Au Gabon, la voie est étroite pour Brice Oligui Nguema, entre les engagements donnés après le renversement d’Ali Bongo, le 30 août 2023, les pressions pour faire payer au prix fort Sylvia et Noureddin Bongo pour les détournements dont ils sont accusés, et ses probables aspirations à être élu à l’issue de la transition. Pour le général putschiste, ancien chef de la Garde républicaine, l’arrestation de l’épouse et du fils du président déchu figuraient parmi les premières justifications du coup de force. Près de six mois plus tard, la famille Bongo pourrait constituer une épine dans le godillot de l’officier.
Ali Bongo, dont l’état de santé demeure préoccupant depuis son AVC en octobre 2018, n’a pas bénéficié de la liberté promise en septembre et se trouve toujours sous étroite surveillance dans sa résidence de la Sablière, à Libreville. Sa femme et son fils, incarcérés avant même d’être passés devant la juge d’instruction, seraient quant à eux « privés de leurs droits » et victimes de traitements « cruels, inhumains et dégradants », selon François Zimeray, l’avocat mandaté par la famille après le putsch, ancien ambassadeur pour les droits de l’homme de Nicolas Sarkozy.
Ni leurs proches ni leurs avocats n’ont eu l’autorisation de rendre visite à Ali, Sylvia et Noureddin Bongo, explique un membre du clan qui a régné sur le Gabon sans discontinuer de 1967 à 2023. Ils seraient tous les trois privés de communication avec l’extérieur, dénonce Me Zimeray, qui, en déplacement au Gabon, a vainement tenté de voir ses clients à deux reprises. L’avocat français, qui n’est pas inscrit au barreau de Libreville, n’aurait pas fait les démarches pendant les jours ouvrés en bonne et due forme, justifie une source proche du pouvoir. Leur avocate gabonaise, qui n’a vu ses clients qu’une fois dans le bureau de la juge d’instruction en octobre, ne se serait quant à elle jamais manifestée, explique la même source.
Cuisinier personnel
Noureddin Bongo serait aujourd’hui enfermé dans l’ancienne cellule de Brice Laccruche Alihanga, l’ex-directeur de cabinet d’Ali Bongo, emprisonné pendant quatre ans pour détournements de fonds et blanchiment d’argent. Libéré, celui-ci a qualifié d’« enfer » son expérience carcérale, dont il est ressorti amaigri de plus de 30 kg. Le fils du président déchu vivrait donc désormais dans « un cachot de 9 m², avec un trou dans le sol en guise de toilettes et une porte qui ne s’ouvre qu’une fois par jour pour récupérer les poubelles du détenu », relate une source au sein de la prison centrale. D’après cette source, il subirait des traitements « inhumains » sous le regard de sa mère, Sylvia.
« C’est du show », rétorque un membre de la famille Bongo, éloigné de la vie politique, pour contredire les accusations de torture, tout en concevant que les conditions de détention soient « psychologiquement dures » et « peu confortables pour des personnes qui n’ont jamais connu une vie difficile ». Selon lui, la famille s’assurerait qu’ils soient bien traités. L’ancienne première dame aurait droit à son cuisinier personnel et dormirait dans le confort de l’infirmerie de la maison d’arrêt des femmes, un bâtiment refait à neuf en 2022.
« Il ne faut pas oublier que c’est la famille, après tout », ajoute cette source en référence aux liens du sang qui unissent le président destitué au chef de la transition : la mère de Brice Oligui Nguema était une cousine de celle de l’ancien président Omar Bongo.
Plus largement, le général a tout intérêt à ne pas maltraiter Ali Bongo et ses proches s’il veut garder les faveurs du peuple teke, qui constitue la majorité des électeurs de la région du Haut-Ogooué, l’ancien fief des Bongo.
La présidence dit ainsi refuser d’entrer dans une « guerre d’information » au sujet de ce dossier géré dans la plus grande confidentialité au palais du Bord de mer. Mais outre la proximité familiale qui l’oblige à une certaine réserve, le général Oligui Nguema cherche à conserver son image flatteuse à l’international. L’officier se serait engagé verbalement, selon l’un de ses conseillers, auprès de l’Elysée à respecter les droits humains et ceux de l’ancienne famille présidentielle.
Tourner la page
A Libreville, le dossier est suivi avec attention par les diplomates français. La consule de France a été l’unique personne autorisée à voir les deux détenus, tous deux ressortissants français, à la prison centrale. En vertu de la protection consulaire, une visite a été rendue le 28 novembre à Sylvia Bongo et une autre le 19 janvier à Nourredin Bongo et sa mère afin de s’assurer de leurs conditions de détention, de leur état de santé et des soins reçus lorsqu’ils sont tombés malades, explique-t-on à Paris, où l’on ne peut confirmer les tortures dénoncées par les conseils des deux accusés.
Coincés entre les demandes populaires de justice, le souhait de ne pas apparaître en première ligne sur les dossiers judiciaires et la nécessité de préserver une image de respectabilité, les militaires ne sauraient « pas quoi faire d’eux », confie un membre de la famille Bongo, pour qui « un procès juste est impossible car il n’y a aucun papier signé de leurs mains qui puisse être utilisé comme preuve. »
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Dans cette affaire, « il n’y a jamais eu de respect de la présomption d’innocence », soutient Me Zimeray. Avant même qu’un procès ait lieu, ses clients auraient déjà restitué sous la contrainte la majorité de leurs actifs et biens et, ne s’accrochant pas au pouvoir, se disent prêts à tourner la page – pour ne pas dire « effacer l’ardoise ». Une source proche de la présidence considère que politiquement, « Oligui aurait tout intérêt à jouer les grands seigneurs en leur laissant de quoi fuir le pays et vivre sans faire de vague le restant de leurs jours ».
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