qu’est-ce que « la route du fleuve » promise par Emmanuel Macron ?

Au terme de 36 heures de visite en Guyane, le président de la République a annoncé mardi lors d’une interview croisée avec des médias locaux la finalisation d’une partie de la route entre Papaïchton et Maripasoula, un bassin de vie de l’Ouest de la Guyane dépourvu d’accès au réseau routier du littoral où se concentre l’essentiel des services publics.

C’était une promesse de campagne du président sortant en 2022 dans un courrier adressé aux électeurs de Guyane : « Nous poursuivrons le désenclavement de l’Ouest et de l’intérieur », avec notamment « la route du fleuve » écrivait Emmanuel Macron.

Ce projet, inscrit dans le schéma d’aménagement régional de 2016, doit permettre, via 180 km de route le long du fleuve frontalier Maroni, de relier la commune de Saint-Laurent-du-Maroni à celle de Maripasoula. Un bassin de vie de 25 000 habitants aujourd’hui privé d’accès au réseau routier déjà peu dense du littoral.

Lire aussi : REPORTAGE. À Maripasoula en Guyane, commune coupée du monde ou presque

Faute de route pour se rendre sur la bande côtière qui concentre l’essentiel des services publics, les habitants de l’Ouest dépendent de la pirogue et de l’avion, deux moyens de locomotion à la merci des conditions météorologiques et dangereux, en particulier en saison sèche, la navigation sur le fleuve étant plus risquée. Le 23 décembre, quatre enfants d’une même fratrie sont décédés dans un naufrage vers Grand-Santi, signe que « l’enclavement tue », avait réagi le président de l’Association des maires de Guyane Michel-Ange Jérémie.

La commune de Maripasoula, 10 000 habitants, est uniquement accessible par les airs et la voie fluviale | OUEST-FRANCE, GUILLAUME REUGE

La commune de Maripasoula, 10 000 habitants, est uniquement accessible par les airs et la voie fluviale | OUEST-FRANCE, GUILLAUME REUGE

De la taille du Portugal, la Guyane est dotée de seulement 400 km de routes nationales, limitées à la bande littorale. Son désenclavement est la priorité commune de ses principaux élus depuis la liquidation d’Air Guyane en 2023 qui assurait la desserte aérienne des communes de l’Ouest et de l’intérieur. Entre juin et décembre, le temps qu’une nouvelle délégation de service public émerge, 35 000 personnes se sont retrouvées limitées dans leur mobilité, impactant leur quotidien. Aujourd’hui, la société civile, incarnée par le collectif citoyen Apachi, s’est emparée de la lutte pour cette question.

Créé en 2022, ce collectif dont le nom signifie « route » en aluku – la langue de l’un des peuples bushinengue – a depuis organisé plusieurs réunions et obtenu le 28 octobre 2023 à l’issue d’Assises du désenclavement un engagement des élus et de membres de la société civile pour faire front ensemble et financer des études de faisabilité. Priorité a été donnée aux infrastructures routières, vues comme un préalable à l’aménagement du territoire et au développement économique.

Lire aussi : Guyane, Brésil, Guyana… Pourquoi la présence française en Amazonie est un enjeu stratégique

« L’enclavement pousse à partir »

Car l’enclavement a un fort impact sur le coût de la vie des habitants et les charges des entreprises. À Maripasoula, une bouteille de gaz coûte 50 €, une bouteille d’1,5 l d’eau, 6 €. Résultat, « les habitants et les entreprises s’en vont. L’enclavement pousse à partir car il n’y a pas d’infrastructures, pas de connexions aux services publics », illustre Philippe Dekon. Entre 2014 et 2020, Papaïchton a perdu 1 500 habitants et Maripasoula 3 000. Pour le président du collectif Apachi, qui vit dans cette commune enclavée, c’est « à l’État et non à des sociétés aériennes privées que le désenclavement doit être confié ».

Ce débat est accolé au projet de route du fleuve depuis des années. En 2009, le conseil régional a achevé 60 kilomètres de route de Saint-Laurent à Apatou. En 2021, l’État a lancé le chantier d’une route sur 32 kilomètres de piste entre Maripasoula et Papaïchton, mais seuls 12 km ont été réalisés. Restent ensuite les 150 kilomètres d’Apatou à Papaïchton. Un tronçon en pleine forêt amazonienne estimé à un milliard d’euros que la Collectivité territoriale de Guyane ne pourra financer sans l’État.

« Nous n’allons pas bouder notre plaisir mais ce sont des petites annonces »

« Si je m’arrêtais aux débats de compétences, je vous dirais que c’est la collectivité qui a la compétence sur les routes. Mais je considère que l’État a une responsabilité. Là où on a une partie importante de la population présente, c’est-à-dire à l’ouest du territoire, la possibilité pour descendre à Maripasoula n’est toujours pas au rendez-vous », a déclaré mardi Emmanuel Macron en préambule de ses annonces sur le désenclavement.

Le chef de l’État a demandé que la portion Papaïchton-Maripasoula soit terminée « d’ici la fin de mon mandat ». L’État, qui a déjà engagé 9 millions d’euros, complétera les 30 millions nécessaires pour finaliser ce projet. En parallèle, le président a annoncé avoir demandé au génie militaire, « dans les deux mois qui viennent », la réalisation d’une étude « sur la possibilité de tracer au moins une piste améliorée […] les routes historiques du territoire, elles ont été tracées comme cela ».

« Nous n’allons pas bouder notre plaisir mais ce sont des petites annonces pour désenclaver le fleuve et pas l’ensemble de la Guyane », réagi Philippe Dekon. « Vigilant », son collectif continuera à demander le désenclavement total du territoire via une boucle à l’intérieur de la Guyane reliant Maripasoula à Cayenne en passant par Saül. Cette « route du désenclavement » coûterait sûrement « un à deux milliards d’euros » mais elle permettrait de désenclaver « tout un territoire. La Réunion a bien obtenu sa route du littoral pour cette somme-là », estime Philippe Dekon.

Crédit: Lien source

Les commentaires sont fermés.