au petit matin dans le sud d’Israël, sur les territoires frontaliers de la bande de Gaza. « Ça », ce sont ces quelque 1 300 personnes, la grande majorité israélienne, abattues en quelques heures, dans un déchaînement de barbarie sans limites. De « ça », Valérie Aloush parle d’une voix claire, la tête haute. Médecin-chef à l’hôpital Ichilov de Tel Aviv, elle est installée à une trentaine de kilomètres au nord, dans une banlieue située à – presque – bonne distance des roquettes du Hamas tirées chaque jour depuis le sud et des frappes du Hezbollah venant du Liban. Depuis bientôt trente ans, cette Bordelaise, dont l’un des rêves d’ado était « d’être enfermée dans la librairie Mollat », vit en Israël.

Mais ce samedi 7 octobre est venu la percuter de plein fouet, comme l’ensemble de la société israélienne. « Mon neveu de 21 ans est dans les commandos, il a été engagé contre les terroristes, il s’est battu pendant douze heures comme un lion, jusqu’à ce qu’il soit grièvement blessé. » C’était au kibboutz de Be’eri, tout proche de la bande de Gaza et théâtre d’un des pires massacres du Hamas.

Son gendre, militaire aussi, a été envoyé au kibboutz de Kfar Aza, autre sommet de l’horreur : « Ces soldats ont vu les corps des hommes, des femmes des enfants, des bébés… Ils ont vu des scènes inimaginables. C’était il y quinze jours et il y a encore 234 corps qui ne sont pas identifiés parce qu’ils sont trop mutilés. »


Valérie Aloush est médecin chef à l’hôpital de Tel-Aviv.

JEFFERSON DESPORT/ « Sud Ouest »

« Il a fallu les amputer »

Or, comme elle le rappelle, les soldats de Tsahal sont tous très jeunes : « Ils ont entre 19 et 23 ans. » En Israël, l’armée étant obligatoire pour les garçons et les filles, l’autre facette de cette attaque est là : elle vient de faucher toute une génération. Et les enfants de Valérie Aloush n’y échappent pas. « Mes deux filles sont dans l’armée, comme tous mes neveux et nièces, comme tous les jeunes de leur âge. » « C’est ça, avoir 18 ou 20 ans en Israël en 2023, poursuit-elle. L’armée d’Israël, c’est l’armée du peuple. Ce n’est pas quelque chose de normal, mais c’est notre réalité. Tous ceux qui ont combattu, qui ont été blessés, ont entre 19 et 23 ans. »

« L’armée d’Israël, c’est l’armée du peuple. Ce n’est pas quelque chose de normal, mais c’est notre réalité. Tous ceux qui ont combattu, qui ont été blessés, ont entre 19 et 23 ans »

De sa voix toujours aussi posée, elle l’assure : « Ce n’est pas une autre attaque. Des roquettes, des attentats, il y en a tout le temps. Ça, c’est autre chose. Des milliers de terroristes qui entrent dans des kibboutz pour assassiner des hommes, des femmes, des enfants, les brûler vifs, les torturer, les violer, les démembrer, décapiter des enfants, tirer à vue sur des jeunes dans un festival de musique, oui, c’est autre chose. » Les survivants peuvent en témoigner aussi : « Les médecins, explique-t-elle, n’avaient jamais vu de telles blessures. Comme il y avait des terroristes partout, beaucoup de blessés sont restés avec des garrots trop longtemps, il a fallu les amputer des bras ou des jambes… On ne le sait pas. »

Traumatisme

Quinze jours après l’attaque, elle l’avoue : « J’ai encore du mal à trouver mes mots. Tout le monde est concerné. » Et les conséquences se répercutent à tous les niveaux. Le quotidien de sa nièce, également militaire, est un exemple parmi tant d’autres : « Maintenant que c’est la guerre, elle représente l’armée dans les enterrements des soldats. Et comme tous les officiers du défunt sont au front, elle a fait quatre enterrements en une journée… C’est ça avoir 20 ans, on n’aurait jamais envisagé ça. Ma fille, elle, a joué avec des enfants qui n’ont plus rien. Cette semaine, l’un d’entre eux a enterré toute sa famille… » Surtout, c’est cette génération de jeunes adultes en armes qui, dans les prochains jours, pourrait entrer dans Gaza pour libérer les otages, au prix d’un très probable bain de sang : « Le peuple est fort, mais, prévient-elle, il va y avoir une génération traumatisée. »

Malgré l’attaque, Eva a choisi de rester vivre en Israël.


