Vous étiez échevin à Ixelles et vous voilà ministre des Sports en Guinée. Qu’est-ce qui a motivé cette nouvelle vie?
« En Belgique, on ne meurt pas de faim. En Guinée, la pauvreté est très présente. Il y a un vrai souci. Les jeunes fuient le pays pour tenter leur chance ailleurs, avec tous les dangers que cela comporte : être réduit à l’esclavage en Libye ou mourir en mer. Je me suis posé les bonnes questions. La Belgique m’a permis d’acquérir une grande expérience, notamment en travaillant au contact des gens dans ma commune. Il fallait que je la mette à la disposition de mon pays d’origine afin de pouvoir l’accompagner dans son développement et aider la jeunesse. »
En 2020, vous remontiez sur le ring à Bruxelles pour récolter des fonds pour Fight for Africa, afin de créer des centres de formation en Guinée et d’offrir un véritable avenir aux jeunes. Trois ans après, vous avez atteint votre objectif?
« L’idée était de montrer à la jeunesse que rien n’est impossible. Qu’on peut atteindre un but et être heureux en trouvant de la motivation et de la détermination. Qu’on peut aussi se développer sur le continent africain. J’ai reçu la chance de pouvoir revenir en Afrique et d’être moi-même un acteur du développement. Aujourd’hui, je travaille sur l’autonomie des jeunes pour les aider à s’épanouir. Je mets des outils en place pour qu’ils puissent se stabiliser dans leur région, avec leur famille. L’union fait beaucoup plus que la force. Actuellement, nous sommes à 50 % des réalisations prévues, nous transformons les villes. Quand je suis arrivé, de nombreuses émeutes déchiraient le pays. C’était la conséquence du désespoir local. Les jeunes ne disposaient même pas de lieux pour se défouler. Là est le danger : si vous abandonnez les gens, ils se révoltent et tombent dans la violence. Il faut les comprendre, leur tendre la main, leur permettre d’avoir des espaces. De nos jours, le gouvernement investit pour la jeunesse. »
Quelle est la situation en Guinée?
« Elle revient de loin. C’est un pays qui, en 1958, a dit «non» à la France et s’est retrouvé complètement isolé. La Guinée a même été placée sous embargo. De tous les pays francophones, c’était le seul à prendre son indépendance. Pour s’en sortir, il fallait que la Guinée devienne autonome. Nous en sommes maintenant au troisième gouvernement de transition. En deux années, nous avons réalisé ce que les gouvernements élus soi-disant démocratiquement n’ont jamais fait en plus de dix ans. »
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Les violences ont réellement disparu?
« Oui. Auparavant, beaucoup de manifestations étaient des stratégies de parti qui n’avaient qu’un but : pousser des gamins à descendre dans la rue. Les jeunes y voyaient l’opportunité d’aller chercher un peu d’argent, notamment en pillant des marchés. Ce n’étaient pas des manifestations, mais de la délinquance pure. De nos jours, tout cela est loin parce que nous travaillons avec ces jeunes. Nous les accompagnons sur le terrain. »
Quel est le pouvoir en place? Repose-t-il sur un semblant de démocratie?
« Si le gouvernement de transition n’était pas considéré comme démocratique, nous ne serions pas accompagnés par les institutions internationales. Or, celles-ci sont toutes représentées en Guinée. Elles nous accompagnent dans tous les projets mis en place pour aller vers une transition juste et équilibrée. L’objectif est qu’il n’y ait plus jamais de transition. Il faut d’abord de vrais fichiers électoraux. Auparavant, les citoyens décédés continuaient à voter et des gamins de 15 ans déposaient des voix dans les urnes! La Guinée était loin de la démocratie! Encore un autre exemple : avant, les Guinéens ne disposaient pas de carte d’identité. Aujourd’hui, oui. Nous travaillons avec la biométrie (l’ensemble des techniques informatiques permettant de reconnaître automatiquement un individu à partir de ses caractéristiques physiques, biologiques, voire comportementales). »
Et la pauvreté? Que fait le gouvernement pour aider une population aux abois?
