On ne compte plus les musiciens et les musiciennes iconiques qu’a vu éclore Détroit, ville de l’État du Michigan, qui fut notamment le berceau de la Motown dans les années 1960, la place forte du punk hardcore dans les années 1980, mais aussi de la techno, dont Jeff Mills est l’un des pionniers de la deuxième vague. Dans les pas de Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson, ses aînés, le DJ et compositeur qui a débuté sous le pseudonyme de « The Wizard » a su trouver dans le bruit métallique de la surnommée Motor City les fondements d’une musique révolutionnaire. Avec Mike Banks, dit Mad Mike, il s’impose sur le devant de la scène en fondant le légendaire collectif techno de Detroit Underground Resistance, faisant des beats de véritables armes pour lutter contre la crise économique qui ravage la ville. La suite, c’est la création en solitaire de plusieurs labels, tels qu’Axis, Tomorrow et Purpose Maker, sur lesquels Mills développe sa techno abstraite, sombre et hypnotique, tout en produisant d’autres talents. Mais son terrain de jeu ne s’arrête pas là : du mixage, il semble avoir fait son mot d’ordre tant le musicien a multiplié les performances audiovisuelles ces vingt dernières années, passant avec décontraction des clubs aux centres d’art, des orchestres symphoniques aux salles de cinéma, sans pour autant renoncer à publier des albums de techno. Fan de science-fiction, il a offert en l’espace de vingt ans trois nouvelles bandes originales au film Metropolis de Fritz Lang, la dernière étant sortie au printemps 2023, sous la forme d’un coffret trois vinyles. Plus récemment encore, en septembre dernier, il a cosigné avec le pianiste Jean-Phi Dary et le joueur de tabla Prabhu Édouard l’album Evolution sur Axis Records. Il s’agit du deuxième volet du projet Tomorrow Comes The Harvest, initié et mis en œuvre par Jeff Mills en 2016, avec le regretté batteur et inventeur de la rythmique afrobeat Tony Allen.
Le temps d’un grand entretien, au micro d’Antoine Leiris, Jeff Mills revient sur les moments marquants de son parcours et nous entraîne dans sa salle des machines.
Continent musiques d’été – Multidiffusion
« The Wizard »
Au début des années 1980, Jeff Mills commence sa carrière de DJ sous le pseudo « The Wizard ». Une époque très riche pour la musique, qui trouve alors de nouvelles ressources dans la technologie :
« On se rapprochait de la fin du siècle. Les machines commençaient à envahir notre quotidien, avec les machines à compter, à calculer, mais aussi les tout premiers ordinateurs. Ces nouvelles inventions nous poussaient et nous faisaient avancer vers le siècle suivant. C’était particulièrement excitant. Les gens étaient très positifs, optimistes, toujours intéressés par toutes ces nouvelles choses. Et la musique faisait partie de ces expériences. La technologie nous a donné de nouveaux instruments qui étaient abordables, même pour quelqu’un de jeune comme moi. En tant que DJ, les consoles de mixage étaient plus précises. Il y avait les faders, des systèmes de travail sur le son qui n’existent pas avant sur les pistes. On était jeunes. On était enthousiastes. Et Detroit, évidemment, était toujours là, musicalement parlant. Il y avait beaucoup de radios, on avait la possibilité d’écouter beaucoup de musique. Donc voilà, on réagissait à ce qui se passait en chemin vers ce nouveau siècle et vers cette année 2000. » Jeff Mills
Musique et architecture
Avant les débuts d’Underground Resistance, Jeff Mills était étudiant en architecture. Une formation qui a contribué à façonner sa conception de la musique :
« Mon père était ingénieur génie civil et j’ai voulu le suivre à un moment donné. J’étais naturellement attiré par l’architecture. J’ai grandi à Detroit, qui était une ville Art Deco. Son passé industriel avait produit des bâtiments extraordinaires. Ensuite, j’ai vécu à Chicago, qui est aussi une ville très architecturale, puis à New York. À cette époque-là, j’admirais les architectes, j’achetais des livres d’architecture, même d’architecture du paysage. Pour faire un lien avec la musique, il faut dire que la production de musique a un côté systématique. Au début de ma carrière, en tout cas, j’abordais la musique de manière systématique, jusque dans le design de l’équipement que j’utilisais. J’étais très méticuleux. Je préparais mes sets, ce qui se reflète forcément dans le son. L’architecture et la musique ont en commun d’avoir un côté pratique. Elles doivent fonctionner. Donc l’utilité de la musique est quelque chose aussi que j’ai appris très tôt. Si personne n’écoute la musique, alors elle ne sert à rien. » Jeff Mills
Le DJ Set comme dialogue avec le public
« Des DJ plus âgés, plus anciens, m’ont expliqué la théorie. Ils m’ont appris à prendre le temps. Ils m’ont dit qu’offrir de la musique aux gens, c’est quelque chose de sérieux, mais que c’est aussi une opportunité de rapprocher et d’enrichir les personnes qui l’écoutent. Ça va les faire grandir, évoluer, changer, bref, ça va les impacter. Donc j’ai toujours fait cela de manière sérieuse et j’ai toujours essayé de profiter de tous les moments que j’ai face à un public. Je ne veux pas perdre de temps, je ne veux pas boire avec eux, mais je veux plutôt prendre le temps de réfléchir à ce que je vais leur offrir, parce que c’est important pour moi. J’utilise le temps qui m’est donné avec le public. » Jeff Mills
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La Série musicale d’été
Ses actualités :
- Nouvelle bande originale du film Metropolis de Fritz Lang (1927), éditée sous la forme d’un coffret 3 vinyls, intitulé Metropolis Metropolis, paru le 3 mars 2023.
- Jeff Mills, Jean-Phi Dary et Prabhu Édouard ont signé l’album Evolution le 8 septembre sur Axis Records, dans le cadre du projet Tomorrow Comes The Harvest.
Dates de concert à venir :
– 26 JAN 2024 – Les Quinconces, Le Mans Festival Le Mans Sonore, Le Mans
– 27 JAN 2024 – Auditorium de Bordeaux, Bordeaux
– 03 FEB 2024 – Philharmonic, Luxemburg
Sons diffusés pendant l’émission :
- The Contours, “You get ugly”
- Jeff Mills, “The Bells”
- Tomorrow comes the harvest : “Rising Water” (radio edit)
- Archive de Tony Allen mixée avec morceau “Words of Wisdom” sur l’album “Evolution” de Tomorrow comes the harvest
Le Son du Jour : “Inuuniaravit” (Born to be alive) par Elisapie
Imaginez une reprise de Born to be alive en langue inuktitut. C’est ce que nous vous proposons de découvrir avec l’artiste Elisapie, qui chante dans cette langue inuite parlée au Canada. Dans un album paru en septembre dernier, elle reprend dix chansons qui ont marqué son adolescence, qu’elle a passé à Salluit, un village du Nunavik, situé au nord du Québec. L’universalité des chansons de Pink Floyd, Blondi, Led Zeppelin et Patrick Hernandez, y jaillit avec une curieuse évidence. D’inspiration folk et parfaitement réalisé, cet album met un formidable coup de projecteur sur les cultures des premières nations, autant que sur la carrière d’Elisapie, déjà riche de quatre albums. Nous vous proposons donc d’écouter Inuuniaravit, une reprise de Born to be alive de Patrick Hernandez par Elisapie, sur l’album paru sur le label YOTANKA RECORDS.
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Elisapie sera en concert mercredi 15 novembre aux Trois Baudets à Paris et jeudi 16 novembre au Trempo à Nantes.
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