« HPI », « The Walking Dead : Daryl Dixon », « Sentinelles » ou « Leo Mattei », mais aussi « Top Chef », « Capital », « Pékin Express », « Le Grand Concours des animateurs » ou encore « Questions pour un champion »… Depuis mercredi, une cinquantaine de tournages de fictions et une vingtaine d’équipes de postproduction (montage, étalonnage, doublage) d’émissions de flux — divertissements et information — ont, à ce jour, voté la grève ou effectué un débrayage de quelques heures, selon un décompte du Syndicat des professionnels des industries de l’audiovisuel et du cinéma (SPIAC-CGT).
À l’appel de ce dernier, du Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de télévision (SNTPCT) et de la CFTC, cette mobilisation vise à obtenir une revalorisation de leur salaire de 20 %, soit l’équivalent de la perte du pouvoir d’achat constatée entre des tarifs qui n’évoluent pas et l’inflation qui galope. Reconduit ce vendredi 17 novembre, l’appel à la grève aura encore perturbé huit tournages, stoppés ou qui n’ont pu reprendre, à l’instar de celui de « Marie-Antoinette », fiction de Canal + à l’arrêt depuis trois jours.
Des négociations se profilent le 5 décembre
Alors que des négociations avec les organisations représentatives des producteurs se profilent le 5 décembre, les syndicats entendent maintenir la pression. « Conforté·es par un mouvement que l’on peut qualifier d’historique, nous appellerons les équipes à de nouvelles grèves dans les jours et les semaines qui viennent », indiquait le SPIAC dans un communiqué diffusé jeudi soir. « L’action va continuer la semaine prochaine », précise Laurent Blois, délégué général du SPIAC-CGT. « Nous appellerons sans doute à une ou deux journées d’actions, mais au dernier moment pour éviter que des producteurs ne pratiquent le black-out et changent à l’avance leur plan de travail ».
Le syndicat annonce par ailleurs refuser « des revalorisations différenciées en fonction de la nature des programmes ». L’Union syndicale des professionnels de l’audiovisuel (Uspa) et le Syndicat des producteurs indépendants (Spi) envisagent en effet « un découplage des minima salariaux par genre pour tenir compte des spécificités économiques et d’exercice professionnel de la fiction », indiquent-ils dans un communiqué publié jeudi. Une réponse en direction de la fiction, pas vraiment du divertissement et du magazine. Il faut dire que c’est dans le secteur de la fiction que l’impact du mouvement est le plus important : un tournage à l’arrêt coûte très cher, plusieurs dizaines de milliers d’euros.
« Mais on sent que ça frémit aussi dans le flux », se réjouit le délégué général. C’est même une mobilisation « historique par son existence », comme le note l’Union nationale de défense des intermittents de l’audiovisuel (Undia), certains intermittents faisant grève pour la première fois. Mais pour l’heure, le mécontentement qui s’exprime en postproduction semble indolore. Notamment au niveau de la diffusion des émissions.
« On n’a pas l’habitude et on a peur pour nos places »
« Il n’y a aucun problème, et à ce jour nous n’avons pas d’inquiétude », notait-on jeudi chez M 6 dont une petite dizaine d’émissions figurent dans la liste des productions signalées concernées. « Nous n’avons aucun impact sur nos productions », note-t-on, aussi, chez BBC France, certains professionnels de postproduction de « Top Gear » et « Le Meilleur Pâtissier » s’étant déclarés grévistes.
« Si cela dure plus longtemps, on pourrait arriver à des retards de livraison ou à ce que certaines émissions ne soient pas à l’antenne », prévient de son côté Damien Labbé, président de l’Undia, qui pense que « les appels à la grève vont être de plus en plus suivis alors que le milieu est traditionnellement assez peu mobilisé à cause de la peur du blacklistage ». « On n’a pas l’habitude et on a peur pour nos places », admet ce monteur de « Qui veut être mon associé ? », qui a pourtant débrayé mercredi pour la première fois de sa vie.
« On la veut tous cette revalorisation, explique-t-il. J’ai commencé à travailler il y a 17 ans et j’ai toujours le même tarif, sans compter l’expérience qui n’est pas valorisée ». Il s’agissait pour lui d’aller manifester. « Plus on sera nombreux et moins on aura de risques, et la manif de mercredi nous a montré qu’on était loin d’être seuls », se rassure-t-il. Mercredi, comme lui, les dix monteurs de l’émission de M 6 ont tous arrêté de travailler quelques heures ou toute la journée, selon.
« Si les émissions de Noël sont menacées, les télés feraient peut-être bouger les lignes »
« Mais on a rattrapé, précise un autre. Le problème c’est qu’on est trop consciencieux, on a un truc à rendre et on le rend ». Pour sa part, ce qu’il devait faire en trois jours, il l’a fait en deux afin de pouvoir faire grève. Mais il a fait grève. Toute la journée, « pour monter mon mécontentement ». « Il y a quelques années, poursuit-il, dans une grosse boîte de production, on faisait beaucoup d’heures supplémentaires qui n’étaient pas payées, on l’a réclamé, ils ont booké d’autres monteurs… Toutes les productions peuvent réagir comme ça ».
Une situation qui perdure pour beaucoup, estime Damien Labbé. « En 2021, sur 2 000 des techniciens du magazine et du divertissement ayant répondu à une étude, 75 % estimaient effectuer 8 heures supplémentaires par semaine non rémunérées », souligne-t-il. « Ce n’est que du déclaratif, mais cela correspond à ce qu’on constate tous », insiste-t-il.
Seulement, faire valoir ses droits n’est pas toujours évident dans ce milieu. « Le mot d’ordre, c’est si t’es pas content, il y a du monde qui attend derrière la porte », appuie cet autre monteur pour « Les 12 coups de minuit » de TF 1. « On évite de faire des vagues, c’est sûr, il y a une certaine appréhension liée à la précarité et les productions en jouent forcément », pointe ce monteur de « Star Academy », sur TF 1. Lui, n’a pas participé au mouvement. « Ce n’est pas l’envie qui manque, je suis payé le même tarif qu’il y a quinze ans, mais si j’avais débrayé, j’aurais juste fini plus tard ce que j’avais à rendre, je ne vois pas l’intérêt », explique-t-il.
« Un débrayage de quelques heures ça s’absorbe, oui, mais ce serait plus compliqué pour les productions si ça perdurait, note Lionel qui navigue entre « Le Meilleur Pâtissier », « Top Chef » ou encore « Qui veut être mon associé ? ». Si trente monteurs s’arrêtent deux heures, ça fait soixante heures de travail de moins, ce n’est plus pareil… C’est sur la longueur que ça peut se jouer », insiste-t-il. « Il faudrait y aller plus fort, pense aussi le chargé de postproduction. Si les émissions de Noël sont menacées, là, les télés feraient peut-être bouger les lignes ».
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