Miguel, Camerounais dans un camp en Tunisie : « Le racisme a cassé tous mes rêves »

Miguel survit depuis huit mois dans un des camps de fortune qui longent une route près de Sfax, dans le centre-est de la Tunisie. Parti de la région anglophone du Cameroun pour une vie meilleure dans le pays, le jeune homme a vu ses projets complètement chamboulés par le racisme anti-Noirs qui y sévit.

Comme de nombreux migrants subsahariens, Miguel passe ses journées et ses nuits dans une oliveraie, le long de la route qui relie Sfax à El Amra. Sans ressources, et dans l’impossibilité de trouver du travail à cause de sa couleur de peau, le jeune Camerounais de 24 ans est désespéré. Sa seule issue, désormais, est de monter dans un bateau direction l’Italie.

« Je suis dans le camp depuis sept ou huit mois, celui qui se situe au kilomètre 25. Avec d’autres africains, on s’est installé sous les oliviers et on dort sous une bâche. Ces derniers mois, c’était vraiment très, très dur. Il fait froid la nuit, et on n’a pas grand-chose pour se couvrir.

Pour manger et boire, on compte sur la solidarité des habitants. Certains viennent directement à nous pour nous donner de la nourriture. Souvent, on va toquer à la porte des fermes des environs. Mais il y a des jours où je ne mange rien.

Le 18 mars, plusieurs associations et ONG de défense des droits humains ont dénoncé une « normalisation des violations des droits humains des personnes migrantes en Tunisie ». Selon le porte-parole du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDS) Romdhane Ben Amor, leur situation « est encore pire qu’avant »

Je n’ai pas d’argent pour m’acheter de quoi me nourrir. J’ai essayé de trouver un travail pour avoir quelques ressources, mais ici c’est impossible. Les Tunisiens ne veulent déjà pas de nous dans leurs rues, alors travailler … Les Arabes n’aiment pas les Noirs. Certaines personnes nous insultent dans la rue, nous chassent des maisons. On doit se cacher.

« J’économiserais pour partir en Europe »

J’ai fui le Cameroun fin 2022, pour échapper à la guerre. Je n’ai pas eu le choix, il fallait que je parte pour rester en vie. [Depuis 2016, le Cameroun est en proie à de nombreuses violences dans la partie anglophone de son territoire, au nord-ouest et au sud-ouest. En sept ans, plus de 6 000 personnes ont perdu la vie, ndlr]. Quand je suis arrivé en Tunisie, c’était pour y rester et construire ma vie : obtenir l’asile, continuer mes études dans l’informatique, et travailler un peu en parallèle.

Mais le racisme qu’il y a ici a tout chamboulé. Ça a cassé tous mes rêves.

Depuis un an et le discours xénophobe prononcé par le président tunisien Kaïs Saïed, le racisme anti-Noirs a pris beaucoup d’ampleur dans le pays. Insultes, rafles, arrestations arbitraires : les exilés subsahariens vivent aujourd’hui reclus, de peur des représailles d’une certaine partie de la population comme de la police. 

La violence de ce pays me rappelle parfois ce qu’il se passe chez moi. Je pleure beaucoup. Si dans un futur proche, j’arrive à gagner un peu d’argent, j’économiserais pour partir en Europe. Ça me fait un peu peur aussi, car maintenant, quand les Tunisiens arrêtent les bateaux en mer, les migrants sont envoyés à la frontière avec l’Algérie. Mais je ne veux plus rester ici.

En janvier, InfoMigrants a reçu plusieurs témoignages de Subsahariens arrêtés à Sfax – et dans plusieurs villes du pays – puis abandonnés par les autorités tunisiennes dans la montagne, à la frontière algérienne. À l’instar de Fatma, Sierra-Léonaise, arrêtée en mer à Sfax le 29 décembre 2023 par les garde-côtes. À peine de retour sur terre, elle et un groupe de 50 personnes dont des enfants « de 1 an, 4 ans, 6 ans, 9 ans et 12 ans » ont été immédiatement envoyés à la frontière algérienne.

Ces derniers jours, j’ai trouvé refuge dans la chambre d’un ami étudiant car j’ai été très malade. Il a accepté de m’acheter quelques médicaments et de m’héberger le temps que j’aille mieux. Ça m’a fait du bien, car je n’avais même pas de quoi acheter du paracétamol. Mais je ne peux pas rester ici trop longtemps. Samedi, je retourne au camp ». 

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