Guerre, torture, viols et catastrophe humanitaire dans l’Est de la République démocratique du Congo

Ce conflit dure depuis trente ans, sur fond de rivalités ethniques et de pillage des ressources minières.

Un afflux de blessés inédit dont désormais des femmes et des enfants

Il est allongé sur le lit, les yeux figés, des bandages sur tout le corps. Les éclats d’obus lui ont traversé les reins, emporté une partie du système digestif, le système urinaire, arraché la main. C’est un Wazalendo, des milices d’autodéfense qui combattent avec l’armée congolaise.

Dans la salle, il y a des combattants, et des civils, tous ont été touchés à l’arme lourde, comme cette femme dont une partie de la boite crânienne a été arrachée lors de l’explosion d’un obus de mortier. À l’hôpital NDosho, le personnel est effaré. On n’a jamais vu un tel afflux de blessés. Sidibé est le chirurgien en chef de l’équipe de la Croix Rouge Internationale : « La nature des blessures a changé parce qu’avant on avait des blessures par balles. Là, on parle des obus, on parle des mines anti personnelles, on parle des mines antichars. Ce sont des blessures très graves. Avant aussi, la majorité des blessures concernait des hommes. Mais aujourd’hui, on commence à avoir des femmes enceintes et des enfants, une dizaine d’enfants que nous avons hospitalisés et opérés. »

Il y a quelques jours, l’équipe a amputé un bébé de trois mois, la jambe déchiquetée par une explosion.

Les Enjeux internationaux

11 min

Goma encerclée et 1,5 million de personnes à la dérive

Les combats sont tout près. Ils font rage à Saké, le verrou de Goma, à 20 km de la capitale du Nord-Kivu. Tous les accès sont désormais bloqués, Goma encerclée. De toute la région, la population fuit les combats et se rapproche de la ville. Les camps de réfugiés sont saturés, les campements sauvages se multiplient le long des routes, avec des tentes par milliers. Un million et demi de personnes sont à la dérive.

« Je suis arrivé ici en quittant Karouba, lorsque le M23 est arrivé chez nous. J’avais tellement peur. Ils kidnappaient les pères, les mères étaient violées, ils tuaient les jeunes. » raconte Gemsi. Et d’ajouter : « J’avais 50 dollars d’économie et j’ai embarqué ma grande famille. Mais sur la route, on est tombé sur les combattants du M23. Ils m’ont frappé, torturé et ils ont violé les femmes qui étaient avec moi. » Gemsi vit réfugié dans le camp de Bulengo, sous une tente dont la bâche ne protège plus de la pluie. L’aide ne suffit pas : il a droit à trois rations pour une famille de 8 personnes. Partout, les mêmes histoires, partout les mêmes yeux sidérés, la terreur, la faim.

Le camp de Bulengo, près de Goma, au Nord-Kivu.
Le camp de Bulengo, près de Goma, au Nord-Kivu.

© Radio France – Eric Audra

Cultures Monde

58 min

« La guerre est là. On a tellement peur »

Espérance, elle, a quitté Karuba quand les tirs et les explosions ont retenti à proximité du village :

« Sur la route, en fuyant pour arriver ici, à Kanyaruchina, j’ai perdu deux de mes enfants et aussi mon mari. Au bout de deux mois, j’ai appris que mon mari avait été tué, mais je n’ai jamais retrouvé mes enfants. Cela fait deux ans que je n’ai aucune nouvelle d’eux. J’ai perdu mes enfants et aussi mes chèvres, mon bétail, et je suis ici. »

Autour d’elle, la foule. À ses pieds, un enfant a la peau rongée par une maladie. Livrés à eux-mêmes, les enfants errent dans les champs voisins, pour voler de la nourriture. Et pour les femmes, obligées de sortir en forêt pour chercher du bois de chauffe, c’est l’enfer du viol, que 80% d’entre elles ont subi. Et à plusieurs reprises.

« On est venus ici pour fuir le M23 qui a créé tout ce chaos. On a fui les armes et la guerre. Mais ici aussi, on entend chaque jour les bombes, les armes. La guerre est là. On a tellement peur. S’il vous plaît, faites-leur comprendre qu’il faut qu’ils arrêtent de se battre. »

Chaque jour, de nouveaux réfugiés arrivent. Chaque jour, la pression s’accroit sur Goma, quasiment coupée du reste du pays. Les rebelles sont sur les flancs du Nyiragongo, le gigantesque volcan qui domine la ville. Goma qui continue pourtant à vivre, sillonnée par les convois de militaires congolais aidés par les soldats sud-africains, les milices armées, les mercenaires occidentaux, le long des eaux calmes du lac Kivu, comme sourdes au fracas de la guerre.


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