Reportage. Cinquante ans après l’indépendance de la Guinée-Bissau, “la population a perdu espoir”

Il fait déjà nuit sur la route de Bafatá [ville du centre] à [la capitale] Bissau. Dans ces conditions, les trois heures de voyage entre la deuxième et la première ville de Guinée-Bissau paraissent allonger une distance qui n’est pourtant pas si grande : 150 kilomètres, pratiquement en ligne droite, mais il manque parfois des bouts d’asphalte – quand celui-ci ne disparaît pas complètement.

On roule en zigzag et pas à plus de 40 kilomètres à l’heure. Les roues des jeeps luttent contre la terre battue et couvrent le paysage de poussière. De petits points de lumière surgissent sur le bas-côté dans l’obscurité – tantôt des foyers, tantôt des lanternes.

C’est ainsi qu’on pallie l’absence d’énergie électrique, qui touche 70 % de la population – toute celle qui vit hors de la capitale. Telles sont les armes qui permettent de continuer à vivre après le coucher du soleil.

Des élections “après la saison des pluies”

La radio diffuse un programme d’apprentissage de la langue portugaise – tout le monde parle créole dans le pays. Juste après, les informations de 8 heures évoquent des affrontements qui ont eu lieu entre la police et les élèves du lycée Quemo Mané, à Mansoa, dans le nord du pays. Les adolescents se sont révoltés pendant la cérémonie d’entrée en fonction du directeur, un homme politique nommé directement par le gouvernement et qui, selon eux, n’a pas les compétences requises pour le poste. Cinq d’entre eux ont été grièvement blessés.

Il y a des mois que les mauvaises nouvelles se succèdent aux infos. Les cœurs sont enflammés, l’air lourd. Même les Guinéens les moins attentifs savent que le pays ne va pas bien.

La démocratie a été abandonnée à son sort depuis que le président Umaro Sissoco Embaló [élu en février 2020 pour un mandat de cinq ans] a dissous le Parlement [le 4 décembre] en invoquant une tentative de coup d’État, laquelle n’a pas été prouvée. Cette dissolution était anticonstitutionnelle, parce que l’Assemblée n’était pas en place depuis au moins douze mois. Le président a ensuite nommé un gouvernement, sans fixer de date pour de nouvelles élections. “Vers octobre ou novembre, après la saison des pluies”, a-t-il lancé.

En conséquence, la Guinée-Bissau présente une image d’autoritarisme et d’impunité, en particulier depuis le premier jour de décembre. Par ordre venu d’en haut, les députés du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) [fondé en 1956 par des militants indépendantistes, autour d’Amílcar Cabral, dans le but de libérer le Cap-Vert et la Guinée portugaise, actuelle Guinée-Bissau, de la domination du Portugal] ont été empêchés d’entrer au Parlement.

“La démocratie est en train de disparaître”

Les manifestations et les rassemblements ont été prohibés et il est également interdit de se rendre sur la tombe du leader indépendantiste Amílcar Cabral [1924-1973. Père des indépendances du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau, figure du panafricanisme]. Le président a accusé les journalistes d’être “de l’opposition”.

Et les Guinéens de la diaspora qui dénoncent ces mesures ont reçu un message : quand ils reviendront, ils seront

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