Émeutes en Guyane : les proches de Carl Tarade, abattu sur son balcon, veulent que « justice soit rendue »
« Je veux que l’on pense le plus possible à mon père, qu’il ne soit pas oublié. » Émeraude, 20 ans, se bat pour la mémoire de son père Carl Tarade, 54 ans, mortellement touché par un tir le 29 juin, lors des émeutes à Cayenne (Guyane), qui ont éclaté après la mort du jeune Nahel, tué par un policier le 27 juin à Nanterre. Il s’agit du premier décès survenu en marge de ces violences urbaines, avant la mort d’un homme de 27 ans à Marseille dans la nuit du 1er au 2 juillet.
Carl Tarade, père de deux enfants, se trouvait dans son appartement situé au rez-de-chaussée d’une résidence de la cité Stanislas, qui fait face à celle de Mont Lucas, où de violents affrontements entre des jeunes et la police ont éclaté. Inquiet à l’idée de voir sa voiture être incendiée, cet assistant contrôleur à la CTG (collectivité territoriale de Guyane) au service de démoustication de Cayenne sort sur son balcon, peu avant minuit. C’est à ce moment-là que des tirs éclatent dans la rue. Carl Tarade s’effondre, touché au thorax, vraisemblablement par une balle perdue.
« Mourir chez soi, c’est impossible »
Sa fille aînée, Émeraude, a déposé plainte contre X pour homicide volontaire le 3 juillet. La jeune étudiante en droit à Nanterre (Hauts-de-Seine) était arrivée à Cayenne quelques jours avant le drame, pour passer l’été auprès de ses proches. Elle se trouvait chez sa mère, ce jeudi 29 juin, lorsqu’elle a reçu un appel de sa cousine, une secouriste dépêchée sur les lieux. Elle apprend que son père a été atteint par une balle.
Émeraude se précipite au domicile de son père, et tombe sur une scène d’horreur. Des traces de sang maculent l’appartement. Son père est décédé après avoir tenté, en vain, d’ouvrir la porte aux secours.
« Je fais ce que je peux pour rendre justice à mon père », nous confie Émeraude, malgré la douleur, une semaine après le drame. « Ça n’aurait jamais dû arriver. Mourir chez soi, où on se sent en sécurité, c’est impossible », souffle Véronique, la compagne de Carl Tarade, contactée par nos soins. Elle aussi a déposé plainte. Quand son conjoint a été tué, elle se trouvait à Versailles (Yvelines), où le couple vivait une partie de l’année.
« Nous avions notre vie, nos habitudes. Ce matin-là, je pensais tout simplement me réveiller (cinq heures de décalage horaire séparent la Guyane de la métropole) et lui parler sur Skype, comme tous les jours », raconte Véronique, très émue. À la place, les derniers messages envoyés par son compagnon, « il était épuisé et il avait peur ». Au bout du fil, Émeraude lui apprend que « papa est mort, il a pris une balle ». Sous le choc, Véronique s’envole pour la Guyane moins de deux jours après les faits.
L’enquête, ouverte pour homicide volontaire, a été confiée à la police judiciaire de Cayenne. Des rumeurs ont un temps circulé, soutenant que Carl Tarade aurait été touché par une balle tirée par un policier qui tentait de disperser la foule. Mais lors d’une conférence de presse donnée le 30 juin, Philippe Jos, directeur territorial de la police nationale en Guyane, a balayé cette version. « Il n’y a aucune ambiguïté sur la provenance du tir, a-t-il martelé. Aucune arme létale n’a été utilisée par les forces de l’ordre ce soir-là (jeudi 29 juin), seulement des lanceurs de balle de défense (LBD) et du gaz lacrymogène. »
Un tir « destiné aux policiers »
Le préfet de Guyane, Thierry Queffelec, a affirmé lors d’un point presse donné au lendemain du drame que le tir à balle réelle qui a visé Carl Tarade « était destiné aux policiers ». « Plusieurs tirs d’arme à feu à balle réelle ont visé les policiers (jeudi) soir à Mont-Lucas », a ajouté le directeur territorial de la police nationale, Philippe Jos. Mais les policiers étaient-ils visés par les émeutiers, ou gênaient-ils un trafic de stupéfiants ? « Au moment du tir, les émeutiers avaient été dispersés. La situation était stabilisée », précise au Parisien une source proche de l’enquête.
Carl Tarade vivait dans un quartier populaire, où se dressent quatre barres d’immeuble, avec des coursives dans lesquelles il est facile de se cacher. « Il y a régulièrement des incidents à cet endroit-là. C’est un endroit où les forces de l’ordre ont déjà essuyé des tirs », souligne le procureur de la République de Cayenne, Yves Le Clair, interrogé par Le Parisien. « Cette affaire est emblématique de la dangereuse circulation des armes à feu en Guyane, et en Amérique du Sud en général. »
Pour Me Jérôme Gay, avocat de la famille de Carl Tarade, les émeutes qui secouent la France depuis la mort de Nahel sont directement responsables du drame. « Sans réforme législative rapide de la loi de 2017 sur l’usage des armes à feu par les policiers, il va y avoir d’autres morts. Si Nahel n’avait pas été abattu, il n’y aurait pas eu d’émeute. Sans émeute, Carl Tarade serait toujours en vie », regrette le pénaliste au barreau de Cayenne.
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