« On ne peut pas tout changer en un jour. Ça prend du temps. Mais nous avons déjà réussi à améliorer le sort des Guinéens. »
Dans les rues, on voit que vous êtes aimé et respecté.
« L’essentiel est de ne jamais oublier d’où l’on vient, de ne pas prendre les gens de haut. Je ne suis pas une personne supérieure, je suis comme tous les Guinéens : à la recherche d’une vie meilleure pour le peuple. Je parle toujours d’égal à égal. Nous sommes tous des êtres humains. La proximité nous aide à convaincre, comme jadis dans les rues d’Ixelles. »
Vous n’avez pas oublié votre passé de boxeur. Vous avez offert gracieusement aux jeunes Guinéens des combats internationaux avec des acteurs renommés tels que Shane Mosley ou Rashida Ali (la fille de Muhamad Ali). Une initiative qui porte visiblement ses fruits.
« Parce qu’on a tendu la main aux jeunes! Ils ont besoin de rêver et on veut leur prouver que tout est possible, que l’Afrique est capable de monter des grands projets avec des partenaires privés qui investissent dans ceux-ci. La vie est un combat de tous les jours et rien n’est plus symbolique que la boxe : il faut se lever et lutter, sans jamais abandonner, pour réaliser ses rêves. Le vrai problème en Guinée est le manque de structures. Nous devons être un vrai service public. Quand je suis arrivé ici, j’ai découvert que certains se l’appropriaient. »
Comment envisagez-vous de promouvoir le développement sportif à l’échelle nationale, compte tenu de votre expérience antérieure au niveau local?
« Le problème de l’Afrique est qu’elle ne dispose pas d’infrastructures de qualité pour éduquer les jeunes au sport, dès leur plus jeune âge, afin de leur offrir du haut niveau. Regardez les gamins qui jouent au football dans les rues: pour eux, il n’y a pas de terrains. Actuellement, nous construisons une vingtaine de terrains de proximité mis en place avec des maisons de jeunes, mais également de vrais stades de football qui puissent être homologués au niveau international. Ce sont des défis énormes qu’on doit relever en deux ou trois années. »
Quels sont les grands événements que vous envisagez pour la jeunesse en Guinée?
« Nous avons déjà commencé par ce grand événement pugilistique que vous mentionniez, avec des champions olympiques, mais aussi par plusieurs championnats d’Afrique, avec des ceintures continentales africaines WBA. Une grande première. Cette ceinture existe aux États-Unis, en Asie ou en Europe, mais pas en Afrique, alors que la plupart de leurs champions sont du continent africain. Nous avons montré que nous étions capables d’y organiser un grand événement, et plus particulièrement en Guinée. Nous poursuivrons dans cette voie en 2024. »
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Pensez-vous à la présidence ou à revenir un jour dans la politique belge?
« Honnêtement, non. Je ne veux pas mentir : la présidence, je n’y pense pas du tout. Faisant partie du gouvernement, je vois ce que cela représente. C’est lourd et ça prend beaucoup d’énergie. Je préfère être dans les rues pour parler aux gens, comme je l’ai fait jadis à travers ma fondation, mes ASBL et même mes combats. Enfant, je n’aurais jamais imaginé devenir un jour ministre de la République. Ou même être un parlementaire belge élu pendant presque vingt ans. Ce sont les citoyens qui m’ont offert tout ça. »
Votre fils, Ibrahima Diallo, boxeur également, entame maintenant une carrière au cinéma.
« J’ai découvert son film «Numéro dix» en projection privée en Guinée. J’ai été époustouflé. J’avais toujours dit à mon épouse, depuis l’enfance, qu’il était doté d’une fibre artistique. L’école, ce n’était pas son truc, c’est un comédien-né (rires)! »
Une importante explosion s’est produite il y a quelques mois dans le plus important terminal pétrolier de Conakry. Faut-il y voir un acte terroriste ou criminel?
« Une réserve de carburant malheureusement très proche de la ville a explosé durant la nuit. Un attentat est impossible. Le terrorisme n’a pas atteint notre territoire. »
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