La France va contribuer à moderniser les La Fayette taïwanaises

Un nouvel accord a été conclu entre Paris et Taipei pour la modernisation des six frégates du type La Fayette construites dans les années 90 à Lorient pour la marine taïwanaise.

L’annonce a été faite le 16 février par le ministère de la défense de Taïwan, où l’on évoque un contrat de près de 80 millions de dollars (74 millions d’euros). Pas de quoi équiper les bâtiments de nouveaux systèmes d’armes, du moins par les industriels français, Paris se refusant à froisser Pékin sur cette épineuse question (les seuls missiles français vendus à Taipei sont les Mica équipant les Mirage 2000 achetés en 1992 par les forces aériennes taiwanaises). Il s’agira probablement surtout de mettre à niveau le système de direction de combat et certains équipements électroniques des frégates, qui ont déjà bénéficié d’une révision de leurs moyens de guerre électronique. Un précédent contrat avec la France, signé en 2020 avec Défense Conseil International (DCI), a en effet porté sur la rénovation des lance-leurres anti-missiles Dagaie Mk2, dont les bâtiments sont dotés depuis leur départ de France il y a près de 30 ans. Des systèmes développés par Safran (lanceurs) et équipés de leurres produits par une autre société française, Lacroix. Le montant de cette opération, révélée à l’époque par les autorités taiwanaises, avait été annoncé à 25 millions d’euros.

Conclue en juin 1989, la vente de ces six frégates avait été assurée par Thales, alors Thomson CSF, et avait provoqué une grave crise diplomatique (d’autant qu’il y avait aussi, à l’époque, le programme des Mirage 2000) avec la Chine. Le gouvernement français s’était d’ailleurs opposé pendant deux ans à l’entrée en vigueur de ce contrat, auquel François Mitterrand ne donna son feu vert qu’en septembre 1991. Pour apaiser la colère de Pékin, les bâtiments avaient été livrés sans armement, Taiwan devant en la matière se tourner vers d’autres fournisseurs. Les industriels français, Thales en tête évidemment, avaient néanmoins fourni l’électronique : système de combat TAVITAC, radar de surveillance DRBV-26D Jupiter, sonars TSM-2633 Spherion B (coque) et DSBV-62 Lamproie (antenne linéaire passive remorquée), conduites de tir Castor, systèmes de communications et moyens de guerre électronique (dont les Dagaie). Des systèmes qui ont forcément besoin d’être modernisés.

Cette rénovation est en tous cas une brique essentielle pour maintenir à niveau les capacités de détection des frégates, qui participent au dispositif de surveillance des mouvements aériens et navals des forces chinoises. Les Taïwanais, qui cherchent à développer leurs capacités de défense aérienne, franchiront un premier pas en rénovant l’électronique de leurs frégates. Quant aux capacités offensives, elles pourraient être ajoutées dans le cadre de programmes d’armements nationaux.

Réalisées à Lorient par l’ex-DCN (aujourd’hui Naval Group) dans le cadre d’un programme nommé « Bravo », les frégates de la classe Kangding sont dérivées des cinq unités françaises du type La Fayette (FLF). Grâce à l’avènement dans le chantier breton de la construction modulaire, elles ont été produites en un temps record parallèlement aux trois premières FLF de la Marine nationale (La Fayette, Surcouf et Courbet, mises en service en 1996 et 1997, l’Aconit suivant en 1999 et le Guépratte en 2001). Tête de série du programme Bravo, le Kangding, mis sur cale en août 1993, fut mis à l’eau dès mars 1994 et réalisa ses essais en mer au printemps 1995, sa mise en service intervenant en mai 1996. Ont suivi les Sining (octobre 1996), Kunming (février 1997), Dihua (août 1997), Wuchang (décembre 1997) et Chende (mars 1998).

 

La frégate Sining en essais à Lorient en 1996 (© BERNARD PREZELIN)

 

La frégate Sining en essais à Lorient en 1996 (© BERNARD PREZELIN)

 

Ces bâtiments de 124 mètres de long pour 15 mètres de large et 3800 tonnes de déplacement à pleine charge peuvent atteindre 25 nœuds et ont un équipage de plus de 160 marins. Après leur arrivée à Taïwan, les frégates ont reçu leur armement. Elles ont été équipées de 8 missiles antinavire Hsiung Feng 2 de conception nationale et pour l’antiaérien des équipements américains avec un système surface-air à courte portée Sea Chaparral (rampe avec quatre missiles Redeye) et un canon multitubes Phalanx. S’y ajoute de l’artillerie, une tourelle de 76mm italienne et deux canons de 40mm Bofors, ainsi que deux plateformes triples lance-torpilles installées sur la plateforme arrière, devant le hangar hélicoptère qui peut accueillir un Seahawk.

Plus de 20 ans après leur mise en service, les Kangding ont évidemment besoin d’une sérieuse modernisation, en particulier en matière d’autodéfense antiaérienne et contre les missiles antinavires de nouvelle génération. D’où la rénovation des lance-leurres et de leurs munitions. Mais ce ne sera pas suffisant. Il faudra également remplacer l’antique Sea Chaparral, ainsi que les moyens de détection. Une opération complexe pour Taïwan puisque la Chine exerce de longue date des pressions très fortes sur les fournisseurs étrangers.

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