le journaliste Sékou Jamal Pendessa condamné à six mois de prison, dont trois avec sursis

Le journaliste et leader syndical guinéen, Sekou Jamal Pendessa a été condamné vendredi 23 février à six mois d’emprisonnement dont trois assortis de sursis et une amende de 500 000 francs guinéens (près de 60 euros) par le tribunal de première instance de Dixinn, à Conakry, la capitale.

Le secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) a été reconnu coupable « de provocation à un attroupement non-armé, atteinte et menace de porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique, à l’intégrité et à la dignité des individus par le biais d’un système informatique. » A la sortie du tribunal, son avocat, Me Salifou Béavogui, a annoncé à la presse qu’il ferait appel dans les prochains jours.

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La décision du juge Mory Bayo a été vivement condamnée par Reporter sans frontières (RSF), l’organisation de défense des journalistes estimant que celle-ci constitue « un assaut frontal au libre exercice du journalisme et à la défense de ses intérêts ». Jeanne Lagarde, la responsable pour le plaidoyer en Afrique subsaharienne de RSF, demande ainsi « l’abandon des charges qui pèsent contre Sékou Jamal Pendessa, sa libération immédiate et la fin de toute forme de harcèlement envers les journalistes en Guinée » alors que les autorités s’étaient « engagées à leur arrivée au pouvoir à respecter la liberté de la presse. »

Appel à la grève générale

M. Pendessa est détenu depuis le 19 janvier à la maison centrale de Conakry. Il avait pris la veille la tête du mouvement syndical qui avait appelé à manifester à Conakry, contre les restrictions qui ciblent la presse privée guinéenne. Treize de ses confrères avaient alors été arrêtés puis relâchés.

Le syndicaliste dénonçait les restrictions d’internet et la coupure des ondes de certaines radios privées, imposées par la junte du général Mamadi Doumbouya. « Je connais très personnellement Sékou », affirme Mohamed Bangoura, directeur du site d’information Mosaïque Guinée, « c’est quelqu’un qui a toujours milité pour la paix et la liberté de la presse. La façon dont on peut le soutenir c’est d’accepter de rejoindre la grève générale s’il est condamné », a-t-il réagi peu avant le verdict.

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« Si notre camarade est condamné, nous déclencherons la grève générale », mettait en garde Amadou Oury, le vice-secrétaire du SPPG, quelques heures plus tôt. Treize centrales syndicales guinéennes, dont le SPPG, ont exigé jeudi 22 février « la libération immédiate et sans condition de Sékou Jamal Pendessa, la révision à la baisse du prix des denrées alimentaires de première nécessité, la levée de la restriction de l’internet et la libération des ondes ». Elles menacent de déclencher une grève générale lundi « dans tous les secteurs : public, privé, mixte et informel. » Ibrahima Diallo, vice-président du SPPG, justifie la position des syndicats : « nous n’avons plus le choix d’imposer un rapport de force. Les mouvements politiques de l’opposition sont tous affaiblis ».

Climat délétère

« L’intention est de réduire au silence les médias et journaliste jugé trop critique envers le pouvoir », estime Jacques Lewa Leno, directeur de la télévision Espace et chroniqueur des grandes gueules, une émission de la radio du même groupe. Le signal de sa chaîne de télévision sur le bouquet Canal+ a été coupé le 9 décembre. Contacté, le groupe Canal + n’a pas souhaité répondre sur les raisons de cette interruption.

Depuis mai, la junte guinéenne multiplie les atteintes à la liberté de la presse, ordonnant le blocage de sites d’information, le brouillage de signaux radios, le retrait de chaînes de télévision des bouquets des opérateurs Canal+ et StarTimes et la restriction de l’internet mobile ou des réseaux sociaux. Les sites internet des journaux en lignes Guinéematin.com et Inquisiteur.net ont ainsi été bloqués pendant de plusieurs semaines en 2023, ne laissant qu’aux utilisateurs d’un réseau privé virtuel (VPN) la possibilité d’accéder à leurs contenus. « Toutes les entreprises de presse qui critiquent le pouvoir se retrouvent dans le viseur de l’Etat », constate M. Oury.

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Dans ce climat délétère et alors que le gouvernement a été dissous lundi 19 février, les restrictions d’accès à internet imposées dans le pays il y a trois mois ont été rétablies dans la nuit de jeudi 22 à vendredi 23 février. « Avec la crise sociale et économique, je pense que le Comité national du rassemblement pour le développement [CNRD] doit éviter d’aller vers la grève. Mais nous sommes prêts au rapport de force », promet M. Oury.

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