Gilles Kepel : « Sur la question migratoire, nos partenaires d’Afrique du Nord ont aussi une responsabilité »
Publié le 24 sept. 2023 à 14:06Mis à jour le 24 sept. 2023 à 16:12
« La volonté d’une très grande inclusion ». Invité du « Grand Rendez-Vous » Europe 1 – CNews – Les Echos dimanche matin, au lendemain de la venue du pape François à Marseille , c’est avec ces mots que l’essayiste et orientaliste Gilles Kepel a jugé les positions du souverain pontife sur la question migratoire, qui a déploré que « la Méditerranée soit devenue le tombeau de la dignité » et a exhorté l’Europe à mieux accueillir les migrants. Pour lui, ce message, qui fait parfois polémique face aux politiques de fermeté prônées par les pays européens, doit se lire dans un contexte de « compétition avec l’évangélisme protestant […] qui est en train de lui tailler des croupières en Amérique latine et le concurrent en Afrique qu’est l’islam ».
« Il est très important de montrer que l’Eglise catholique […] a une vision du monde qui s’adresse aux populations du Sud en croissance démographique » décrypte-t-il. Pour ce spécialiste du monde arabe, « il faut voir la question dans sa totalité » sur les sujets migratoires, et s’interroger sur « comment sont arrivés les migrants à Lampedusa […] et ce qui s’est passé du côté des autorités tunisiennes ». « On est dans une logique où nos partenaires d’Afrique du Nord aussi ont une responsabilité » estime-t-il.
Interrogé sur la menace terroriste aujourd’hui, celui qui étudie depuis quarante ans les mécanismes de l’islamisme radical en France, juge que « l’on est confronté à un nouveau défi, il ne faut pas baisser la garde », évoquant, malgré le recul d’une organisation structurée comme Daech, « une atmosphère ».
« Eclatement du pays »
Alors que des manifestations contre « les violences policières » se sont déroulées ce samedi, Gilles Kepel a pointé « le discours d’un certain nombre de politiciens » qui « assignent une partie de la population dans une entité de victimes nécessaires (..). pour récupérer des voix ». « Ce qui m’inquiète c’est la légitimation de la violence contre la police ».
Alors que ce lundi débute à la cour d’assises spécialement constituée de Paris le procès de l’affaire de Magnanville , où deux policiers ont été tués à leur domicile, en 2016, par un assaillant – aujourd’hui décédé – se revendiquant de Daech, Gilles Kepel a jugé « ce procès important » car il se situe « à l’articulation entre Daech et des individus qui passent à l’acte ». « Il est important pour comprendre la logique de cette violence » estime-t-il, alors qu’il avait été lui-même inscrit sur la liste des personnes visées par le meurtrier.
Face aux tensions dans la société, il s’est dit « très préoccupé sur la façon dont fonctionne et est mené le débat démocratique aujourd’hui » . « La démocratie veut dire que nous formons un peuple » a rappelé l’universitaire, « et là je crains un basculement qui fait passer ce qui nous divise avant ce que nous avons en commun » avec un risque « d’éclatement du pays » et de tendance au « séparatisme ».
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