poulets brésiliens contre voitures allemandes, où en est l’accord de libre-échange entre l’Europe et l’Amérique du sud ?
Leur mobilisation pèse lourd dans la position de la France que défendra Emmanuel Macron lors du Conseil européen prévu cette semaine. « Nous avons besoin de clarté sur le Mercosur, nous demandons que l’accord ne soit pas signé sous sa forme actuelle », a déclaré le président Emmanuel Macron mardi lors d’une visite en Suède.
Des négociations ouvertes en 1999
Des négociations ouvertes en 1999.
Visactu
Un projet d’accord de libre-échange, qui couvrirait une zone de 800 millions de personnes, est en négociation depuis 1999 entre l’Union européenne et plusieurs pays du Mercosur (l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay). Mais les discussions sont très chaotiques, souvent stoppées en raison de nombreux désaccords et plusieurs fois relancées.
Bien qu’un accord de principe ait été trouvé le 28 juin 2019, les textes définitifs ne sont ni finalisés, ni votés, ni ratifiés et ne sont donc pas entrés en vigueur. Les négociations porteraient encore sur des éléments « techniques ».
Chaque année, l’Union européenne exporte déjà vers le Mercosur des biens s’élevant à 45 milliards d’euros par an et importe des produits atteignant pratiquement le même montant (43 milliards d’euros).
Ce que le traité prévoit
La Commission européenne souhaite pérenniser ces échanges et les faciliter en les soulageant de frais de douanes trop élevés. Cela permettrait notamment à l’Union européenne de solidifier des débouchés pour son lait (sujet de crispation au sein du Mercosur qui dénonce la politique de subvention de l’UE à ses producteurs européens), de fromages, de vins ou d’automobiles, de textiles et de médicaments. L’UE entend également augmenter et « sécuriser » ses importations de cuivre, de fer, de lithium et d’autres métaux stratégiques qui contribueraient à soutenir ses objectifs de relocalisation de son industrie.
En contrepartie, les pays du Mercosur bénéficieraient de droits de douanes réduits sur certains produits dont les quotas d’importation seraient revus à la hausse par l’Europe : + 100 000 tonnes de viande bovine, + 100 000 tonnes de volailles et + 100 000 tonnes de sucre. Sans ignorer les sept millions d’hectolitres de bioéthanol issus des cannes à sucre brésiliennes qui alimenteraient la transition écologique européenne.
Qui est pour ? Qui est contre ?
Depuis le début des négociations, le futur traité Union européenne-Mercosur est plutôt vu d’un œil méfiant en France qui est, par son département de la Guyane, le seul pays européen à avoir un intérêt direct en Amérique du Sud. Si le patronat (le Medef) y est plutôt favorable du point de vue industriel notamment, les principaux syndicats agricoles et les ONG voient leurs discours se croiser. Pour une fois…
Les agriculteurs pointent les différences de normes et en particulier l’utilisation, dans les pays du Mercosur, de produits phytosanitaires interdits en Europe. Des résidus de pesticides interdits ou strictement réglementés ont été retrouvés dans 12 % des aliments échantillonnés en provenance du Brésil et à destination de l’UE.
Un argument auquel les associations environnementales sont sensibles, elles qui dénoncent des monocultures ou des élevages extensifs qui engendrent toujours plus de déforestation en Amazonie, dans le Cerrado ou dans les forêts tropicales sèches du Chaco. L’élevage est responsable de 80 % de la disparition de la forêt en Amazonie, selon WWF.
L’Environnement qui cache la forêt
Dès 2020, les exigences environnementales auraient donc poussé l’Allemagne, qui défend pourtant son industrie automobile, à faire volte-face et à retirer son soutien à l’accord. Tout comme Emmanuel Macron qui annonçait avoir « stoppé net » les négociations UE-Mercosur en juin 2020, devant la Convention citoyenne pour le climat.
Mais ce sont davantage les intérêts agricoles qui pèsent dans la balance. Selon l’Élysée, « la Commission européenne a compris qu’il était impossible de parvenir à une conclusion [des négociations de l’accord] dans ce contexte. Elle a vu la situation en France, en Allemagne, en Pologne, aux Pays-Bas, en Europe ».
Un accord en février ?
Une signature était enfin envisagée en décembre mais a dû être reportée suite aux premières manifestations d’agriculteurs en Allemagne, puis le début de mobilisation en France. Le président brésilien Lula a fustigé le « protectionnisme » d’Emmanuel Macron en matière d’agriculture. « C’était la même chose avec Chirac, Sarkozy, Hollande, tous deviennent protectionnistes quand on discute de leurs produits agricoles », s’est-il agacé, en décembre.
Autre épine dans la botte du Mercosur : l’Argentine. Le nouveau président Javier Milei, ultra-libéral, mais plutôt hostile au Mercosur, a scandé pendant toute sa campagne que son pays devait en sortir. Mais sa ministre du Commerce a réaffirmé sa volonté de conclure l’accord « un jour ou l’autre ». Une incertitude qui contrarie la Commission, mais arrange bien la France qui considère les négociations suspendues.
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