« La guerre des subventions entre Américains, Chinois et Européens et leur protectionnisme sectoriel ne font pas l’affaire du Sud »
Comme les fléaux de l’Apocalypse dans l’Ancien Testament, les coups durs s’abattent à répétition sur les plus pauvres d’entre les pays. Chocs successifs se nourrissant les uns les autres, pandémie de Covid-19, délires climatiques, inflation, guerre russe en Ukraine, croissance molle en Chine, recul du commerce mondial et promesses oubliées du Nord riche, l’ensemble se conjugue pour accabler l’Afrique subsaharienne et l’Amérique centrale.
L’Assemblée générale annuelle de l’Organisation des Nations unies (ONU) qui s’est ouverte, mardi 19 septembre, à New York n’a rien à fêter. Elle ne tient aucun des objectifs de développement que, sur un mode lyrico-volontariste passablement insupportable, elle proclame rituellement. En 2015, elle lançait en fanfare ses « objectifs de développement durable » : éradiquer la grande pauvreté de la surface de la planète d’ici à 2030 – « zéro famine ». Paroles envolées au premier vent sur l’East River, le long du siège des Nations unies.
Notre confrère Nicholas Kristof est un homme cruel. Dans l’édition du 16 septembre du New York Times, il confronte la réalité des chiffres d’aujourd’hui aux promesses faites en 2015. L’objectif s’appelait « développement durable 2030 ». Sauf improbable mobilisation exceptionnelle, il ne sera pas atteint. « Ce que l’on prévoit pour 2030, ce sont 575 millions d’individus vivant dans l’extrême pauvreté », écrit Kristof.
Dans son rapport du printemps 2023, la Banque mondiale, peu portée sur le catastrophisme, dressait le même panorama, celui d’un avenir sombre pour les plus pauvres d’entre les pauvres. En 2024, dans le tiers des pays les plus démunis, le revenu par tête sera inférieur à ce qu’il était en 2019. L’ONU n’est pas pour grand-chose dans cette affaire. Elle est ce que ses membres sont. Elle fait ce qu’ils décident de faire. En elle-même, l’Assemblée n’a d’autre pouvoir qu’incantatoire.
Depuis les années 2000 – et même un peu avant –, la fraction de la population mondiale vivant dans l’extrême pauvreté n’a cessé de diminuer. Entre le Nord et le Sud, l’écart s’est resserré, même si à l’intérieur des pays concernés, qu’ils appartiennent au monde riche ou pauvre, les inégalités ont crû. Las, nous serions à l’aube d’un renversement de situation : « la réduction de l’inégalité globale paraît s’être arrêtée », à en croire des chiffres cités dans le Financial Times, le 19 juin. L’écart pourrait se creuser à nouveau entre le Nord (Chine comprise, s’entend) et le Sud.
On dira que cette terrible régression est conjoncturelle, produite par trois années de Covid-19 suivies de la guerre russe en Ukraine. Cette dernière a nourri l’inflation. La hausse des prix de l’énergie et des produits de base de l’alimentation pèse d’abord sur l’Afrique subsaharienne. Vladimir Poutine est l’un des responsables directs de la malnutrition qui affecte aujourd’hui des millions d’Africains. Il n’empêche : nombre de pays du Sud incriminent les sanctions occidentales et le « détournement » d’assistance que représenterait l’appui fourni à Kiev. Enfin, la hausse des taux d’intérêt – pour lutter contre l’inflation – frappe un Sud pauvre déjà lourdement endetté.
Il vous reste 45.64% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Crédit: Lien source


Les commentaires sont fermés.