Deux anciens militaires, un homme et une femme, et trois autres prévenus sont jugés à partir de ce lundi devant le tribunal correctionnel de Lille dans une affaire peu commune de trafic de stupéfiants entre la Guyane et Paris. Le premier est accusé d’avoir transporté à trois reprises de la cocaïne en profitant de son statut dans l’armée française pour échapper aux contrôles douaniers. Il aurait été « recruté » par une collègue, soupçonnée d’avoir agi au bénéfice d’un réseau de trafiquants faisant partie de ses connaissances.
Le 12 juin 2015, David R. s’apprête à s’envoler à bord d’un Airbus militaire au départ de Cayenne (Guyane) et à destination de Paris – Charles-de-Gaulle. Adjudant et chef de cabine dans l’armée de l’air, rattaché à la base de Creil (Oise), il est un habitué des vols transatlantiques entre la métropole et cette collectivité territoriale française limitrophe du Brésil et du Suriname.
Ces derniers mois, il en a déjà effectué plusieurs après avoir insisté auprès de sa hiérarchie pour être inscrit au planning à certaines dates bien précises. Il connaît l’aéroport de Cayenne, les zones de contrôle comme les comportements suspects des nombreuses « mules », ces hommes et ces femmes qui ingèrent des ovules de drogue avant de monter dans l’avion. Mais David R., 42 ans, dont 23 dans l’armée, semble très nerveux ce jour-là et sa valise bien lourde. De manière tout à fait exceptionnelle lorsqu’il s’agit d’un militaire, les douaniers de l’aéroport décident de procéder à un contrôle. Bonne pioche. Ils découvrent 27 kg de cocaïne pure à 49 %, répartis en 26 pains.
Appâté par une somme de 30 000 euros
Entendu en retenue douanière, David R. commence par nier les faits, affirme qu’il n’était pas au courant du contenu de son bagage puis reconnaît avoir transporté les stupéfiants sous la menace d’un inconnu qui l’aurait abordé et menacé un mois plus tôt. Dans sa voiture garée sur le parking de Roissy – Charles-de-Gaulle, la police découvre une somme de 23 000 euros conditionnée sous la forme de liasses cellophanées. En garde à vue, le suspect change de registre.
Cette fois, il met en cause l’une de ses collègues, caporal, qui travaille dans le même escadron. Celle-ci lui aurait proposé de gagner de l’argent facilement en réalisant un transport de colis depuis la Guyane vers la métropole. Appâté par une somme de 30 000 euros, David R., père de deux enfants, englué semble-t-il dans une séparation difficile, reconnaît avoir accepté la proposition.
Il se serait retrouvé ensuite au domicile de sa collègue, Nackhla B., en présence de deux de ses amis, originaires comme elle du même quartier de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Nul besoin d’expliciter les dessous du projet : David R. aurait rapidement compris qu’il s’agissait de transporter des produits stupéfiants.
Un premier voyage se déroule fin janvier 2015 de manière tout à fait fluide. Présent à Cayenne dans le cadre de ses activités professionnelles, le militaire se fait remettre un paquet dans sa chambre d’hôtel. Arrivé en métropole, il se rend directement au restaurant McDonald’s de Senlis (Oise), conformément aux instructions transmises en amont par ses donneurs d’ordre. En guise de récompense, David R. aurait perçu une somme de 10 000 euros. Un autre voyage du même type se déroule en mars de la même année, suivi de deux autres tentatives avortées, avant l’ultime projet du mois de juin.
Les commanditaires identifiés
Le 16 juin 2015, David R. est mis en examen pour transport, détention et tentative d’exportation de stupéfiants, exportation en contrebande et association de malfaiteurs. Il effectue sept mois de détention provisoire avant d’être placé sous contrôle judiciaire. Sa collègue Nackhla B. connaît un sort analogue, mise en examen pour complicité. Mais elle nie en bloc, en dépit de plusieurs éléments à charge, dont ses liens avec les commanditaires présumés, et émet l’hypothèse, pour sa défense, que David R. chercherait à l’incriminer pour protéger d’autres personnes.
Dans ce dossier sensible, les trois commanditaires (dont deux frères) ont finalement été identifiés après quatre ans de procédure. Déjà apparus dans plusieurs affaires de stupéfiants, ils sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Lille pour transport, détention, acquisition et importation de stupéfiants.
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« David R. n’a rien caché du rôle qui a pu être le sien dans cette affaire, explique son avocate Me Saphia Benhamida. Il souhaite juste tourner la page, huit ans après les faits. La difficulté, c’est que tous les autres protagonistes contestent tout en bloc, notamment son ex-collègue de l’armée qui n’a jamais admis l’avoir approché. Ce dernier point me semble être l’enjeu principal du procès. »
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