Publié le 18 déc. 2023 à 13:02Mis à jour le 18 déc. 2023 à 18:08
La croissance mondiale bat de l’aile, et l’Amérique latine et les Caraïbes ne dérogent pas à la règle. En 2023, le PIB de la zone ne devrait augmenter que de 2,2 %, et s’établir à 1,9 % en 2024, selon les projections de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepal), dans un rapport dévoilé jeudi dernier.
Dans le détail, la croissance sud-américaine subit le coup d’arrêt le plus marqué : 1,5 % en 2023 contre 3,8 % l’année dernière. Des chiffres décevants dus au ralentissement de « l’effet de rattrapage du Covid », « des cours de matières premières moins porteurs », alors que l’Amérique du Sud est une région exportatrice, et « un manque de confiance politique, notamment au Chili, au Pérou et en Colombie », estime Jean-Louis Martin, économiste et chercheur associé à l’Ifri.
Faiblesses structurelles
Il note néanmoins le résultat bien meilleur qu’espéré du Brésil, qui pourrait avoisiner les 3 % de croissance en 2023, alors que les observateurs penchaient plutôt pour 1 % en début d’année. Quant à l’Argentine, « on ne sait pas du tout ce qu’il va se passer », pronostique prudemment le chercheur. Mais les coupes budgétaires que pourrait décider le nouveau président ultralibéral, Javier Milei, à court terme « vont probablement se traduire par une récession en 2024 ».
Du côté des Caraïbes, la croissance est quasiment divisée par deux entre 2022 et 2023, passant de 6,4 % à 3,4 %. L’Amérique centrale et le Mexique s’en sortent mieux : 3,5 % contre 4,1 % en 2022. Si les chiffres de ces deux régions se maintiennent à des niveaux assez élevés, c’est parce que « leur facteur extérieur prédéterminant, l’économie américaine, continue à relativement bien se tenir », explique l’économiste.
« La faible croissance prévue pour les économies de la région en 2023 et 2024 n’est pas seulement un problème à court terme, mais reflète la baisse du taux de croissance tendanciel du PIB régional », note le rapport de la Cepal. Elle était supérieure à 3 % par an sur la période 1980-2009 pour s’affaisser à 1,6 % en moyenne entre 2010 et 2024. En 2023, le PIB par habitant devrait seulement retrouver ses niveaux de 2013-2014.
La Cepal pointe du doigt « les faiblesses structurelles de la région », notamment une productivité trop basse, le poids des activités informelles, et des investissements publics et privés insuffisants, qui sapent les perspectives économiques de la zone. Le rapport fait également état d’un ralentissement des créations d’emplois.
« Mémoire de l’ultra-inflation »
Comme ailleurs dans le monde, l’inflation devrait continuer à refluer dans ce groupe de pays. La consommation des ménages tourne néanmoins toujours au ralenti. Et leurs politiques monétaires restent restrictives.
« Les politiques monétaires demeurent hyperorthodoxes, à l’instar de la Banque centrale brésilienne, avec la peur du moindre dérapage et de retourner dans l’hyperinflation des années 1980 et 1990, confirme Jean-Louis Martin. Tous les pays de la zone ont des déficits publics importants. Il y a moins de dépenses dans les infrastructures de transports, de télécommunication. »
Pourtant, la Cepal estime que ces investissements sont nécessaires au « dynamisme » et à la « compétitivité » des pays de la région. L’institution considère en outre que l’augmentation des recettes budgétaires et la lutte contre l’évasion fiscale sont indispensables. Pour financer la transition bas carbone de ces pays, alors qu’ils sont particulièrement vulnérables au changement climatique, mais aussi pour réduire les inégalités.
« Deux pays, la Colombie et le Brésil, opèrent depuis un an des réformes fiscales qui vont dans le bon sens, juge Jean-Louis Martin. Cependant, plusieurs gouvernements de la région font face à des Congrès très conservateurs qui empêchent les réformes qui pourraient aider à débloquer les obstacles à la croissance. »
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