Au meeting d’Éric Zemmour et Marion Maréchal, surenchère identitaire contre une Europe « musulmane » et les « punks à chiens »

Au début de l’après-midi, quelques minutes avant le début du meeting, les désormais habituels drapeaux de la France et pancartes « Ben voyons ! » sont déjà levés. « Marion à Bruxelles, Zemmour à l’Élysée », s’époumonent les quelque 5 000 sympathisants de Reconquête présents au Palais des Sports de Paris, ce dimanche 10 mars, pour le lancement de la campagne de la tête de liste aux européennes, Marion Maréchal. En attendant le début des discours, certains militants affluent vers les stands de goodies pour se procurer une casquette ou un pull « La France fière » contre quelques dizaines d’euros.

D’autres discutent de l’actualité politique. Ici, on parle de Fabrice Leggeri, ex-patron de Frontex et recrue du Rassemblement national pour le scrutin de juin prochain. Là-bas, des positions récentes du Parti communiste de Fabien Roussel. « Je l’ai entendu l’autre jour, j’avais pas mal de points d’accord avec lui », lance une sexagénaire à son mari. « Ah non, tout sauf lui. Ça n’a plus rien à voir avec le PCF de l’époque de Georges Marchais », lui répond-il, maîtrisant visiblement sur le bout des doigts les éléments de langage de son chouchou Éric Zemmour, qui fait régulièrement référence à l’ancien leader communiste.

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L’évènement débute donc dans une atmosphère joviale et festive, jusqu’au décompte qui introduit la première prise de parole, celle de Stanislas Rigault. Visage fermé, ton grave, le président du mouvement jeunesse du parti, Génération Z, s’avance sur la scène et demande une minute de silence…pour « les victimes de l’immigration massive, defrancocides » et d’actes « antichrétiens ». La salle s’exécute. La couleur est annoncée.

Surenchère identitaire

S’ensuivent les prises de parole des autres cadres du parti. D’abord, du numéro 2 de liste pour ces européennes et ancien des Républicains (LR), Guillaume Peltier, qui y va de sa longue diatribe contre le « grand remplacement islamique » du continent, bien « plus grave » que la crise du « pouvoir d’achat ou le réchauffement climatique ». Puis, de l’eurodéputé et ancien du RN Nicolas Bay, en croisière contre l’Europe « technocratique » du « monstre bureaucratique » Ursula von der Leyen, qui dirige une « machine à broyer les nations, les peuples et les identités ». Comme un concours de surenchère identitaire.

C’est alors au tour d’un invité de prendre le micro : Nicola Procaccini, cadre du parti Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni et coprésident du groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE) à Bruxelles – groupe dont les candidats Reconquête feront partie en cas d’élection. « Être conservateur, ce n’est pas dépendre de ce qui a été, mais vivre en fonction de ce qui est éternel », lance le responsable politique italien, fustigeant le « radicalisme laïque » d’Emmanuel Macron, coupable d’avoir introduit l’inscription de l’IVG dans la Constitution française. Et de tacler, au sujet des députés lepénistes ayant voté pour le projet de loi : « Ça témoigne de leur incapacité à résister à la gauche! »

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Vers 16 h 45, une nouvelle vidéo est diffusée sur les écrans. Des gros plans d’Éric Zemmour défilent sous les exaltations du public. Après un bain de foule ponctué d’interminables poignées de main, le candidat malheureux à la dernière présidentielle (7 % des suffrages exprimés) arrive sur scène. « Permettez que je vous dise d’abord pourquoi nous sommes réunis ici », débute-t-il. « Parce qu’on t’aime », lui crie un militant debout dans les gradins, bientôt suivi par les autres spectateurs.

