Un gouvernement de riches… pour les riches ? La ritournelle n’est pas nouvelle. Mais le journal L’Humanité a relancé la polémique en affirmant que la moitié des membres du nouveau gouvernement de Gabriel Attal sont millionnaires : ainsi 17 des 34 ministres auraient une fortune supérieure à 1,03 million d’euros, soit la tranche des 5 % de Français les plus riches. Un tiers d’entre eux entreraient même dans la sphère des 1 % les plus riches de France avec plus de 2,2 millions d’euros de patrimoine selon les premiers éléments transmis auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, une instance créée en 2013. Avant elle, nul ne savait précisément quel était le patrimoine de ceux qui nous gouvernent.
”Mais il est évident que tous les gouvernements de France, depuis la IIIe République, ont compté en leur sein des gens parmi les 5 % les plus riches du pays. Maurice Rouvier, président du Conseil en 1905, présidait l’une des dix plus grandes banques mondiales, la famille de Valéry Giscard d’Estaing était immensément riche, notamment en raison de son mariage avec la petite-fille Schneider”, souligne Gilles Richard, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Rennes 2 et président de la Société française d’histoire politique. Désormais, chacun doit déclarer ses millions publiquement. “Leur fortune est à la fois mal calculée – la valeur de leur appartement à Paris est prise en compte or les prix ont flambé sans que leur train de vie soit nécessairement celui de millionnaire – et largement sous-estimée car personne ne contrôle la véracité des déclarations”, nuance l’historien.
Héritiers ou dirigeants d’entreprises
Parmi les millionnaires qui nous gouvernent figurent le nouveau Premier ministre (malgré son jeune âge, 34 ans, il dispose d’une assurance-vie de 1,5 million d’euros), ainsi que Christophe Béchu, Rachida Dati, Marc Fesneau ou encore Sylvie Retailleau. Comment ont-ils fait fortune ? L’Humanité assure que “la richesse du gouvernement provient surtout du capital : patrimoine immobilier, héritages, actions en Bourse, dividendes”. C’est en partie vrai. Ainsi, le ministre du Commerce extérieur Franck Riester possède le patrimoine le plus important, estimé à dix millions d’euros, hérité en grande partie de son grand-père, créateur d’un florissant réseau de concessions d’automobiles (il bat le record détenu par le radical Jean-Michel Baylet et ses 6,5 millions d’euros, qui lui-même avait battu le record patrimonial de Laurent Fabius, avec 5,2 millions d’euros). Vient ensuite Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, de la Jeunesse et des JO, qui doit ses sept millions d’euros principalement aux actions obtenues chez Axa et Carrefour.
D’autres doivent leur situation financière à une carrière professionnelle menée tambour battant : ils ont d’abord réussi dans le privé avant de s’engager en politique. C’est le cas d’Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, avocat de renom, acteur de théâtre et auteur de livres à succès, ou encore du ministre de l’Industrie Roland Lescure : fils d’un journaliste de L’Humanité et d’une syndicaliste CGT à la RATP, ce polytechnicien a occupé de hautes fonctions chez Natixis et Groupama et dans un fonds de pension québécois.
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”Une politique de guerre contre le peuple” ?
Toujours est-il que les patrimoines des ministres du gouvernement Attal dépassent ceux de l’équipe d’Élisabeth Borne en 2022 qui, déjà, surpassaient ceux des gouvernements d’Édouard Philippe et de Jean Castex qui, eux-mêmes, écrasaient ceux des ministres socialistes et apparentés sous François Hollande (Michel Sapin, Jean-Marc Ayrault, George Pau-Langevin, Marisol Touraine étaient eux aussi millionnaires). “Les ministres ouvriers restent très rares dans l’histoire de France. S’ils étaient pauvres, ces hommes et ces femmes ne seraient pas ministres”, poursuit Gilles Richard.
Est-ce pour autant problématique ? “Oui, répond sans ambages l’historien. Certains peuvent penser que les meilleurs doivent gouverner et qu’ils ont mérité d’occuper ces postes. Mais le problème, c’est que la République repose désormais sur les principes du capitalisme, contraires à notre devise ‘Liberté Égalité Fraternité’”. La France Insoumise va jusqu’à les accuser de “mener une politique de guerre contre le peuple”.
Une chose est sûre : l’aisance financière des ministres, désormais publique, contribue à la défiance exprimée par un nombre croissant de Français à l’égard des élites, jugées de moins en moins représentatives.
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