Ancienne procureure du roi du parquet de Hal-Vilvorde, dans la banlieue flamande de Bruxelles, Ine Van Wymersch est, depuis avril, commissaire nationale aux drogues – une fonction créée pour coordonner, en Belgique, la lutte contre le trafic de stupéfiants. Saisies de cocaïne record à Anvers, explosions des violences liées au narcotrafic dans ce port flamand et dans la capitale, mais aussi multiplication des laboratoires clandestins de drogues de synthèse et hausse de la production de cannabis…, autant d’enjeux cruciaux pour ce pays du cœur de l’Europe, qui assumera la présidence tournante de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2024.
Huit mois après avoir pris vos fonctions de commissaire nationale aux drogues, quel constat dressez-vous de l’emprise du trafic de stupéfiants sur la Belgique ?
La Belgique est-elle devenue un narco-Etat ? Ma réponse est non, clairement. La Belgique est-elle devenue une plateforme logistique stratégique pour le crime organisé ? Oui, c’est certain. Cela signifie-t-il que nous sommes vulnérables, d’une façon ou d’une autre ? Oui, cela aussi est clair. Mais je constate une prise de conscience généralisée, de la part des autorités comme des entreprises. Et c’est maintenant que l’on se doit d’agir ensemble.
Avec 110 tonnes saisies en 2022, et plus encore cette année, le port d’Anvers est l’épicentre des arrivées de cocaïne en Europe. Quelle stratégie comptez-vous adopter contre les groupes criminels qui y opèrent ?
Plus on met des bâtons dans les roues aux organisations criminelles, plus celles-ci réagissent en amplifiant leur niveau de violence. C’est particulièrement le cas à Anvers, et il se peut que la situation empire à court terme, avant une amélioration générale. Mais ce n’est pas seulement en augmentant les effectifs que l’on parviendra à sécuriser les terminaux du port. Nous étudions aussi de quelle manière l’intelligence artificielle peut nous être utile, notamment dans l’analyse des mouvements suspects enregistrés par les caméras de surveillance. Enfin, un point de contact national, baptisé « Portwatch », sera bientôt opérationnel : il permettra à chacun de signaler anonymement des activités suspectes dans un port belge. Ces informations seront aussitôt accessibles à la police judiciaire. A la vigilance des forces de l’ordre et de sécurité va s’ajouter celle de tous les personnels de l’infrastructure portuaire.
Mais se focaliser sur le port ne suffit pas. On doit, par exemple, agir plus efficacement contre les investissements frauduleux et le blanchiment : cibler les propriétés des trafiquants, leurs biens, leur argent. Une loi fédérale sur « l’approche administrative », adoptée [le 16 novembre] par le Parlement, vise à donner davantage de moyens aux communes pour contrôler et fermer des commerces impliqués dans la criminalité. Cela s’apparente aux saisies effectuées dans le cadre des affaires de terrorisme et de radicalisation. Cette approche peut paraître laborieuse, mais elle est efficace.
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