Message aux pro-Frexit

Le président de Reconquête dresse alors un premier constat : le manque d’intérêt de nombreux Français pour les élections européennes. « Il suffit de prononcer ces deux mots pour que le public [… ] commence à s’ennuyer […], à « scroller » [faire défiler l’écran, N.D.L.R.] sur TikTok. Vous avez vu, j’ai bien appris! », développe-t-il sous les rires de ses ouailles. Avant d’appeler les abstentionnistes à rejoindre son mouvement : « Un électeur français sur deux ne vote pas aux européennes. […] Vous allez voir. Nous allons changer votre regard sur l’Europe et ces élections ! »

Éric Zemmour dépeint ensuite sa vision de la civilisation européenne, celle qui a donné « naissance au débat politique et à la démocratie », qui a « rendu l’humanité »adulte. Aux « wokes » et autres « punks à chiens qui considèrent l’Occident comme le mal absolu », il conseille : « Lisez quelques livres, cessez de couvrir la Joconde de sauce tomate et remerciez le ciel de vous avoir fait naître ici ! »

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Électoralisme oblige, le leader de Reconquête n’oublie pas de glisser des clins d’œil à de potentiels nouveaux électeurs, des pro-Frexit qui « ne sont pas bêtes ni fous ni conspirationnistes » aux Républicains dont « les chefs n’ont de gaulliste que la panoplie bon marché du général de Gaulle, achetée dans un magasin de farces et attrapes ». Ultime raison de voter pour la liste de son parti ? « Vous allez faire pleurer Jean-Michel Aphatie », ironise Éric Zemmour. « Ordure, crevure ! », embrayent des militants galvanisés.

« Jordan, nous ne sommes pas ennemis »

Après plus d’une heure de discours, le fondateur du parti laisse alors la place à la vraie star de l’après-midi, Marion Maréchal. Pendant qu’un écran diffuse des images du Colisée et de LaCréation d’Adam de Michel-Ange, l’ancienne députée RN commence par rappeler pourquoi elle fait de la politique : « Par amour » pour ses deux filles.

Des bases idéales pour amorcer un discours plus identitaire que jamais, entre attaques envers le président turc Erdogan et alertes sur une potentielle« guerre de civilisation » entre « deux peuples qui se font face » sur le sol français et européen. « Si nous continuons dans cette voie, c’est bien simple, deux issues s’offrent à nous : la soumission ou la conversion », prédit-elle. Des faits à l’appui de cette thèse ? « Dès la semaine prochaine et jusqu’au 9 juin, en France comme en Europe, je dévoilerai, preuves à l’appui, l’avancée fulgurante et les conséquences de l’islamisation sur notre continent », explique celle qui promet « le Grand Dévoilement ».

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Alors que sa liste demeure à la traîne dans les derniers sondages, Marion Maréchal abandonne un instant ses grandes envolées civilisationnelles pour revenir à la petite politique politicienne. Le tout en deux temps : d’abord, une claque à la liste Les Républicains. « C’est très simple, c’est 50 % de macronistes et 50 % de zemmouristes qui ne s’assument pas. À la fin, ça donne 100 % de promesses trahies », lâche-t-elle, estimant que François-Xavier Bellamy, « intellectuel de talent et élu travailleur », ne représente« que lui-même » en tant que tête de liste LR.

Mais pour le cas du RN, son ex-parti et celui de sa tante Marine, annoncée en tête du scrutin, Marion Maréchal semble déposer les armes. « Chacun connaît notre lien, c’est un lien affectif autant que politique. C’est aussi un lien intime : je sais qui je suis et d’où je viens. […] Marine, Jordan, nous ne sommes pas ennemis », martèle-t-elle, jugeant les deux partis « complémentaires » et renouvelant sa volonté de parvenir à « l’union des droites » – qu’Éric Zemmour appelait vainement de ses vœux à la présidentielle. De quoi convaincre les électeurs RN déçus de la rejoindre ? Les sondages, qui font flirter Marion Maréchal avec la ligne de flottaison des 5 % tandis que Jordan Bardella tutoie les 30 %, indiquent plutôt que c’est la dynamique inverse qui se produit pour le moment.

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