le commissaire à l’Environnement en tournée en Amérique du Sud – Euractiv FR

Le commissaire européen à l’Environnement, Virginijus Sinkevičius, est en tournée au Paraguay, en Bolivie et en Équateur cette semaine pour répondre aux inquiétudes quant à la mise en œuvre de la première interdiction au monde, imposée par l’UE, des produits liés à la déforestation — une mesure qualifiée de protectionniste par certains partenaires commerciaux de l’UE.

Les règles, qui contribuent aux efforts de l’Union européenne pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, affecteront ses importations de bétail, de cacao, de café, d’huile de palme, de soja et de bois, ainsi que de nombreux produits dérivés tels que le chocolat et le cuir.

« Étant donné que le règlement de l’UE sur la déforestation entre en application à la fin de cette année, certains des États membres concernés demandent à discuter des détails, je réponds donc à cette demande », a déclaré M. Sinkevičius aux journalistes mercredi (13 mars).

Les entreprises cherchant à mettre leurs produits sur le marché européen devront utiliser des données de géolocalisation pour démontrer que ceux-ci ne proviennent pas de terres déboisées ou dégradées après décembre 2020. Elles risquent des amendes allant jusqu’à 4 % de leur chiffre d’affaires annuel dans toute l’UE si elles enfreignent le règlement.

Selon les données du Parlement européen, la consommation de l’UE est responsable d’environ 10 % de la déforestation mondiale, dont les deux tiers sont imputables à l’huile de palme et au soja.

Néanmoins, cette législation pionnière a été critiquée de la part des principaux producteurs de ces matières premières, notamment la Malaisie, l’Indonésie et le Brésil, qui estiment que l’UE utilise la politique commerciale pour imposer son programme écologique aux autres.  

Des inquiétudes ont été exprimées sur la capacité des entreprises à supporter la charge administrative imposée par Bruxelles dans les pays en développement, ainsi que quant aux coûts associés à la vérification que les marchandises ne proviennent pas de la déforestation.

Les pays s’opposent à des « règles de distorsion des échanges »

M. Sinkevičius entame sa tournée vendredi (15 mars) au Paraguay, un pays qui s’est particulièrement opposé à l’adoption du nouveau règlement de l’UE. 

Afin d’apaiser les inquiétudes, le commissaire insistera sur le soutien de l’UE à la mise en place d’un système de traçabilité destiné à faciliter le respect de la règlementation, financé en partie par 10 millions d’euros de l’Union, en plus du financement d’autres initiatives de lutte contre la déforestation.

« Mon intention est de calmer les inquiétudes concernant les conséquences possibles et de souligner les avantages pour tous les pays concernés », a déclaré M. Sinkevičius.

Le Paraguay fait partie des pays qui ont explicitement critiqué les « mesures environnementales unilatérales liées au commerce » susceptibles d’entraîner des distorsions lors de la conférence de l’Organisation mondiale du commerce, le mois dernier à Abou Dhabi.

« En tant que pays en développement enclavé, la réponse est simple : plus de commerce et moins de protectionnisme », avait déclaré Patricia Frutos, vice-ministre de l’Économie du pays, à Abou Dhabi.

Toutefois, le commissaire lituanien a exprimé l’espoir que d’autres pays suivent l’exemple et adoptent des politiques similaires à celles de l’UE.

« À l’heure actuelle, il s’agit de la législation la plus ambitieuse au monde en matière de déforestation, mais nous espérons que les choses ne s’arrêteront pas là et que de nombreux autres pays suivront bientôt cette voie », a-t-il souligné.

Potentiels retards

Sinkevičius a reconnu que la Commission était encore en train de finaliser les détails du règlement, y compris un classement des pays en fonction de leur niveau de risque de déforestation, qui déterminera le niveau des contrôles à l’importation.

Le commissaire a déclaré qu’il collabore avec les parties prenantes à l’élaboration d’une méthode d’évaluation des performances qui soit « aussi objective et transparente que possible ».

« Tout le travail est effectué en coopération très étroite avec les pays tiers, et ces efforts se poursuivront tant qu’ils seront nécessaires », a ajouté M. Sinkevičius.

Les pays se sont également inquiétés de la mauvaise réputation associée à une étiquette « à haut risque », craignant qu’elle n’incite les entreprises à cesser leurs activités dans ces régions ou qu’elle ne favorise les grands producteurs au détriment des petits, qui pourraient avoir du mal à se conformer aux nouvelles règlementations.

Une lettre commune envoyée en septembre dernier aux autorités de l’UE, signée par l’Indonésie, le Brésil et 15 autres pays, décrivait le système d’évaluation des performances comme « discriminatoire et punitif », susceptible d’enfreindre les règles du commerce international.

Face à ces vives critiques, l’exécutif européen semble retarder la publication du classement, laissant la décision à la prochaine Commission, qui entrera en fonction après l’été, suite aux élections européennes de juin.  

Reuters a rapporté que l’exécutif de l’UE envisageait de reporter la publication du classement des risques jusqu’en 2025, et que tous les pays seraient désignés comme présentant un niveau de risque « moyen » jusqu’à ce que la méthodologie soit mise en œuvre.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]


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