Malgré l’attaque, Eva a choisi de rester vivre en Israël.

JEFFERSON DESPORT/ « Sud Ouest »

Cette génération qui va devoir surmonter ce 7 octobre et ses conséquences, c’est celle d’Éva, 24 ans. Née à Libourne, en Gironde, cette longiligne jeune femme a fait son Alyah il y a quatre ans, pour vivre en Israël. Ce vendredi, dans les rues presque désertes de Tel Aviv, alors qu’elle se prépare pour Shabbat, elle dresse le même constat : « Les roquettes, les attentats, on connaît, mais ça, c’est autre chose. Si un Israélien vous dit qu’il n’est pas touché, c’est faux. On est terrorisés de chagrin. » Ce 7 octobre, elle a perdu son amie Berry, qui était à ce festival de musique dans le désert. « On a grandi ensemble. Elle venait de rentrer d’un voyage en Amérique du Sud. Elle a réussi à s’enfuir en voiture, elle s’est arrêtée dans un village, mais les terroristes étaient là, ils l’ont assassinée, elle était au téléphone avec sa mère. »

« À 5 kilomètres de Gaza… »

Une cigarette vient offrir une parenthèse suspendue. Et contenir ces discrètes larmes qui montent inexorablement. « C’est encore trop tôt », glisse-t-elle dans un sourire. Ce jour-là, elle n’a pas voulu se rendre à cette fête : « C’était à 5 kilomètres de Gaza, je me suis dit que c’était trop près. » Aucune intuition, juste un constat. Mais elle n’a pas échappé au déluge de roquettes lancées par le Hamas. « J’ai entendu les explosions, j’ai ressenti le fracas, l’une d’elles a touché un immeuble tout près, j’ai senti l’onde de choc, ça m’a tellement secouée que je ne pouvais plus respirer… »

« Les réservistes vivent comme si c’était leur dernier jour. Alors ceux qui avaient prévu de se marier le font. Pourquoi laisser les terroristes gagner ? «

Malgré l’effroi, malgré le deuil de son amie, elle a choisi de poursuivre ses études en Israël : « J’ai dit à mes parents que je ne rentrerai pas. Toutes les raisons pour lesquelles je suis venue se confirment. C’est juste chez moi. » Qu’importe donc si elle doit continuer à vivre au rythme des alertes qui arrivent sur son téléphone et qui l’obligent, parfois plusieurs fois, à courir dans un abri pour quelques minutes.

Des habitants se dirigent vers un abri alors que les sirènes avertissant d’une attaque à la roquette en provenance de la bande de Gaza résonnent dans un quartier de Tel Aviv.


Des habitants se dirigent vers un abri alors que les sirènes avertissant d’une attaque à la roquette en provenance de la bande de Gaza résonnent dans un quartier de Tel Aviv.

AHMAD GHARABLI / AFP

Sans un dos récalcitrant, elle serait, elle aussi, militaire, comme tous ses amis. « Ceux qui avaient fini l’armée ont été rappelés, ils sont réservistes. Ils vivent comme si c’était leur dernier jour, alors ceux qui avaient prévu de se marier le font. Pourquoi laisser les terroristes gagner ? » Avant de partir retrouver des proches pour célébrer Shabbat, elle termine sur ses mots : « Plus les jours passent, plus ça fait mal. On se relèvera militairement mais l’État hébreu ne sera plus jamais le même. »

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