Chaque lundi, le journaliste et historien Thomas Snégaroff nous parle, à l’aide des archives de l’histoire, d’un lieu qui fait l’actualité.
Et aujourd’hui, on prend la direction de la Guyane et plus précisément de Kourou où Emmanuel Macron est en déplacement à l’occasion du 60ème anniversaire de l’annonce de la création du centre spatial.
Oui, même si le 21 mars 1964, le général de Gaulle est très flou n’évoquant qu’un avenir radieux pour la Guyane…
Et cet avenir radieux sera en effet un centre spatial à Kourou. Un choix dicté par l’indépendance de l’Algérie où la France avait installé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale son centre spatial, c’était dans le Sahara Algérien. Direction donc la Guyane, dont la proximité de l’équateur permet à la fois de profiter de la force centrifuge créée par la rotation de la terre et donc d’utiliser moins de carburant pour sortir de l’atmosphère, mais aussi, cette proximité de l’équateur permet de placer directement en orbite les satellites géostationnaires, ceux qui restent à la même place au-dessus de l’équateur. C’est tout droit en somme.
En 1967, un an avant le premier tir, les espoirs sont énormes pour la Guyane…
France Inter Actualités 1967.
26 sec
« Toutes les richesses du pays », mais des richesses qui échappent aujourd’hui encore largement aux habitants…
Oui et d’ailleurs, régulièrement, à chaque fois ou presque qu’une visite en grande pompe est organisée à Kourou, est rappelé cette phrase prononcée par François Mitterrand, président, en voyage sur place en 1985 : « On fait décoller des fusées depuis un bidonville ». Une manière de rappeler le grand écart entre l’hypermodernité du centre spatial aux ingénieurs venus pour la plupart de métropole, et le reste d’une région marquée par la grande pauvreté, la chômage, l’insécurité, l’immensité d’un désert médical…d’où le ressentiment d’une partie de la population…Une population qui se sent abandonnée par Paris et ses promesses vaines. Un exemple, en 1975, le président Valery Giscard d’Estaing promet de « sortir la Guyane de la somnolence qui l’étreignait ». Les 70 milliards de francs d’investissement, les deux usines de pâte à papier, les Guyanais ne les verront jamais.
Et ce sentiment tenace sur place que malgré l’aventure spatiale, la métropole se désintéresse de ce territoire lointain…
Oui et plus encore qu’elle s’y intéresse pour de mauvaises raisons. Pour y exploiter les ressources naturelles à l’image du projet de la Montagne d’or, immense mine d’or de l’ouest de la Guyane, aujourd’hui abandonné après une importante mobilisation citoyenne. Mais il n’y a pas que l’or qui remonte régulièrement à la surface en Guyane et qui charrie ce sentiment d’abandon. Il y a aussi l’histoire, bien sûr l’histoire du bagne, indissociable de la Guyane dans la mémoire collective. Signe d’un territoire marginalisé, périphérique et exploité par la métropole qui y envoyait ses criminels qu’elle ne voulait plus chez elle.
On ne peut d’ailleurs que regretter l’absence de visite mémorielle présidentielle au camp et au musée du Bagne à Saint Laurent du Maroni. Parce que comme l’écrit Victor Hugo, si l’avenir est une porte, le passé en est la clé…
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