Une rencontre inédite pour l’avenir des agricultures ultramarines

« L’outre-mer est à l’avant-garde d’enjeux d’actualité qui nous concernent toutes et tous : souveraineté alimentaire, atténuation et adaptation au changement climatique, préservation de la biodiversité et de la santé dans une démarche One Health, sans oublier la réduction des pesticides, grâce à l’agroécologie. Sur tous ces sujets, le Cirad accompagne les territoires ultramarins depuis de nombreuses années avec des résultats qui nous confortent dans nos choix et nous poussent à aller encore plus loin dans les grandes transitions qui s’imposent », a déclaré Elisabeth Claverie de Saint Martin, PDG du Cirad, à l’ouverture de ces rencontres.

Nous rassemblons aujourd’hui nos partenaires ultramarins, collectivités, services de l’Etat et représentants de quatre ministères*, de l’Agence Française de Développement, de l’Odeadom, de l’Acta, des Chambres d’agriculture de France, pour faire le point sur notre partenariat, nos expériences réussies, recueillir les nouvelles attentes et co-construire la feuille de route d’une recherche qui répond aux enjeux d’une agriculture qui préserve son environnement.

Elisabeth Claverie de Saint Martin

PDG du Cirad

La feuille de route, dont la construction démarre à travers cette rencontre, sera dévoilée au Salon international de l’agriculture 2024.

Cette rencontre inédite se déroule en deux temps :
•    Le lundi 27 novembre, sur les enjeux et défis des agricultures ultramarines, en donnant la parole aux territoires sous forme de tables rondes et ateliers d’expression collective. Cette journée se termine avec avec la signature du contrat d’objectif de moyen et de performance du Cirad avec la Région Réunion (cf accord-cadre)
•    Le mardi 28 novembre sera consacré à des visites des infrastructures du Cirad à Montpellier sur les thématiques de l’agroécologie et de l’adaptation au changement climatique (campus de Baillarguet), de la souveraineté alimentaire et de la transition énergétique (campus de Lavalette).

1- Viser la souveraineté alimentaire d’ici 2030

Alors que les territoires d’outre-mer dépendent encore des importations d’aliments, que la crise de l’eau touche certains départements, quelle souveraineté envisager pour les territoires ultramarins et nourrir ses 2,2 millions habitants ?

En Guyane et à Mayotte, près de 85 % des besoins en matière de fruits et légumes est satisfaite, contre presque 70 % à la Réunion, environ 40-45 % en Guadeloupe et en Martinique. Dans le domaine animal, la Guyane et la Réunion ont les élevages bovins les plus développés (20 % des besoins couverts), et la Réunion arrive en tête avec la production de volaille de chair qui couvre 35 % des besoins (Agreste, la statistique agricole).  Au total, on compte plus de 26 500 exploitations, dont une centaine en bio aux Antilles-Guyane et plus de 350 à La Réunion.

L’autosuffisance est-elle atteignable sur ces territoires soumis à de fortes contraintes, très dépendants des intrants agricoles ?

Est-il possible de produire plus localement en respectant santé de l’environnement et des populations ?

C’est l’objectif de l’ensemble des collectivités et du plan autonomie alimentaire 2030 dans les DROM.

Une de nos priorités est la stratégie d’autonomie alimentaire par l’agroécologie, votée par la CTM.

Nicaise Montrose

Conseiller exécutif en charge du développement économique, attractivité, agriculture, alimentation, numérique, participation citoyenne, Collectivité territoriale de Martinique

En Martinique ou à la Réunion, des expériences d’approvisionnement local et bio des cantines scolaires se développent par ailleurs dans le cadre des Plans Alimentaires Territoriaux.

2- Protéger et valoriser une biodiversité exceptionnelle

L’Outre-mer abrite 80 % de la biodiversité française, dont 4 espèces endémiques sur 5 des territoires français. La forêt amazonienne, par exemple, recouvre 96 % du territoire guyanais.

A travers ses recherches, le Cirad accompagne les gestionnaires de cet environnement exceptionnel, comme le Parc national de la Réunion, dans la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, ou encore l’ONF dans la gestion des forêts naturelles et les plantations de bois d’œuvre en Guyane.

Il contribue aussi à inventorier la diversité biologique et à conserver la biodiversité cultivée à travers de nombreuses collections de plantes cultivées regroupées au sein de Centres de ressources biologiques. Ces collections permettent de retrouver des variétés utilisées par le passé ou d’en créer de nouvelles, résistantes ou tolérantes à certaines maladies. La connaissance de cette diversité facilite également la reconnaissance de races animales locales comme par exemple à la Réunion ou à Mayotte. Une biodiversité valorisable également à travers une cosmétopée exceptionnelle.

Lors de ces inventaires ou prospections, de nouvelles espèces sont parfois découvertes, comme récemment cinq nouvelles espèces de vers de terre en Martinique.

3- Les outre-mer, berceau de l’agroécologie ?

C’est dans cet écrin de biodiversité qu’est le terreau fertile de l’agroécologie… Que ce soit en Guyane ou aux Antilles, l’agroforesterie, qui consiste à associer des arbres aux cultures, se développe, plus récemment aussi à Mayotte. En Guyane et à La Réunion, on cultive le cacaoyer sous des arbres, comme dans son lieu d’origine, et en Guadeloupe, les bananiers sont associés depuis peu à des fruitiers comme les agrumes. Les planteurs ont aussi expérimenté l’introduction de moutons pour contrôler l’enherbement des bananeraies dans le cadre du projet Territoires durables, qui vient de s’achever.

