C’est jour de formation aux GIP-Raspeg (groupement d’intérêt public – Réseaux et action en santé publique en Guadeloupe). Plusieurs diététiciennes ont été conviées par les représentants de l’Agence régionale de santé pour faire la promotion d’un dispositif à destination des femmes enceintes : sur l’alimentation durant la grossesse, d’une part, mais aussi et surtout sur risques de l’exposition à la chlordécone, ce pesticide épandu jusqu’au début des années 1990 dans les bananeraies et dont les effets sur la santé sont désormais en partie connus.
« Protéger les personnes vulnérables »
C’est une étude, baptisée Ti-Moun, qui, la première à la fin des années 2000, a mis en évidence des liens entre la prématurité des naissances et l’exposition à la chlordécone via le placenta mais également sur le développement cognitif de l’enfant dans ces premières années. « Le plan chlordécone IV (qui porte une stratégie gouvernementale de lutte contre la chlordécone depuis 2021 et jusqu’à 2027, N.D.L.R.) a défini de protéger les personnes vulnérables et de proposer un accompagnement rapide », précise Marie-Laure Amétis, sage-femme et coordinatrice du programme à destination des femmes enceintes pour le réseau Périnat en Guadeloupe.
L’idée ? Faire une « chlordéconémie », c’est-à-dire tester le taux de chlordécone dans le sang de la femme enceinte pour déterminer son niveau d’imprégnation et enchaîner immédiatement sur un programme alimentaire et permettre de réduire ce taux.
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90 % de la population contaminée mais « tout le monde n’a pas le même taux d’exposition »
La pratique existe pour l’ensemble de la population des Antilles, qu’une étude de Santé Publique France, décrivait comme contaminée à plus de 90 %. « Tout le monde n’a pas le même taux d’exposition, nuance Caroline Corlier, chargée par l’ARS de coordonner le programme de chlordéconémie à l’échelle de la Guadeloupe. Sur quelque 4 500 dosages réalisés, au total, à l’heure actuelle, 17 % présentent un taux de chlordécone au-dessus de la valeur toxique de référence (placée à 0,4 microgramme par litre de sang) dont 96 % viennent du croissant bananier de la Guadeloupe (zone géographique où la banane est très cultivée). »
Si cette possibilité de test n’existait pas avant le plan IV, c’est parce que l’intérêt de la chlordéconémie était questionné. Parfois par les scientifiques eux-mêmes, puisqu’elle n’est qu’une photo de l’imprégnation au moment de la prise de sang. Et puis il a fallu construire l’ensemble du réseau de prise en charge, de la prise de sang aux réunions collectives autour de la question alimentaire.
Une procédure accélérée pour les femmes enceintes
Pour les femmes enceintes, l’idée est d’aller plus vite, dans une procédure accélérée pour agir durant le déroulement de la grossesse en cas d’imprégnation. « Le taux de chlordécone diminue rapidement si on cesse l’exposition à la molécule », rappelle la coordinatrice du programme à destination des femmes enceintes, devant les quatre diététiciennes venues assister à la formation. Tout est passé en revue : les aliments contaminants, la transmission de la contamination de la mère à l’enfant, les effets sur la santé, la façon de réduire son taux d’imprégnation, et aussi toute la prise en charge du programme tant du point de vue des femmes que des professionnels.
« Dans mes consultations je parlais des légumes racines, très contaminés mais j’ignorais que les œufs étaient encore plus porteurs de la molécule, alors forcément c’est quelque chose que je vais faire intervenir dans mes discours », sourit Audrey-Jessica Piter, diététicienne. « De mon côté j’ai appris beaucoup de choses sur la transmission mère-enfant et les conséquences, alors comme je vois pas mal de femmes en diabète gestationnel, ce sera aussi l’occasion de transmettre le message », note aussi Klervi Boterf, autre professionnelle de l’alimentation venue suivre l’atelier.
L’enjeu, c’est l’information
Pour les animatrices du programme de chlordéconémie, l’enjeu c’est l’information, disent-elles, y compris auprès des professionnels de santé, et notamment les référents de la grossesse. « On aimerait que la chlordéconémie pour les quelque 5 000 femmes enceintes chaque année en Guadeloupe, soit proposée aussi naturellement que le test pour la toxoplasmose », note Caroline Corlier. Or, médecins et professionnels de santé semblent encore désintéressés de cette question : chaque réunion rassemble moins de dix personnes. Et pour le webinaire proposé par Phytovictimes, qui vient de prendre ses quartiers dans l’archipel guadeloupéen, en toute fin d’année 2023, si 2 000 invitations ont été envoyées, sept connexions ont été comptabilisées.
Le 29 février prochain, l’Assemblée nationale examinera une proposition de loi du député socialiste Élie Califer visant la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans la contamination au chlordécone et l’indemnisation des victimes.
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