C’est le message très politique livré, dimanche 31 mars, par le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, dans son homélie de la messe pascale qui a jeté le feu aux poudres. Dans cette homélie qui décrit la RD-Congo comme un pays « à l’agonie« , l’ordinaire de Kinshasa s’est appesanti sur l’insécurité dans l’Est et plus précisément sur le ralliement de certains cadres de l’ancien régime (celui du président Joseph Kabila, au pouvoir de 2001 à 2019) aux troupes rebelles M23.
« Nous pouvons les traiter de traîtres, ils ont pris la cause de l’ennemi, a estimé le cardinal Ambongo. Mais la question de fond, c’est pourquoi ces gens ont-ils agi de cette manière ? C’est parce qu’au niveau d’ici, nous continuons à poser des gestes qui blessent les autres, qui fragilisent la communion nationale, qui excluent les autres. »
Ces propos ont fortement déplu au gouvernement congolais qui n’a pas tardé à demander des explications. « Les mots du cardinal – j’espère qu’il fera une clarification – peuvent être perçus comme un encouragement, comme un soutien moral à ceux qui choisissent de prendre les armes pour conquérir le pouvoir, alors que nous sommes dans un cycle depuis deux ans qui veut que nous puissions sortir de cela », s’est indigné le porte-parole du gouvernement congolais Patrick Muyaya. Et de poursuivre : « Là, ce n’est pas une rébellion, c’est une agression qui est établie d’un pays étranger. Que des compatriotes pensent qu’il faut se mettre sous celui qui tue d’autres Congolais, sous prétexte que ça ne va pas dans le pays, il y a un véritable problème. »
Bras de fer
Cette posture du cardinal Ambongo envers le pouvoir du président Félix Tshisekedi n’est pas nouvelle. Depuis l’installation au palais présidentiel congolais de l’ex-opposant, en 2019, l’ordinaire de Kinshasa ne se prive pas de critiquer le parti présidentiel. Ces virulentes critiques ont commencé le 30 juin 2020 quand, dans un message publié pour commémorer la fête de l’indépendance de la RD-Congo, l’archevêque de Kinshasa avait moqueusement taclé la coalition alors formée par le parti de Tshisekedi avec celui de l’ex-président Joseph Kabila.
« Cette coalition sait très bien comment elle avait foulé aux pieds la volonté du peuple pour en arriver là », avait-il alors rappelé, faisant ainsi allusion à la position affichée en 2019 par l’Église catholique qui, en se fondant sur les rapports de ses observateurs, remettait en cause les résultats des élections générales. Le cardinal Ambongo enfonçait le clou en comparant le régime de Tshisekedi à « Jacob qui avait volé la bénédiction destinée à son frère aîné Esaü ». Avec une fin moins heureuse pour le peuple qui espérait que « que du mal originel pouvait sortir un bien ».
Plus tard les relations ne se sont pas apaisées. Bien au contraire. En 2021, un groupe de jeunes – proches du pouvoir selon plusieurs témoins – se sont présentés à l’archevêché de Kinshasa et à la résidence du cardinal Fridolin Ambongo, scandant des chants et propos désobligeants et (commettant) des actes de dégradation. Ces incidents étaient intervenus après que l’Église catholique avait boudé les négociations en vue de la désignation du président de la Commission électorale nationale indépendante ( Céni)- qui incombe aux confessions religieuses.
Gouvernement
Plus récemment, dimanche 1er avril, la nomination de la première femme première ministre en RD-Congo, Judith Tuluka Suminwa n’a pas trouvé grâce aux yeux du très critique cardinal. Ce dernier a dénoncé le temps mis par le président après sa réélection en janvier pour désigner un premier ministre chargé de former un gouvernement.
« Normalement, la composition du gouvernement ne devrait pas prendre beaucoup de temps et je le dis à partir de l’exemple du Sénégal : en un temps record, ils vont constituer leur gouvernement, a-t-il fait remarquer au micro de RFI. Mais pourquoi ça dure chez nous ? C’est parce qu’il y a des tractations : tout le monde veut s’asseoir autour du gâteau et avoir le plus gros morceau possible. Comme, au Congo, le seul métier qui vaut la peine, c’est la politique, tout le monde veut se retrouver au gouvernement, au Parlement, autrement, il n’a rien. Cette situation crée vraiment chez nous une inquiétude. »
L’archevêque de Kinshasa a par ailleurs critiqué le gouvernement sortant qui selon lui, était « éléphantesque ». « Cela n’avait rien à voir avec une composition pour être efficace, a-t-il poursuivi. Je crains que le nouveau gouvernement ne soit aussi éléphantesque que le sortant. Le problème du Congo : 70 % du budget est utilisé uniquement pour l’entretien de la classe politique, les 30 % qui restent, c’est pour les 80 millions de Congolais. L’État n’a plus les moyens de sa politique pour rendre des services à la population. »
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