Ces expériences récentes font suite à 10 ans de transition agroécologique de la filière banane aux Antilles, qui s’est traduit par une forte baisse de l’usage des pesticides, en particulier des insecticides et nématicides.

Des expérimentations à grande échelle sont désormais aussi en cours dans le domaine du maraîchage en Martinique pour réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques, dans le cadre du projet Ecophyto pumat.

Nous souhaitons revenir à une agriculture territoriale, sur des petites surfaces, pour nourrir notre population avec des cultures maraîchères et vivrières, peu gourmandes en eau.

Patrick Dollin

Président de la Commission économie verte, Région Guadeloupe

A la Réunion, des essais pilotes ont été menés en collaboration avec le Cirad, l’Armeflhor et le lycée agricole de Saint Paul dans le cadre du projet STOP, montrent aussi que la réduction des pesticides est possible, grâce à des pratiques d’agroécologie, même s’il reste encore beaucoup de chemins à parcourir pour changer d’échelle.

A Mayotte, des filets anti-insectes permettent déjà de se passer de certains insecticides.

Nous souhaitons accentuer la résilience de nos agrosystèmes autour du jardin maoré. Intensifier notre production de manière agroécologique.

Moustoifa Abdou

directeur adjoint des ressources terrestres et maritimes, Direction des Ressources Terrestres et Maritimes de Mayotte

Les essais de biocontrôle se développent à La Réunion et dans l’océan Indien et ont donné lieu à un dispositif en partenariat sur cette thématique.

4- Une seule santé : des réseaux pionniers

L’ensemble de ces projets s’inscrit dans une démarche de santé des territoires, dans le cadre plus global des approches « Une seule santé » regroupant santés des écosystèmes, des plantes, des animaux et des humains.

C’est en outre-mer depuis plus de 15 ans que le Cirad, avec ses partenaires, a lancé des réseaux pionniers dans ce domaine.

Des approches qui prennent aujourd’hui tout leur sens avec l’émergence de zoonoses partout dans le monde, la généralisation de l’antibiorésistance et de maladies transmises par des vecteurs comme les moustiques ou les tiques. Dans les territoires insulaires de l’océan Indien et des Caraïbes, la gestion de ces maladies s’est organisée depuis de nombreuses années, avec les premières crises sanitaires : en santé animale ou en santé humaine avec la dengue, le Chikungunya ou le Zika, ou encore en santé végétale avec le citrus greening (HLB), les mouches des fruits ou encore la menace de la fusariose.

Avec la mondialisation mais aussi le changement climatique, les espèces migrent et trouvent de nouvelles niches écologiques dans des climats auparavant peu propices, comme le Sud de la France.

5- Changement climatique : capter le carbone dans les sols

Pour lutter contre ce réchauffement global, l’agriculture, les prairies et les forêts sont des leviers importants de captation de carbone, tel que l’a montré l’étude 4 pour 1000 outre-mer.

Ces questions seront approfondies notamment dans le programme FairCarboN.

L’agroécologie et l’agroforesterie, telles que décrites plus haut, sont autant des voies d’atténuation que d’adaptation au changement climatique. Les régions d’outre-mer, qui connaissent des épisodes climatiques violents, comme les cyclones, seront de plus en plus touchés, avec comme principale victime si elle ne s’adapte pas : l’agriculture.

Des politiques publiques pour adapter l’agriculture au changement climatique sont nécessaires.

Comment on va-t-on s’adapter ? C’est là que nous avons besoin de la recherche scientifique. Nous souhaitons amener la petite agriculture à se développer, concilier protection de l’environnement et production agricole.

Roger Aron

Vice-président chargé de l’agriculture, de la pêche et de la souveraineté alimentaire, Collectivité territoriale de Guyane

6- Les RITA : un réseau au service de l’innovation agricole

Co-animé pendant 10 ans par le Cirad et l’Acta, les Réseaux d’innovation et de transfert agricole entrent aujourd’hui dans une troisième phase d’existence qui associe désormais les chambres d’agricultures. Leur objectif : faciliter l’appropriation des innovations agricoles par les productrices et producteurs des outre-mer.

 

Il nous faut reconquérir des terres agricoles pour mener de front production cannière et vivrière, dans le cadre de notre schéma d’aménagement du territoire d’ici 2050.

Jean-Pierre Chabriat

Conseiller régional en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la transition énergétique, Région Réunion

Des innovations qui pourront aller de pair, avec la réduction de la dépendance aux intrants dans une logique d’économie circulaire, et le développement d’unités de transformation de certains produits agricoles.

*Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ; Ministère des Outre-mer ; Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ; Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
**Agence Française de Développement ; Odeadom ; Association de Coordination Technique Agricole (ACTA) ; Chambres d’agriculture de France.

Le Cirad en outre-mer, c’est :
25 % des effectifs du Cirad
20 % du budget du Cirad
Des infrastructures uniques, tels que le site forestier de Paracou en Guyane, le Centre de veille sur les maladies émergentes en Guadeloupe, le pôle de protection des plantes et le Soere-pro à la Réunion.

 

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