Félix Tshisekedi s’enfonce dans le déni sur le front de l’est — La Libre Afrique

Bain de foule de Nangaa, attaque contre Kabila, une homélie qui cogne dure et la désignation historique d’une Première ministre, un week-end pascal sous haute tension à Kinshasa

Quarante jours après la démission du Premier ministre Sama Lokonde, le président congolais Félix Tshisekedi a désigné, ce 1er avril, Judith Suminwa Tuluka, une quinquagénaire originaire du Kongo central et issue de son parti l’UDPS, à la tête de l’exécutif congolais.

Madame Suminwa Tuluka est diplômée de la faculté économique de Mons (comme Guylain Nyembo, le directeur de cabinet du président). En RDC, avant d’entrer en politique, Mme Suminwa Tuluka a fait ses premières armes dans le monde bancaire avant de s’engager pour les Nations unies, au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), en tant qu’experte nationale dans un projet d’appui communautaire à l’est du pays.

Je sais que la tâche est grande, les défis sont immenses, mais ensemble […] on y arrivera”, a-t-elle expliqué dans sa première sortie publique sur les antennes de la télévision nationale (RTNC) peu après l’annonce de sa nomination. Elle a ajouté : “Je suis consciente de la grande responsabilité qui est la mienne”, disant vouloir œuvrer “pour la paix et le développement” en RDC, pour « que le peuple congolais puisse bénéficier des ressources” du pays.

Moment très tendu

La première femme cheffe de gouvernement en République démocratique du Congo s’installe à la primature dans un climat de tensions sécuritaires et politiques exacerbée par la crise à l’est du pays.

« On ne congolise pas des Congolais ». Entretien exclusif avec Corneille Nangaa

En effet, Félix Tshisekedi, qui avait promis depuis son arrivée au pouvoir en 2019 de ramener la paix dans son pays, ne parvient toujours pas à infléchir la marche en avant des hommes de l’Alliance Fleuve Congo dirigée par Corneille Nangaa qui, à la veille des fêtes de Pâques, s’est offert un bain de foule à Kiwanja, dans le territoire du Rutshuru dans le nord Kivu. Une communication qui a fait mal au narratif de Kinshasa qui consiste à amenuiser le poids de cet homme et de son organisation sur le front de l’est.

Sur le terrain, l’AFC continue de progresser face à une armée congolaise mal payée, indisciplinée et mal équipée qui fuit le combat. Les troupes envoyées par trois pays de l’Afrique australe (Tanzanie, Malawi et Afrique du Sud) n’y changent rien. Un constat qui vaut aussi pour les volontaires congolais (wazalendo), souvent issus des mouvements rebelles de la région, qui ne disposent d’aucune formation et sont incapables de s’intégrer dans un quelconque dispositif militaire. “Les incidents entre la population et les wazalendo ou entre l’armée congolaise et ces wazalendo sont de plus en plus nombreux”, indique un membre de la société civile du Nord-Kivu qui demande à conserver l’anonymat et qui ajoute : “le comportement de ces militaires congolais et des wazalendo fait le jeu de l’AFC qui se comporte généralement mieux à l’égard de la population civile”.

Félix Tshisekedi, lui, enfermé dans son déni de toute responsabilité dans la reprise des violences dans l’est sous son premier mandat a continué à accuser le Rwanda mais aussi d’autres pays voisins et la communauté internationale d’être les responsables de la crise majeure que traverse aujourd’hui la RDC.

Parallèlement à cette sortie, le secrétaire général de l’UDPS, le parti présidentiel, a pointé, lui, un doigt accusateur en direction de l’ancien président de la République Joseph Kabila, présenté, à son tour, comme l’un des responsables de l’actuelle instabilité à l’est du pays. “Joseph Kabila a discrètement quitté le pays car il est responsable de la situation d’insécurité actuelle au Nord-Kivu”, a ainsi déclaré Augustin Kabuya. Présent jusqu’au début du mois de janvier en RDC, Joseph Kabila ne s’est pas présenté à la cérémonie d’investiture de Félix Tshisekedi le 20 janvier dernier, expliquant dans une missive qu’il avait dû s’absenter pour se concentrer sur ses travaux académiques à Johannesburg, en Afrique du Sud. Une lettre qui a suscité de gros remous dans les premiers cercles du pouvoir et de la sécurité à Kinshasa où personne ne sait expliquer comment l’ancien chef de l’État a pu quitter sa ferme de Lubumbashi sans qu’aucun service ne s’en aperçoive. “Il ne voulait pas déranger”, explique, un rien narquois, un proche du “raïs” qui prétendait, quelques jours avant cette accusation du chef du parti présidentiel, que “Joseph Kabila va bientôt rentrer au pays. Il le fera savoir publiquement”.

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Message choc du cardinal

Pour couronner cette non-trêve pascale, le pouvoir congolais, aux abois, a aussi dû affronter une homélie sévère et très politique du cardinal Ambongo lors de la messe de Pâques. Le cardinal n’a pas hésité à parler de la RDC comme “un État à l’agonie. Un grand malade dans un état comateux”, un pays “sans armée pour défendre son intégrité” territoriale. Il a aussi évoqué le passage de plusieurs personnalités de l’ancienne majorité dans les rangs de l’AFC : “Nous pouvons les traiter de traîtres, ils ont pris la cause de l’ennemi, mais la question de fond, c’est pourquoi ces gens ont-ils agi de cette manière-là ? C’est parce qu’au niveau d’ici, nous continuons à poser des gestes qui blessent les autres, qui fragilisent la communion nationale, qui excluent”.

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