Entouré de montagnes et caché par des arbres, un sac aux couleurs du drapeau de la Colombie (jaune, bleu et rouge) posé à ses pieds, Daniel récolte par poignées les feuilles de coca sous une chaleur moite. Localement, on l’appelle el raspachin, du verbe raspar en espagnol, qui signifie « raser ». Car il fait partie de ceux qui « rasent » les arbustes où poussent les feuilles de coca. Mélangées à d’autres produits, elles deviendront vite de la cocaïne, drogue de plus en plus consommée en France. Et dont voici l’itinéraire.
Premier pays producteur de cocaïne au monde
Tout commence là où travaille notre personnage fictif, Daniel, dans le Nord Santander, département de Colombie frontalier du Venezuela. Avec les départements de Narino et Putumayo, au sud du pays, près de l’Équateur, ils concentrent 65 % des cultures de coca de Colombie.
Un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Unodc) publié le lundi 11 septembre 2023 montre que la Colombie est toujours, de loin, le premier pays producteur de cocaïne au monde. Elle a même battu son record de production en 2022, avec 230 000 hectares de plantations.
Une fois cueillies, les feuilles de coca sont portées jusqu’à un laboratoire, lui aussi dissimulé dans la forêt, puisque cette activité est illégale en Colombie. Les feuilles sont alors broyées puis mélangées à toutes sortes de produits chimiques (essence, acide, ciment…). Le tout finit par former un liquide, puis une pâte et enfin de la poudre. On peut voir ce processus dans cet extrait d’un reportage de Complément d’enquête, émission de France 2 :
L’essentiel du trafic de cocaïne à l’échelle mondiale passe par la voie maritime. Pour parvenir jusqu’aux ports, la drogue voyage sur les routes, dans les airs, via des vols clandestins de petits avions transportant quelques centaines de kilos de cocaïne, ou encore sur l’eau, notamment à bord de péniches entre le Paraguay et l’océan Atlantique.
Les feuilles de coca récoltées par Daniel, désormais transformées en drogue, arrivent au port de Carthagène, sur la côte des Caraïbes, au nord de la Colombie, par la route. À quelques kilomètres du très touristique centre historique de Carthagène, entouré de remparts, dans le port, deux tonnes de cocaïne sont chargées dans un conteneur à bananes, à destination de l’Europe. La drogue est à peine dissimulée dans des paquets. Plusieurs intermédiaires sont payés grassement pour fermer les yeux et laisser la cocaïne embarquer pour un long trajet à travers l’Atlantique.
La technique du « rip-off »
Comme déjà vu lors de saisies, la drogue peut être cachée dans les parois d’un porte-conteneurs, dans la coque d’un navire, ou encore au milieu de produits importés en Europe (bananes, crevettes, craie, meubles dans un conteneur de déménagement…). C’est la technique du rip-off : faire voyager de la drogue dans une cargaison licite.
Comme on le voit sur la carte suivante, présentant les principaux flux de trafic entre 2018 et 2021, sur la base des données de l’Unodc, la cocaïne part essentiellement d’Amérique du Sud pour l’Amérique du Nord et l’Europe. Cette dernière est le deuxième continent le plus consommateur, avec une explosion depuis 2012.
La cocaïne interceptée en Europe provient le plus souvent du port de Santos, au Brésil, des ports colombiens de Carthagène et Buenaventura, ou encore de Guayaquil, en Équateur, rapportent l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) et les Nations unies (Unodc).
D’autres voies sont utilisées pour expédier la cocaïne en Europe. Le phénomène des mules, qui transportent la drogue dans leurs bagages et dans leur corps sur les vols commerciaux entre la Guyane (région française située en Amérique du Sud) et les aéroports franciliens, a pris de l’ampleur au cours de la décennie 2010, avec jusqu’à 1 349 mules interpellées en métropole ou en Guyane en 2018. Des jets privés peuvent être aussi, par exemple, utilisés. Mais les conteneurs maritimes ont l’avantage, pour les trafiquants, d’être peu contrôlés.
Le port du Havre, principale porte d’entrée en France
Un mois plus tard, et après plusieurs arrêts au Panama ou encore aux Canaries, en Espagne, le porte-conteneurs parti de Carthagène avec à son bord les deux tonnes de cocaïne colombienne dissimulées dans une cargaison frigorifique de bananes, arrive au port du Havre, en France.
Si le port d’Anvers, en Belgique, représente la principale porte d’entrée de la cocaïne en Europe, le premier port français d’arrivage de cocaïne est celui du Havre, avec plus de 10 tonnes interceptées en 2021, un niveau record. Pour comparaison, à Anvers, en 2022, près de 110 tonnes ont été saisies.
La complicité de quelques agents portuaires permet de décharger les deux tonnes de cocaïne du conteneur et de les sortir du port du Havre. Selon une enquête de 76Actu en 2020, ces agents, souvent des dockers, chargés par le port de réceptionner sur terre les cargaisons, sont payés par les trafiquants des dizaines de milliers d’euros pour faciliter le passage de cocaïne.
Plusieurs camions réceptionnent ensuite chacun plusieurs centaines de kilos. Là encore, le panel des possibilités de dissimulation de la drogue est grand, allant du camion transportant des palettes de carrelage entre deux pays européens au box pour chevaux.
La drogue est enfin livrée à des grossistes, qui eux-mêmes la revendent à des semi-grossistes, qui ensuite la vendent à des détaillants… Elle parvient ainsi jusque dans les petites villes françaises et européennes. En France, on compte désormais 2,1 millions de personnes ayant expérimenté la cocaïne et 600 000 usagers dans l’année.
Crédit: Lien source


Les commentaires sont fermés.