Ils ont frappé en Russie, en Iran, en Afghanistan. Ils tuent tout ce qui ne leur ressemble pas, promettent la défaite des « croisés » et se réjouissent de la mort de chrétiens par centaines. La directrice de la DGSI elle-même, Céline Berthon, s’inquiète de leur menace aujourd’hui en France. L’État islamique au Khorassan (EI-K) est au cœur de toutes les angoisses.
Née au Pakistan en 2014, cette branche de l’État islamique a d’abord fait régner la terreur en Asie centrale avant de lorgner l’Europe, où elle multiplie les projets d’attentats depuis des mois. Belgique, Allemagne, plusieurs attaques ont été évitées de peu. En France, Emmanuel Macron a reconnu au lendemain de l’attentat de Moscou que l’organisation était impliquée dans plusieurs projets d’attentats déjoués. L’attaque de Bir-Hakeim ayant coûté la vie à un touriste allemand en décembre dernier était le fait d’un Franco-Iranien ayant prêté allégeance à l’EI-K.
Sa force ? Être une organisation ambitieuse et structurée, au pouvoir d’attraction grandissant. Sa méthode ? Puiser dans un large vivier de jeunes déstructurés, très sensibles à la propagande de Daesh. En matraquant ses potentielles recrues de vidéos ultraviolentes et particulièrement ignobles, l’EI-K cherche à créer des vocations macabres. Exaltation du djihad, valorisation de la vie guerrière, la propagande islamiste bat son plein au sein de la « djihadosphère », l’espace internet qui sert de refuge digital aux radicalisés du monde entier.
C’est d’ailleurs ces profils de plus en plus jeunes, capables de se radicaliser en quelques clics sur Internet, qui occupent en grande partie l’attention du renseignement intérieur français. Au sein du contre-terrorisme, on s’inquiète de la « sphère russophone » qui y sévit et des communautés qu’elle englobe : Tchétchènes, Tadjiks, Ouzbeks ou Kirghizes. « On voit que ça bouge pas mal, ces gens cherchent à se rencontrer, discutent, envisagent des projets… », explique un agent. Les menaces, elles, sont plus ou moins sérieuses, à l’image de cet homme « s’exprimant en russe » ayant menacé, mercredi, de faire exploser une agence France Travail aux Sables-d’Olonne, comme le relate une source policière au JDD. Une agitation qui met les forces de l’ordre sous pression.
« Des Tadjiks liés à l’État islamique ont profité de la politique d’accueil des réfugiés ukrainiens pour venir chez vous ! »
Au-delà d’Internet, l’État islamique au Khorassan est aussi soupçonné – comme la maison-mère l’avait fait pour l’attentat du Bataclan – d’exploiter les failles du monde occidental, notamment par le détournement de ses filières migratoires. « Je veux prévenir le gouvernement français : faites très attention avec l’accueil des réfugiés tadjiks, certains sont peu fréquentables… » Muhiddin Kabiri, opposant politique tadjik exilé en Allemagne, lance un cri d’alarme. Son pays, le Tadjikistan, dictature d’Asie centrale d’où sont originaires les quatre auteurs de la tuerie de Moscou, est le premier pourvoyeur de combattants de l’EI-K.
« J’en suis absolument certain : des Tadjiks liés à l’État islamique ont profité de la politique d’accueil des réfugiés ukrainiens pour venir chez vous ! » L’exemple d’un ressortissant tadjik adepte de l’EI-K, expulsé en Ukraine en 2019 et interpellé aux Pays-Bas en janvier 2023, illustre le phénomène. Mais l’EI-K, aussi inquiétant soit-il, semble n’être que la face émergée de l’iceberg, cachant, par ses attaques spectaculaires et meurtrières, une menace djihadiste plus large. Partout sur le globe, la nébuleuse terroriste revient et, avec elle, la crainte de voir la France victime d’une tuerie de masse comme au Bataclan ou sur la promenade des Anglais à Nice. « La question qu’il faut se poser, c’est pourquoi la France ne serait pas la prochaine cible des terroristes ? » alerte Jérôme Poirot, ancien adjoint du coordinateur national du renseignement intérieur.
Le renseignement évoque près d’un millier de Franco-Maghrébins revenus du Proche-Orient, où ils vivotent entre l’Afrique du Nord et l’Europe. En Afrique sahélienne, l’EI peut compter sur pas moins de 8 000 combattants. Si ces derniers sont impliqués dans des combats locaux, la perspective de voir certains d’entre eux rejoindre l’hémisphère nord est hautement probable, et forcément inquiétante.
Mais la menace terroriste, longtemps perçue dans une logique territoriale, a « évolué », explique un agent. Elle est désormais le fait de connexions plus communautaires, fondées sur un passé commun entre djihadistes. « Des gars qui ont grandi dans le même quartier, fréquenté les mêmes prisons ou combattu ensemble au Levant restent connectés et forment des micro-réseaux, très complexes à appréhender. » Une forme de décentralisation qui rend la tâche des services de renseignement plus difficile encore.
« Les JO de Paris seront évidemment une cible ! »
Les spécialistes, comme Jean-Charles Brisard, du Centre d’analyse du terrorisme (CAT), alertent : « Les JO de Paris seront évidemment une cible ! » ; le ministère de l’Intérieur, lui, veut rassurer, et confie au JDD : « Tout est fait pour la sécurité des Français, et nous n’avons jamais été aussi armés face au terrorisme. Nous avons doublé le budget et les effectifs de la DGSI ; près de 10 000 policiers et gendarmes sont mobilisés afin de surveiller les sites sensibles. Nous sécurisons les lieux de culte, notamment en ce week-end de Pâques ! »
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