Voici quelques années, les mutualités chrétiennes de Wallonie picarde ont épaulé la naissance d’une mutuelle dans l’est du Congo. Enthousiasme au Sud-Kivu : ça correspondait à un besoin réel. Mais, problème, le financement d’une mutuelle était impossible pour l’immense majorité de la population. Parce que, pour vitale qu’elle soit, la santé n’est pas le premier besoin quand manger, avoir un toit, assurer l’éducation des enfants épuise vos ressources.
L’ASBL “belge” Solidarité Santé Sud est née de ce constat en 2010, et financée par des fonds WBI, elle s’est mise au service d’initiatives promues par le CRESA “congolais” (Carrefour REflexion SAnté, à ne pas confondre avec le Centre de Recherches et d’Études Stratégiques en Afrique), une composante active de la société civile. Parmi ces initiatives, il y a les îlots de développement paysan. Le principe : sur un territoire donné, pour une communauté restreinte mais appelée à essaimer, des techniques agroenvironnementales (plus élevage et pisciculture) sont implémentées de manière à produire plus que pour la seule subsistance, et permettre donc la commercialisation des surplus, etc. À souligner : ce modèle n’a pas été apporté de l’extérieur, mais il s’est construit par et pour la population locale.
C’est de leurs réussites, de leurs espoirs mais aussi de leurs craintes qu’Emmanuel Rugarabura (administrateur délégué du CRESA) , Xavier Cikuru (administrateur et formateur au CRESA) et Adrien Zawadi (président du CRESA et de la Société civile du Sud-Kivu) sont venus entretenir leurs partenaires belges. Ils sont à Tournai pour une quinzaine. Mardi soir, ils ont donné une conférence publique.
Réussites
La réussite de base, c’est d’être sorti du fatalisme, avoir intégré que l’amélioration des techniques agricoles était possible “en interne” par la formation et l’expérimentation. C’est vrai pour les cultures (avec un technicien à demeure), c’est vrai pour l’élevage (vétérinaire volant). “On parle de pédagogie de la conscientisation, disent nos interlocuteurs. C’est former pour transformer. La communauté elle-même pose ses diagnostics. Elle identifie les problèmes, réfléchit, élabore des solutions. C’est une spirale action-réaction qui mène au perfectionnement.”
Réussite encore plus encourageante, ce modèle qui fonctionne (au Sud-Kivu mais aussi dans trois autres régions) est réplicable. “Les gens formés deviennent à leur tour des formateurs.”
Espoirs
Tous les espoirs semblent donc permis : en tout cas, celui de voir une jeunesse rurale cesser de s’exiler massivement vers les villes devrait l’être. On quitte moins la campagne, le village, quand on peut y vivre et en vivre, quand le niveau de développement culturel et social rencontre ses aspirations personnelles.
Craintes
Et pourtant, alors que tout ça s’est mis en place voici une trentaine d’années, la ruralité perd encore du terrain. La réalité, c’est que des millions de Congolais sont des déplacés, des réfugiés dans leur propre pays… Les terres de l’est du Congo sont convoitées pour leurs richesses minières. “Des pays voisins Rwanda et Ouganda mènent une guerre de prédation, chassent les populations. Derrière ces États, plane l’ombre, c’est plus qu’une ombre, de grandes puissances, de multinationales. La corruption fait le reste. […] On se demande, nous, ce que contrôle l’Onu (les bandes armées qui terrorisent nos populations sont dix fois plus nombreuses aujourd’hui qu’il y a 20 ans…), on se demande ce que poursuit l’Union européenne qui, sous le couvert d’aide au développement, alimente abondamment un pays qui nous fait la guerre.”
Le Congo “pays riche, peuple pauvre”, ce ne devrait pourtant pas être une fatalité…
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