avec un dernier vol prévu mardi, l’Europe spatiale tourne la page Ariane 5 en pleine crise des lanceurs
Initialement programmé pour le 16 juin, le tir avait été reporté en raison d’une anomalie dans les lignes pyrotechniques impliquées dans la séparation des boosters, remplacées depuis.
Débuts difficiles
Le décollage sera « chargé d’émotion » pour les équipes du Centre spatial guyanais (CSG), dont la fusée a rythmé la vie durant trois décennies, confie sa directrice, Marie-Anne Clair. Ariane 5 a été « une aventure humaine incroyable », abondait le PDG du Centre national d’études spatiales (CNES) Philippe Baptiste, au salon du Bourget.
La fusée phare de Kourou a connu des débuts difficiles : elle explose juste après le décollage lors de son vol inaugural en 1996. Elle subit un autre et unique échec cuisant en 2002. Un « traumatisme » qui « nous a marqués au fer rouge », se souvient Hervé Gilibert, alors architecte du lanceur. « On a mis deux ans à revenir en vol », raconte l’actuel directeur technique du maître d’œuvre ArianeGroup.
Dès lors, Ariane 5 a enchaîné les succès. Les déboires du démarrage avaient eu « l’effet vertueux de nous maintenir dans une vigilance absolue », relève cet ingénieur.
Réputation de fiabilité
La fusée a gagné une telle réputation de fiabilité que la Nasa lui a confié son emblématique télescope James Webb, d’une valeur de 10 milliards de dollars. Ce lancement, le jour de Noël 2021, a marqué une apothéose pour celle qui envoya les sondes Rosetta sur la comète Tchouri (2004) et Juice vers Jupiter (avril 2023).
Sur le plan commercial, elle a été « le fer de lance de l’Europe spatiale », souligne Daniel Neuenschwander, directeur du transport spatial de l’agence spatiale européenne (ESA).
Douze pays ont participé à la fabrication du lanceur lourd qui prenait le relai d’Ariane 4, avec une capacité de lancement doublée : un avantage compétitif permettant à l’Europe de s’imposer sur le marché des satellites. Le Vieux Continent a aussi profité d’une « période de creux » de l’autre côté de l’Atlantique, la navette spatiale américaine « monopolisant énormément de ressources », reconnaît M. Neuenschwander.
« Aujourd’hui, poursuit-il, nous vivons exactement la situation inverse » et l’Europe se retrouve quasiment privée d’accès indépendant à l’espace.
Retards d’Ariane 6
En cause, la fin brutale de l’exploitation des fusées russes Soyouz après l’invasion de l’Ukraine, qui a fait plonger l’activité de la base de Kourou. Seuls six lancements ont eu lieu en 2022, contre 15 l’année précédente.
L’échec en décembre 2022 du premier vol commercial du lanceur léger Vega-C et les retards cumulés pour la future Ariane 6, ont aggravé la situation.
L’ultime lancement d’Ariane 5 sera suivi de longs mois de vide en attendant Ariane 6, au mieux fin 2023. Seul un tir de Vega est programmé en septembre et le retour en vol de Vega-C, prévu en fin d’année, est compromis après la détection d’une nouvelle anomalie cette semaine.
Plus puissante et plus compétitive avec des coûts divisés par deux par rapport à Ariane 5, Ariane 6 a été conçue pour résister à la sévère concurrence sur le marché des lanceurs, dominé par l’américain SpaceX, qui réalise plus d’un tir par semaine.
200 postes en moins
Plus préoccupant, elle n’est pas sûre d’assurer par elle-même le déploiement stratégique des prochains satellites Galileo, le système de navigation de l’Union européenne. « Ce sont des temps difficiles », a reconnu au salon du Bourget le directeur-général de l’ESA Josef Aschbacher, assurant que l’ensemble des acteurs « travaillent intensément » pour qu’Ariane 6 et Vega-C volent au plus vite.
Les essais pour la qualification d’Ariane 6 battent leur plein. Lors d’une « répétition générale » à Kourou le 22 juin, le lanceur a été dévoilé sur son pas de tir avant un test d’allumage du moteur Vulcain 2.1.
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