La RDC annonce rétablir l’application de la peine de mort 20 ans après un moratoire

En République démocratique du Congo, le gouvernement a décidé d’ouvrir la voie à la reprise les exécutions capitales. Dans une note signée par la ministre de la Justice mercredi 14 mars, la RDC lève le moratoire sur l’exécution de la peine de mort, en place depuis 20 ans. Si elle était prononcée par la justice, la peine n’était pas appliquée. Elle est notamment prononcée contre des militaires coupables de trahison, ainsi que contre des auteurs de « banditisme urbain entraînant mort d’homme ».

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Quoique prononcée par la justice, la peine de mort n’était plus appliquée en RDC depuis son moratoire en 2003. Régulièrement prononcée en RDC par des tribunaux militaires pour trahison, ainsi que par des tribunaux civils pour association de malfaiteurs, les condamnations à mort étaient depuis lors systématiquement commuées en prison à perpétuité. Les personnes condamnées à mort restaient alors détenues dans les prisons congolaises.

Le gouvernement a donc décidé de le lever et dans sa note, la ministre de la Justice revient sur les conflits armés à l’est du pays, ainsi que sur le développement du banditisme dans les centres urbains. Elle explique alors que « ce moratoire était aux yeux de tous ces infracteurs comme un gage d’impunité, car même lorsqu’ils ont été condamnés de manière irrévocable à la peine capitale, ils étaient assurés que cette peine ne serait jamais exécutée à leur endroit. »

Selon la note circulaire, les « actes de traîtrise ou d’espionnage ont fait payer un lourd tribut tant à la population qu’à la République au regard de l’immensité des préjudices subis ». Le gouvernement veut ainsi « débarrasser l’armée de notre pays des traîtres d’une part et d’endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entrainant mort d’homme ».

Cette peine capitale sera exécutée en cas de « condamnation judiciaire irrévocable intervenue en temps de guerre, sous l’état de siège ou d’urgence » ou encore « à l’occasion d’une opération de police », ainsi que « pendant toute autre circonstance exceptionnelle », lit-on dans la note : cela englobe quasiment tous les cas de condamnation à la peine capitale.

« Complicité avec l’ennemi » dans le cadre du conflit avec le M23

De nombreux militaires, y compris des officiers supérieurs des forces armées de la RDC (Fardc), mais également des députés, des sénateurs et des personnalités du monde économique dans l’est de la RDC, ont été arrêtés et accusés de « complicité avec l’ennemi ». Cela dans le cadre de la guerre entre les Fardc et les rebelles du M23 : la déroute de l’armée congolaise et de ses milices supplétives face à la progression du M23 a attisé chez les autorités des soupçons d’infiltration des forces de sécurité.

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« Couloir à des exécutions sommaires », avec une justice « défectueuse »

La société civile et les organisations de défense des droits de l’Homme ont immédiatement dénoncé cette décision et appelé à son annulation. Le mouvement citoyen congolais pro-démocratie Lucha (Lutte pour le changement) a condamné cette décision, estimant qu’elle « ouvre un couloir à des exécutions sommaires dans ce pays où le fonctionnement défectueux de la justice est reconnu par tous, y compris le magistrat suprême lui-même ». Le mouvement a ainsi fait référence aux critiques récentes du président Félix Tshisekedi envers le système judiciaire de la RDC, qu’il estime être « malade, même dans le traitement des dossiers ».

Pour Amnesty International, la décision des autorités congolaises est « une grave régression et un nouveau signe du recul alarmant de l’administration Tshisekedi en matière de droits humains ». Amnesty considère donc qu’elle « doit être annulée ». Dans un communiqué, l’ONG s’offusque. Avec un système judiciaire « inefficace et inefficient », la décision « consternante du gouvernement signifie que de nombreux innocents risquent désormais d’être exécutés » s’indigne l’ONG. C’est un mépris total pour les droits humains, estime l’organisation, qui présente la peine de mort comme le châtiment le plus « cruel, inhumain et dégradant qui soit ».

Jean-Claude Katende, président de l’Asadho, une des principales organisations congolaises de défense des droits humains, a dénoncé sur X « un véritable recul » et considère que « dans un pays où la justice est qualifiée de malade, on livre les éventuels prévenus à la mort certaine ».

Vendredi, la nouvelle société civile du Congo était la seule à saluer la levée du moratoire. Elle estime que cela aura un impact dissuasif pour les criminels, espions et traîtres dans les rangs des forces de sécurité.

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