C’est une proposition de loi devenue consensuelle, mais toujours sensible, que le Sénat a adoptée, le 13 juin, en première lecture : le texte, porté par les parlementaires Catherine Morin-Desailly (Union centriste), Max Brisson (Les Républicains) et Pierre Ouzoulias (Groupe communiste républicain et citoyen), facilitera bientôt la restitution des restes humains étrangers conservés dans les collections nationales françaises.
Jusqu’alors, une loi d’espèce était nécessaire pour rendre, au cas par cas, tout objet inaliénable conservé dans les musées – ce fut le cas pour la tête maorie remise par la ville de Rouen à la Nouvelle-Zélande en 2011, ou pour la dépouille de l’esclave Saartjie Baartman, la « Vénus hottentote », restituée à l’Afrique du Sud par une loi de 2002.
« Les restitutions ont toujours soulevé un débat car les musées considèrent ces pièces comme des archives de l’humanité, conservées pour leur intérêt scientifique. En outre, les rendre a souvent été le fait du prince, et sur les restes humains on a longtemps gardé un profil bas », résume André Delpuech, conservateur général du patrimoine français et spécialiste d’archéologie coloniale. Les présidents de la République apprécient, en effet, de pouvoir utiliser ces gestes à l’appui de leurs initiatives diplomatiques. En 2020, la remise à l’Algérie de vingt-quatre crânes de résistants à la guerre de colonisation par Emmanuel Macron – en réalité un dépôt limité à cinq ans faute d’une loi – a toutefois « constitué un dévoiement à ne pas renouveler », ont estimé les sénateurs.
Demain, un cadre général clair devrait permettre de satisfaire plus rapidement la demande d’un Etat tiers souhaitant récupérer des restes humains identifiés, au nom de descendants. Mais les collections, au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) notamment, comprennent aussi des ossements français, et d’outre-mer. Le gouvernement s’est donc engagé, par un amendement qu’a soutenu la ministre de la culture, Rima Abdul Malak, à étudier « une procédure pérenne » pour restituer les fragments ultramarins. Le MNHN détient 24 000 restes humains pour la plupart anonymes, dont 8 000 sont français – 1 200 venant des outre-mer.
Une agonie décrite par les journaux
Eux ont connu un destin tragique : huit Kaliña (aussi nommés Galibi), des Amérindiens de Guyane vivant de part et d’autre du fleuve Maroni et morts de froid à Paris en 1892, sont répertoriés dans les collections du Muséum : six squelettes rangés sur des supports, deux autres personnes identifiées par des moulages. Leur nom peut, aujourd’hui, être révélé au grand jour, grâce au patient travail d’une Française issue de cette communauté. Corinne Toka Devilliers, à la tête de l’association Moliko Alet + Po (« les descendants de Moliko »), se bat pour que ses ancêtres puissent retrouver leur terre d’origine. « Ne pas avoir nos morts à nos côtés est très douloureux », témoigne-t-elle.
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