L’ombre de l’arme nucléaire plane sur l’Europe depuis le début du conflit ukrainien, mais elle est devenue plus marquée ces dernières semaines. Pour autant, le risque nucléaire ne s’est pas accru.
On s’est d’abord inquiété, mi-février, de la possible présence d’armes nucléaires russes dans l’espace. Une information américaine à prendre avec des pincettes : aucun élément concret ne vient étayer ce scénario. Ce n’est en tout cas qu’un projet, et qui pourrait concerner une arme antisatellite à propulsion nucléaire, non un engin explosif.
Puis on a vu M. Poutine s’envoler, le 22 février, à bord d’un bombardier Tu-160 à capacité nucléaire. Provocation ? Pas plus que lorsque l’on voit un président français plonger à bord d’un sous-marin nucléaire…
Enfin, dans son discours sur l’état de la nation, le 29 février, le président russe s’est étendu sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre des nouveaux moyens stratégiques. Jusque-là, rien d’inhabituel ou d’anormal. Mais c’était juste après le coup d’éclat d’Emmanuel Macron sur la possibilité d’envoyer des troupes au sol en Ukraine.
Dès lors, Vladimir Poutine a cru bon d’avertir : « Nous nous souvenons du sort de ceux qui ont un jour envoyé leurs contingents sur le territoire de notre pays. Mais aujourd’hui, les conséquences pour ces éventuels interventionnistes seraient bien plus tragiques. […] Nous avons des armes […] qui peuvent atteindre des cibles sur leur territoire. […] Ne comprennent-ils pas que tout cela (fait naître la) menace réelle d’un conflit avec l’utilisation d’armes nucléaires […] ? » C’est une forme d’avertissement dissuasif, adressé entre autres à la France. Mais qui tombe à plat : personne n’imagine que des forces européennes aillent se battre dans des zones occupées par la Russie, et encore moins sur son territoire…
La doctrine russe
La rhétorique du Kremlin reste en fait conforme à sa doctrine affichée, et les critères russes de recours à l’arme nucléaire ne sont d’ailleurs pas si différents de ceux des pays occidentaux. Cette doctrine prévoit l’usage de l’arme ultime si « l’existence même de l’État » est menacée. Difficile d’en conclure que le seuil nucléaire serait franchi dès que des forces adverses pénétreraient dans les régions ukrainiennes annexées par Moscou – ce que l’Ukraine a d’ailleurs déjà fait !
La veille du discours de M. Poutine, le Financial Times avait révélé le contenu de documents militaires russes évoquant l’emploi d’armes nucléaires lors d’exercices. À l’examen, toutefois, on constate que ces documents, qui datent d’il y a plus de dix ans, ne prévoient le franchissement du seuil nucléaire qu’en cas d’invasion terrestre ou de destruction des sous-marins russes. Rien « d’anormal », donc.
Le but poursuivi par le Kremlin est de nous impressionner et d’affirmer sa force aux yeux de son opinion. Il n’a mis aucune force nucléaire en alerte. Ajoutons que la Chine s’est une nouvelle fois exprimée, après le discours de M. Poutine, pour rappeler à quel point elle voit d’un mauvais œil les rodomontades nucléaires de son voisin… Or, s’il est bien un leader que M. Poutine écoute, c’est Xi Jin Ping.
On peut être troublé par le vocabulaire de certains responsables et commentateurs russes, qui vouent la France et son Président aux gémonies et parlent même de la destruction de notre pays. Mais ils ne représentent qu’eux-mêmes. Et si la France peut tenir un discours fort à la Russie, c’est parce qu’elle est, elle aussi, une puissance nucléaire : notre dissuasion a vocation à neutraliser tout chantage nucléaire de Moscou.
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