Les corps sont fatigués et les visages tirés, mais on est content de se retrouver en famille. Les joueurs de l’équipe nationale du Chili avaient rendez-vous au restaurant Le Jardin pêcheur, ce samedi soir, après leur match joué à Bordeaux contre les Samoans. Une défaite (43-10), comme contre le Japon une semaine plus tôt. « Mais c’est notre première Coupe du monde. On est en apprentissage et nous posons des fondations pour pouvoir grandir ensuite », philosophe Sebastián Estrada…
Les corps sont fatigués et les visages tirés, mais on est content de se retrouver en famille. Les joueurs de l’équipe nationale du Chili avaient rendez-vous au restaurant Le Jardin pêcheur, ce samedi soir, après leur match joué à Bordeaux contre les Samoans. Une défaite (43-10), comme contre le Japon une semaine plus tôt. « Mais c’est notre première Coupe du monde. On est en apprentissage et nous posons des fondations pour pouvoir grandir ensuite », philosophe Sebastián Estrada, le directeur général de la Fédération nationale. « Et aujourd’hui, il y avait plus de 15 000 Chiliens dans le stade, j’avais l’impression de jouer à la maison. »
Joueurs, familles et supporters devant le Jardin pêcheur, ce samedi soir.
Gw. B.
C’est un peu plus qu’une impression. « La Ville de Bordeaux est en pointe sur les relations avec l’Amérique latine », pointe Céline Papin, adjointe au maire chargée des coopérations internationale, présente dans l’assemblée. « Les liens sont universitaires, économiques, notamment avec le vin… et il ne faut pas oublier la forte présence en ville de la communauté latino-américaine, notamment chilienne, qui compte plus de 2 000 représentants ».
Une forte présence ancrée dans une histoire parfois douloureuse.
Pas de billet
Christian, que tout le monde appelle « el zapatero » (il est cordonnier à Gradignan), n’était pas au stade ce samedi. « Je n’ai pas eu de billet, c’est rageant. » Du coup, il a assisté au match des Condors au village rugby, sur les quais.
« Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, je ne savais même pas qu’il y avait une équipe de rugby au Chili, et je me disais, dans mon coin : ce serait bien d’y développer ce sport. Ça collerait bien avec la mentalité combative des Chiliens. Et les voilà à la Coupe du monde, chez moi, à Bordeaux ! », s’exclame-t-il, toujours pas consolé de ne pas avoir pu être au stade.
« Mais si vous regardez bien les joueurs, poursuit-il, vous verrez que c’est encore le sport d’une élite sociale. » Une référence à une stratification tenace, où les descendants d’Européens sont en haut de l’échelle, les métis et les Indiens en bas. « Pourtant, avec les bêtes physiques qu’il y a parmi le peuple, il y aurait moyen de faire quelque chose de fort. » Il remue les doigts qui terminent ses bras musculeux : « Regardez, ce sont des mains de travailleur. Mes parents étaient pêcheurs dans un village côtier, avant de partir pour la France en 1989. » Il avait 12 ans.
Anniversaire
Ces propos sur la division sociale du pays ne sont pas anodins, alors que le Chili vient de commémorer les 50 ans du coup d’État d’Augusto Pinochet, le 11 septembre 1973, dont la dictature mit fin à l’expérience socialiste de Salvador Allende et dura jusqu’en 1990.
Pour autant, « el zapatero » préfère tenir un discours nuancé. « C’est bien d’entretenir le souvenir. Mais il ne faut pas rester non plus bloqué dessus. Les Chiliens de France ont parfois tendance à le faire. Mais au pays, ils ont su avancer. Là-bas, entre un tremblement de terre et un incendie, la vie te secoue et tu es bien obligé d’aller de l’avant. »

Sebastián Estrada, directeur de la Fédération chilienne, remet le maillot de l’équipe nationale au patron du Jardin pêcheur.
Gw. B.
Du côté du Jardin pêcheur, Sebastián Estrada a remis au patron qui les accueillait, « Pablo » (Pierre, en fait), le maillot des Condors. Ému, le patron : « Quand j’étais jeune, le Chili était très important pour moi : j’écoutais beaucoup le groupe Quilapayún. C’est pourquoi je peux reprendre leur slogan et vous dire aujourd’hui : « El equipo unido jamás será vencido » (1). Finalement, l’histoire n’est jamais loin.
(1) « L’équipe unie ne sera jamais vaincue. » Référence à « El pueblo unido… », « le peuple uni… », chant des partisans d’Allende.
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