les cinq défis de la filière cognac face à la nature et à l’économie

Les Charentais ont lu Sénèque. Au pays du cognac, les 4 300 viticulteurs et 260 négociants savent que « l’adversité enseigne la sagesse quand la prospérité la retire parfois ». Philosophes, ils font face à une conjonction inédite d’aléas. Récolte 2023 presque trop abondante et marché américain en berne, obligations administratives et impératifs environnementaux : autant de questions vues comme des défis, moins comme des problèmes. À l’heure où l’économie florissante du cognac marque une pause, où le temps des records et de l’opulence semble révolu, voici un instantané en cinq points.

1 Des vendanges compliquées à terminer

Pas de gel, pas de grêle et peu de mildiou. Avec environ 62 000 belles et grosses grappes à l’hectare et un rendement agronomique…

Les Charentais ont lu Sénèque. Au pays du cognac, les 4 300 viticulteurs et 260 négociants savent que « l’adversité enseigne la sagesse quand la prospérité la retire parfois ». Philosophes, ils font face à une conjonction inédite d’aléas. Récolte 2023 presque trop abondante et marché américain en berne, obligations administratives et impératifs environnementaux : autant de questions vues comme des défis, moins comme des problèmes. À l’heure où l’économie florissante du cognac marque une pause, où le temps des records et de l’opulence semble révolu, voici un instantané en cinq points.

1 Des vendanges compliquées à terminer

Pas de gel, pas de grêle et peu de mildiou. Avec environ 62 000 belles et grosses grappes à l’hectare et un rendement agronomique probable parmi les « plus hauts des dix dernières années » (environ 145 hl/ha), la récolte s’annonce « exceptionnelle ». Elle a commencé à la mi-septembre et se poursuit sous de températures caniculaires, obligeant les exploitants à vendanger avant l’aube afin de préserver la fraîcheur des moûts. Là n’est pas le seul point délicat. En d’autres temps, l’abondance de la récolte aurait enchanté les 17 000 professionnels de la filière. Las ! Avec le marché américain à la peine, le négoce a revu ses besoins à la baisse. Quid des excédents ? « Faisons de la contrainte une opportunité », répond le syndicat UGVC. Les viticulteurs sont invités à reconstituer leur réserve climatique (une poire pour la soif à libérer en cas de coup dur).


Cette année, le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) a refermé le robinet de la production autorisée. Le rendement commercialisable maximal est fixé à 10,5 hectolitres d’alcool pur par hectare, contre 14,73 lors de la récolte 2022. Or, cette année, la nature pourrait donner 14,2. Il y aura des excédents.

Anne Lacaud / “ Sud Ouest ”

2 Une conjoncture délicate à affronter

Face aux vents contraires de l’économie mondiale, tous les spiritueux sont ballottés. Au premier semestre 2023, le whisky écossais a vu ses ventes se rétracter d’environ 20 %. Le cognac n’échappe pas à la bourrasque. Les chiffres de la campagne viticole 2022-2023, arrêtés à la fin juillet, sont mauvais : 180,2 millions de bouteilles vendues (- 18 %) pour un chiffre d’affaires de 3,6 milliards d’euros (- 6,2 %). Certes, les affaires se maintiennent en Asie mais les expéditions plongent en Amérique du Nord, où les distributeurs avaient surstocké et freiné leurs commandes. Aux États-Unis, les négociants sont à la manœuvre. Le géant Hennessy a intensifié ses efforts de promotion, profitant notamment du cinquantenaire du hip-hop en 2023. Les professionnels veulent croire à une « reprise progressive et non linéaire au cours de l’année 2024 ».

3 Des instances professionnelles à renouveler

2023 est une année élective au sein de la filière. Viticulteurs et négociants ont renouvelé leurs représentants syndicaux avant l’été. Ils préparent le nouveau « casting » du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC), dont la composition sera dévoilée le 24 novembre. C’est au tour de la famille du négoce de présider la structure privée investie de missions de service public. La candidature de Florent Morillon, directeur des affaires institutionnelles d’Hennessy, semble la plus plausible. Son élection marquerait un tournant : jamais le BNIC n’a été présidé par un salarié de la plus puissante entreprise du secteur. S’il devait être élu, Florent Morillon devra représenter le monde du cognac dans toute sa diversité. Il en a l’envie et les compétences.

4 La transition verte à accélérer

S’il reste encore dépendant de l’agrochimie, le vignoble du cognac a entamé sa mue environnementale. Ses efforts pour une viticulture plus respectueuse des hommes et de la nature s’intensifient. La filière se dote d’une association (Imagine Cognac) capable de mobiliser plus de matière grise et d’argent dans la recherche et le développement. Elle fait également évoluer sa certification environnementale. Le label CEC (400 titulaires et environ 20 % des surfaces) sera « plus simple, plus pragmatique et ouvert à tous », notamment aux titulaires du niveau HVE2 mais aussi aux tenants de l’agriculture biologique. La nouvelle mouture doit être présentée après les vendanges pour mise en œuvre début 2024.

Couverts végétaux, parcelles fleuries : les paysages ont changé dans le vignoble du cognac. En janvier dernier, environ 400 viticulteurs avaient décroché la Certification environnementale cognac (CEC) et 3 000 autres étaient en attente de formation ou en cours d’audit.


Couverts végétaux, parcelles fleuries : les paysages ont changé dans le vignoble du cognac. En janvier dernier, environ 400 viticulteurs avaient décroché la Certification environnementale cognac (CEC) et 3 000 autres étaient en attente de formation ou en cours d’audit.

Anne Lacaud/Archives « Sud Ouest »

5 Un très gros chantier à bien conduire

Les travaux ont débuté cet été. Ils sont importants. Le BNIC fait construire un nouveau siège social sur les quais de la Charente à Cognac. L’ensemble immobilier conçu par l’architecte Jean-Michel Wilmotte devrait être livré au printemps 2025. Coût du chantier : 18,4 millions d’euros HT, un investissement soutenu par la Banque des territoires en Nouvelle-Aquitaine et un pool bancaire privé. Les bâtiments, conçus « comme un cloître autour d’un parc arboré » de 2 850 mètres carrés, doivent donner un « sentiment de simplicité, de solidité et de fierté ». Le BNIC va ici regrouper 100 salariés, notamment ceux du pôle scientifique aujourd’hui bien à l’étroit dans leurs laboratoires.

Cette image de synthèse montre la façade principale du futur siège social du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC), quai de la Salle-verte à Cognac, face au fleuve Charente.


Cette image de synthèse montre la façade principale du futur siège social du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC), quai de la Salle-verte à Cognac, face au fleuve Charente.

Wilmotte & Associés Architectes/Redman

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